Présidentielle 2010 en Côte d’Ivoire – LA FIN D’UN CYCLE

PAR FAUSTIN TOHA –

Si tout se passe bien pour Alassane Dramane Ouattara au deuxième tour de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010, celui-ci sera le dernier héritier politique d’Houphouët Boigny à assumer pleinement ce qu’il convoitait depuis la disparition du premier président de la Côte d’Ivoire. Depuis le 7 décembre 1993, le président du Rassemblement des républicains ( Rdr) n’a jamais aussi fait montre de sa volonté de parvenir au pouvoir d’Etat par la voie démocratique. Lui à qui tout avait été refusé sous les différents régimes qui ont succédé à Houphouët Boigny. un contexte de falsification des faits, de laboratoires à fabriquer des rumeurs où tous les coups sont permis, la dernière alliance dans le cadre du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et pour la paix ( Rhdp) sera certainement déterminante. Au niveau national, le parti de Ouattara vient de démontrer toute sa suprématie sur la moitié du pays avec des percées dans des zones en dehors de son bastion. A la vérité, le candidat du Rdr revient pleinement dans le jeu démocratique ivoirien supervisé par la communauté internationale suite à une rébellion déclenchée le 19 septembre 2002 qui semble avoir remit le compteur politique à zéro dans un pays où la classe politique représentée par Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara a donné au cour de ces dernières années des objectifs flous : ceux qui ont fait de tous les hommes politiques ivoiriens des ‘’houphouëtistes’’ avec à leur tête son opposant historique.

Le candidat de l’une des majorités, ‘’ la majorité présidentielle’’, Laurent Gbagbo est en ballottage défavorable, cet autre héritier ‘’ autoproclamé’’ selon ses détracteurs notamment les militants du parti fondé par Houphouët Boigny dont le discours de campagne avant le premier tour le présentait comme un héritier par ‘’ effraction’’. Une attitude peu surprenante de Laurent Gbagbo qui croyait disqualifier ses adversaires en leur demandant de rester au Pdci tout en lui accordant leur suffrage. Dans tous les cas le nombre de voix obtenu par le candidat du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire, l’ancien parti unique dans le centre du pays, souligne bien la volonté des électeurs de cette zone de ne reconnaître qu’un seul ‘’héritier légitime’’ d’Houphouët Boigny. Un héritage qui a échappé à son successeur constitutionnel dont la gestion du pouvoir d’Etat s’était heurté violemment aux divergences internes au point de subir le coup d’Etat de décembre 1999.

Un coup de force militaire conduit par l’ancien chef d’Etat major du régime Houphouët, le général Gueï Robert qui s’était présenté comme un autre héritier capable de s’imposer en arbitre face aux déchirements internes. L’échec de cette transition avait replongé le pays dans une guerre de succession plus agressive.

Hormis le général Gueï tous les héritiers aussi bien naturels qu’illégitimes ont été autorisés à se présenter à cette élection présidentielle pratiquement tutélaire de l’houphouëtisme. Finalement Henri Konan Bédié bien qu’arrivé en troisième position a décidé de redistribuer les rôles en demandant à ses militants de voter le candidat du Rdr, Alassane Ouattara. Une annonce qui a vite fait de couper court à une probable négociation politique entre Laurent Gbagbo, le candidat de ‘’la majorité présidentielle’’ et Henri Konan Bédié, le candidat de la ‘’majorité nationale’’. Une majorité nationale qu’il compte rendre effective en appelant ses partisans à voter pour le candidat du Rhdp. Bédié a donc appelé les siens à faire bloc derrière Alassane Ouattara pour chasser Laurent Gbagbo du pouvoir à travers une élection ‘’ ouverte et transparente’’ consécutive aux accords politiques signés suite au déclenchement de la crise politico militaire en septembre 2002. Si le vote au premier tour n’a pas échappé dans son ensemble aux choix à caractère ethnique, l’appel de Bédié en faveur de Ouattara peut participer au jeu des alliances qui dans les cas présent montre bien qu’un leader chrétien appelle à voter pour un autre leader musulman, l’un issu du sud et l’autre du nord, avec cet avantage de se réclamer enfin comme les vrais héritiers d’Houphouët Boigny.

Les partisans de Laurent Gbagbo se souviendront sans doute de leur alliance avec Ouattara dans le cadre du Front républicain qui avait conduit à la perte du pouvoir d’Etat par le Pdci d’Henri Konan Bédié. Suite au premier tour de l’élection présidentielle du 31 octobre 2010, le parti de l’ancien président veut rassembler tous ceux qui croient au jeu des alliances surtout que celle du Rhdp le remet dans le jeu politique de façon particulière et de surcroit donne l’occasion à Alassane Ouattara de mette fin à un cycle de succession tumultueuse en Côte d’Ivoire depuis la mort d’Houphouët le 7 décembre 1993. Bédié, Gueï, Gbagbo ont connu des fortunes diverses. En principe il revient à Alassane Ouattara de boucler la boucle à travers le jeu démocratique qui mettra probablement fin à près de vingt ans d’instabilité en Côte d’Ivoire.

Faustin Toha
Journaliste, écrivain

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