Interview – Charles Blé Goudé :« Des cadres du Pdci viennent nous voir la nuit »

Soir Info Réalisée par SYLLA Arouna

C’est un homme très chargé que nous avons rencontré, le samedi 13 novembre, à Yopougon. Quand il ne recevait pas des groupes venus le rencontrer au siège de son organisation, il allait rendre visite à des familles. En dépit de son calendrier chargé, Charles Blé Goudé a bien voulu répondre à nos questions. Sans faux fuyants. Le Directeur national de campagne-adjoint de la jeunesse (Dncaj) du candidat Laurent Gbagbo tire les leçons du premier tour de la présidentielle pèse et sous pèse les chances de son candidat. Interview.

La machine du Rhdp, qui est véritablement lancée, ne vous fait-elle pas peur?

Charles Blé Goudé : Je voudrais d’abord féliciter tous les Ivoiriens qui ont participé dans le calme à cette élection historique. C’est à l’honneur de la Côte d’Ivoire. Maintenant, nous allons au deuxième tour et vous me demandez si la machine du Rhdp ne m’effraie pas. Non ! Je ne sais pas ce qui surprend les gens. Depuis le début de cette campagne, j’ai dit que nous allons gagner. Or, nous savions que le Rhdp était en coalition. Donc, il y a rien de nouveau sous le soleil.

Qu’est ce qui fonde cet optimisme que je qualifierai de béat ?

C.B.G : Je voudrais vous dire que depuis le ralliement du président Henri Konan Bédié à Alassane Ouattara, c’est un sursaut national dans toute la Cote d’Ivoire. Nous recevons les coups de fil de partout. Les jeunesses du Pdci, les jeunesses de l’Udpci, les femmes du Pdci, les femmes de l’Udpci, les Ivoiriens, partout nous ont envahis. Ils disent que cette fois-ci, ce n’est pas Gbagbo Laurent qui est opposé à un candidat, mais que c’est toute la Cote d’Ivoire qui est opposée à un candidat.

Qu’est ce qui vous dit que ceux qui vous disent cela sont sincères ?

C.B.G : Mais, c’est à nous de travailler à cela. Et, nous travaillons à cela. Mieux, je voudrais vous rappeler, pour l’histoire, que l’alliance des leaders n’entraîne pas systématiquement l’adhésion de la base, sinon le « oui » l’aurait emporté au vote de la Constitution Européenne en France. Parce que l’Ump, le Ps, l’Udf et toutes les grandes formations politiques en France ont coalisé pour appeler à voter « oui » et pourtant le « non » l’a emporté. Donc, je n’ai peur de rien. Je suis serein et je suis sûr que nous allons l’emporter.

Aujourd’hui, quels sont les cadres, les figures de proue du Pdci qui soutiennent Laurent Gbagbo après l’appel de Bédié à soutenir Ouattara ?

C.B.G : La meilleure communication, c’est que l’on ne sache pas ce que vous faites. Aujourd’hui, le temps des grands tapages est passé. Mais, il y a des grandes figures, de grands visages, des dinosaures du Pdci qui ont été choqués par le ralliement du Rhdp et du président Bédié à Ouattara et qui, aujourd’hui, nous rejoignent. Tout comme, il y en a qui font semblant, qui font des réunions avec eux, mais qui viennent nous voir la nuit. Et, on se parle. Ils disent qu’ils ne vont jamais voter Alassane Ouattara. Je pense qu’ils ont en tête ce que ce monsieur leur a fait.

Quelles sont ces personnes qui viennent vous voir, la nuit ?

C.B.G : Je vous dis que je ne les cite pas. Mais, je peux vous dire le discours qu’ils tiennent. Ils disent qu’ils se rappellent que la grande saignée politique que le Pdci-Rda a connue pour la première fois dans son histoire a produit le Rdr en 1994. Ils disent que quand Houphouet Boigny est décédé, c’est Alassane Ouattara qui s’est opposé à l’application de l’article 11 de la Constitution qui permettait à Bédié de le succéder. Ils disent qu’en 1999, c’est Alassane Ouattara qui a menacé qu’il frapperait le pouvoir de Bédié et il l’a frappé à travers Guéï Robert pour interrompre le mandat du Pdci-Rda. Pour cela, ils disent qu’ils ne sont pas prêts du tout à permettre à Alassane Ouattara de prendre le dessus sur le Pdci dans un combat historique qui les oppose. En tout cas, ils disent qu’ils n’ont pas la mémoire courte. Ils disent qu’Alassane Ouattara leur propose l’Assemblée nationale, qu’il leur
propose la Primature, qu’il leur propose 13 portefeuilles ministériels. En ce moment, pourquoi il a été élu ? Ils savent qu’un Premier ministre peut être dégommé deux mois après sa nomination. En fait, les gens du Pdci sont très sereins et je les encourage. J’appelle tous les Ivoiriens, j’appelle toutes les Ivoiriennes à un sursaut national autour de Laurent Gbagbo, à une union sacrée autour de Laurent Gbagbo, le fils du pays, le fils du terroir, celui-là qui pleure avec eux quand ils pleurent, celui-là qui rit avec eux quand ils rient. C’est vrai qu’il peut avoir ses défauts parce que c’est un être humain. Mais, ensemble, mettons-nous autour de lui pour, au moins, donner la chance à la Côte d’Ivoire de rebondir. Nous avons le choix entre le vrai père de la rébellion et le père de la paix. C’est l’accord de Ouagadougou -dont il est l’inspirateur- qui a apporté la paix en Côte d’Ivoire et qui permet
qu’on parle d’élection aujourd’hui. Qui peut accepter de s’humilier pour ramener la paix en Côte d’Ivoire ?

Vous accusez Alassane Ouattara d’être le père de la rébellion. En avez-vous les preuves ?

C.B.G : Je n’accuse pas Alassane Ouattara d’être le père de la rébellion. Alassane Ouattara lui-même a dit qu’il est le vrai père de la rébellion. Il a dit que les rebelles épousent la cause qu’il défend. Et eux-mêmes à travers Koné Zacharia (ex-commandant de zone de Vavoua-Séguela, Ndlr) ont dit qu’ils ont pris les armes pour qu’Alassane Ouattara soit candidat et président. Les faits sont là. Les propos sont là. Les films sont là.

Mais, les partisans de Ouattara disent que ces films dont vous parlez sont des montages…

C.B.G : Mais quand quelqu’un se donne 97% dans des régions, quand quelqu’un sur 9 970 inscrits à Madinani a 15 500 votants et puis il vient dire au siège du Pdci que Gbagbo a triché au nord, vous voulez que j’ai quoi à avoir avec les propos de ces gens-là ?

Justement quelles sont les dispositions que vous avez prises pour éviter les fraudes au second tour ?
C.B.G : Je voudrais saisir cette occasion pour interpeller la Cei. Je suis choqué que la Cei laisse passer une fraude aussi flagrante : qu’il y ait 9970 inscrits à Madinani, que le nombre de votants soit 15 500, que le suffrage exprimé soit près de 12 000 et que cela n’interpelle personne. Comment la Cei peut-elle valider un tel résultat ? A Korhogo, il y a près de 192 000 inscrits avec 194 000 votants et cela n’interpelle personne. On ne peut pas valider un tel résultat. Il faut que la Cei fasse attention. Ce n’est pas la Cei qu’on doit féliciter parce qu’elle a créé les conditions de l’affrontement en Côte d’Ivoire, mais ce sont les Ivoiriens qui ont eu un comportement citoyen. Il n’y a pas de dispositions à prendre. Je demande à la Cei d’être une structure véritablement impartiale. Ou elle est venue travailler pour un candidat ou elle travaille pour la Côte d’Ivoire. Deuxièmement, je demande aux Forces
nouvelles d’être neutres dans cette élection comme elle l’avait promise. Pourquoi allez frapper des chefs de villages ? Pourquoi allez frapper des gens parce qu’ils ont voté pour Laurent Gbagbo ? Pourquoi forcer des gens à cocher la case d’Alassane Ouattara. Il n’y a pas eu d’élection au nord. C’est une mascarade d’élection qu’il y a eu au nord. Les gens ont été menacés au nord. Les gens ont voté sous la menace au nord. C’est ce qui a donné ces scores communistes au nord dont Alassane Ouattara devrait avoir honte. Parce que ces scores n’existent pas dans une démocratie.

Quel est votre message aux militants du Pdci qui n’ont pas voté, dans leur majorité, Laurent Gbagbo au premier tour ?

C.B.G : Chacun a son parti politique. Chacun a son leader. Les militants du Pdci ont voté leur leader. Ici, il y a le vote partisan et le vote ethnique, c’est-à-dire ceux qui ont voté le parti et ceux qui ont voté leur frère. A cause d’Alassane Ouattara qui a volé les voix d’Henri Konan Bédié au nord, malheureusement, leur président n’est plus dans la course. Je souhaite que leurs voix soient accordées à mon candidat, Laurent Gbagbo. Parce qu’on a dit que si Gbagbo venait au pouvoir, il allait chasser les baoulé des zones forestières. Il est venu au pouvoir, il ne l’a pas fait. Il a été dit que les « Dioulabougou » allaient disparaître de la région de l’ouest. Tout cela n’a pas été fait. Cela veut dire que tout ce qu’on raconte sur Laurent Gbagbo est loin de ce que Laurent Gbagbo lui-même est. C’est pourquoi, je leur demande de faire en sorte que ce monsieur soit élu. Ce monsieur dont les résultats
démontrent clairement qu’il est le seul candidat qui a une assise nationale. Gbagbo n’a pas bénéficié de vote ethnique. Les Attié, qui l’ont voté, ne sont pas Bété. Les Abbey ne sont pas Bété. Les Adjoukrou ne sont pas Bété. Même à Abidjan, il a remporté le scrutin au Plateau. Il l’a remporté à Cocody. Cela veut dire qu’intellectuellement, il a été accepté. Son discours est passé.

Quels commentaires vous faites des voyages qu’Alassane Ouattara effectue, depuis un moment, dans la sous région ?

C.B.G : Au lieu qu’Alassane Ouattara remercie ceux qui ont voté pour lui, il va au Sénégal, au Burkina Faso, au Nigeria. Cela veut dire qu’il n’est pas là pour eux. Quand Gbagbo Laurent dit qu’il est un masque de l’étranger, il n’a pas menti. Mais, là n’est pas le débat. Ce qui est sûr, nous sommes au travail pour remporter ces élections et nous allons les remporter. Nous nous donnons les moyens intellectuels, les moyens politiques pour atteindre cet objectif. Aujourd’hui, les ralliements se font tous les jours. Je n’ai même plus une seule minute pour moi-même tellement les délégations Pdci, les délégations Udpci viennent nous voir pour dire : « nous nous sommes trompés au premier tour, c’est Gbagbo qu’il faut à la Cote d’Ivoire. Pour la Cote d’Ivoire, nous allons voter Gbagbo Laurent ». Regardez les enfants qui ont fui la guerre. Ils disent : « nous sommes nés dans la guerre, nous voulons grandir dans
la paix et c’est Laurent Gbagbo qu’il nous faut ».

Vous êtes sûr de votre victoire, or Alassane Ouattara dit que Laurent Gbagbo n’aura pas 25% au second tour. Quelle réaction ?

C.B.G : Au premier tour, il a dit que Gbagbo n’ira pas au second tour. Mais, la réalité est là. Non seulement, il est allé au second tour, mais il est arrivé en tête, malgré toutes les tricheries de Ouattara au nord, malgré le fait qu’on ait retardé les stickers à Yopougon, malgré le fait que dans des bureaux de vote à Cocody et à Yopougon -là où Gbagbo est majoritaire-, il n’y ait pas eu d’agents électoraux, rien que pour retarder le scrutin. Pendant que la Cei retardait les résultats, Alassane Ouattara a fait annoncer sur son site qu’il a eu 53%. Mais quand les résultats sont sortis, il a eu 32%. Donc, il faut faire attention à ce monsieur. Ce qu’Alassane Ouattara dit n’est pas ce qu’il pense. Il sait où il va. Et je souhaite que les Ivoiriens ne soient pas complices d’une telle situation.

Votre slogan « y a rien en face, c’est maïs » a choqué plus d’un. Pour le second tour, allez-vous le changer ?

C.B.G : Vous savez très bien que les slogans sont choisis selon les contextes. Nous avons fini le premier tour avec « C’est maïs, il y a rien en face ». Ce qui nous a permis d’être premiers des 14 candidats. Donc, ce slogan nous a rapporté quelque chose. Ce slogan a dû choquer certains militants du Pdci-Rda. Je leur présente mes excuses. Mais pendant la campagne, c’est comme un match de football, on titille toujours l’adversaire. Au cours de la campagne du second tour, nous allons changer de slogan. Parce qu’il faut maintenant un slogan rassembleur. Nous ne sommes plus dans le même contexte. Aujourd’hui, des militants du Pdci veulent se rallier à nous. Nous n’allons plus continuer avec un ancien slogan. Je suis au laboratoire. D’un moment à l’autre, vous saurez ce qui va se passer.

On se souvient qu’à la fin des opérations d’identification et de recensement électoral, vous avez annoncé avoir fait enrôler 4 millions de partisans de Laurent Gbagbo. En principe avec ce nombre, votre candidat devrait passer au premier tour. Que s’est-il passé ?

C.B.G : Je vous ai parlé de la tricherie. Ceux que nous avons enrôlés ne sont pas ceux qui ont été retenus sur la liste. Aujourd’hui, il y a de nombreux Ivoiriens qui, pour des problèmes de photographie et autres, sont restés sur le carreau. On ne leur a pas donné leur carte d’identité. Ce n’est pas ma faute. Entre ceux que Blé Goudé a fait enrôler et ceux à qui la Cei a décidé de donner les cartes, il y a une différence. Pour le président Gbagbo tel qu’il a tendu la main à Soro Guillaume et aux Forces nouvelles pour avoir la paix aujourd’hui -laquelle paix nous a conduits à cette élection-, tend la même main à tous les Ivoiriens qui n’ont pas voté pour lui au premier tour. J’appelle donc à une coalition nationale autour de la candidature de Laurent Gbagbo.

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