Interview – Scrutin du 28 novembre 2010 – Bamba Yacouba (Porte-parole de la CEI) : « Voici les innovations »

Le Porte-parole de la Commission électorale indépendante explique avec force détails les grandes innovations qui seront apportées au scrutin du 28 novembre. Exclusif.

M. le porte-parole, quels changements ont été apportés par la Commission électorale pour la bonne tenue du second tour de l’élection présidentielle ?
BAMBA Yacouba : Il y a eu, à l’issue du premier tour, de nombreux griefs, également des recommandations qui ont été faites à la fois par la Communauté internationale, par les ONGs que par nous-mêmes, superviseurs de la CEI qui étions sur le terrain. Nous avons amélioré le dispositif de manière à permettre que le scrutin du 28 novembre 2010 se passe dans de meilleures conditions. Il y a un premier niveau qui concerne le renforcement des capacités des agents des bureaux de vote. Nous avions formé les présidents et les secrétaires des bureaux de vote mais la formation n’était pas suffisante. Donc, il faut accentuer la formation de ce personnel. Mettre également l’accent sur la formation des commissaires locaux. Il faut aussi que les représentants des candidats soient parfaitement imprégnés de la chose électorale pour permettre qu’il y ait une bonne ambiance dans le bureau et dans les commissions locales. Donc, premier
élément : la formation. Nous-mêmes, superviseurs, nous nous sommes formés cette semaine. Nous sommes aptes à nous rendre sur le terrain pour former tout le personnel. Il y a eu une difficulté qui a été constatée. C’est la gestion du vote personnel d’astreinte. L’expression recouvre l’ensemble des personnes qui seront amenées- parce que retenues pour superviser le scrutin ou sécuriser ledit scrutin- à voter dans un bureau autre que leur bureau d’origine. Ce sont principalement, les éléments des Fds et des Fafn en mission de sécurisation, les membres du corps préfectoral enrôlés dans des centres précis mais qui se retrouvent dans leurs zones d’administration, les membres de la Commission centrale de la Cei, les superviseurs que nous sommes, qui serons en mission sur le terrain pour suivre le processus électoral, les ambassadeurs ou chargés d’affaires en ce qui concerne l’étranger, les chefs de juridictions qui ont
été enrôlés en dehors de leurs résidences actuelles, les membres des commissions locales en mission, enfin les agents électoraux qui exercent en dehors du lieu où ils ont été enrôlés. Et naturellement ceux qui accompagnent les superviseurs de région.
Qu’est-ce qui est réservé au personnel d’astreinte ?

B.Y. : Il y a la nouveauté que pour ce personnel-là qu’ils ne pourront voter qu’avec leurs cartes d’électeur comme document de base. Précédemment, certains ont voté avec leurs cartes nationales d’identité, chose qui n’était pas recommandée déjà dans la première circulaire qui avait été signée par le président. Nous avons mis à jour cette circulaire et spécifié que le personnel d’astreinte ne pourra voter qu’avec la carte d’électeur parce qu’ils ne sont pas inscrits sur la liste d’émargement du bureau de vote où ils iront voter. Ils sont un personnel additionnel. On se doit de prendre des dispositions particulières. Il faut vérifier que ce personnel d’astreinte est électeur. Ce qui ramène d’une part, à produire sa carte d’électeur, d’autre part, donner l’original de son ordre de mission. Il s’agit d’un ordre de mission individuel. Pas question donc, de faire des ordres de mission groupés. En
ce qui concerne le corps préfectoral, il faudra produire le décret d’affectation, pour les commissaires, les originaux des ordres de mission. Ces documents seront conservés.

Il n’y a pas que le personnel d’astreinte, il y a aussi les autres électeurs…

B.Y. : La mesure générale qui concerne à la fois le personnel d’astreinte et l’électorat ordinaire, c’est que lorsque vous arrivez dans un bureau de vote, vous vous présentez aux agents du bureau. J’indique- au passage- que nous avons autorisé l’accès au bureau à deux représentants par candidats. Chose qui n’était pas en vigueur lors du premier tour. Pour le second tour, il y aura deux représentants de chaque candidat par bureau de vote. Cela permettra plus de transparence et permettra de suivre ensemble les opérations. Lorsque l’électeur entre dans le bureau de vote, s’il est militaire, il ne peut entrer dans le bureau de vote que sans son arme. Nous lui demandons de laisser son arme à l’extérieur du bureau de vote.
Ce n’était pas le cas lors du premier tour ?

B.Y. : Ce n’était pas le cas. On nous a signalé que des personnes sont rentrées avec leurs armes pour prendre part au vote. Il est vrai que ces personnes sont armées dans le cadre de leur mission. Mais cela a dû créer de légers désagréments. L’élément armé pourrait laisser l’arme avec son collègue à l’extérieur. Il y aura pour ce personnel (d’astreinte) une liste d’émargement. Chose- une fois encore- qui n’existait pas lors du premier tour. La liste d’émargement contiendra les mêmes éléments d’identification qui se trouvent sur la carte d’électeur du citoyen. Il n’y aura pas plus de 20 personnes admises par bureau de vote. Ce qui laisse entendre que si on a dépassé le chiffre de 20 dans un bureau, vous ne pourrez plus voter comme personnel d’astreinte dans ledit bureau. Il faudra vous rendre dans un autre bureau. Quand vous faites partie du personnel d’astreinte et que vous vous présentez, vous montrez
votre carte d’électeur nécessairement. A défaut de carte d’électeur pour les autres- qui ne font pas partie du personnel d’astreinte- vous présentez votre carte d’identité. L’agent vérifie que vous êtes bien le propriétaire de la carte. Donc, vérification de l’identité, ensuite, on vérifie que vous êtes sur la liste électorale. Après, vous présentez vos dix doigts, pour que l’agent vérifie si vous n’avez pas déjà de l’encre indélébile sur le doigt. Si vous refusez de présenter vos doigts, vous n’êtes pas autorisé à participer aux autres étapes du scrutin. Si vous remplissez ces conditions, on vous remet un bulletin unique de vote. L’agent le détache devant vous et vous le remet. Tout le monde pourra constater qu’il n’y a rien d’inscrit sur le bulletin. Il nous est revenu que certains bulletins nuls, lors du premier tour, étaient dus au fait que sur des bulletins de vote, se trouvaient déjà des
signes. L’agent détache le bulletin de vote devant témoin. Puis le sticker est mis sur le document. Ce sera un sticker différent de celui qui a existé lors de la première phase. On vous remet le bulletin avec le sticker. Et vous vous rendez dans l’isoloir pour porter votre choix sur votre candidat. L’innovation, c’est que vous êtes autorisé à porter votre choix dans l’espace réservé à cet effet. Si vous mettez une croix ou votre empreinte digitale, cela ne pose aucun problème. Si vous mettez la croix ou l’empreinte à la fois sur la photo et sur l’emblème et le nom du candidat, le bulletin est valable. Tant que nous sommes dans la colonne, c’est valable. Auparavant si vous avez mis sur la case et sur la photo ou sur le nom, le bulletin n’était pas valable. A présent, on ne considère plus le bulletin comme nul. S’il vous arrive de faire une croix sur l’ensemble de la colonne, c’est aussi bon. Un trait dans
l’ensemble de la colonne, c’est valable. Pourvu que cela ne déborde pas pour arriver dans la case de l’autre. Tant que c’est dans la même colonne, il n’y a pas de problème. Cela permettra de réduire le nombre de bulletins nuls. Parce qu’il y a un certain nombre d’analphabètes. Mais naturellement, il ne faudrait pas faire de signe distinctif qui amène à vous identifier comme un tel. Si vous faites une grande croix dans la colonne, c’est bon. Si vous faites la croix dans l’espace réservé, c’est bon. Si vous le faites sur la photo, c’est bon. Si vous le faites sur l’emblème ou sur le nom, c’est aussi bon. Nous voudrions rassurer les uns et les autres sur ces nouvelles dispositions.

Autre innovation ?

B.Y. : On n’a plus la possibilité de se rendre dans l’isoloir avec le téléphone portable. On dépose son téléphone portable sur la table du président avant d’accéder à l’isoloir.

Cela suppose qu’il y aura des fouilles ?

B.Y. : Nous avons confiance en l’esprit civique et la bonne foi de chaque Ivoirien.

Pourquoi interdire le téléphone portable dans l’isoloir ?

B.Y. : Parce que des rapports ont été faits, tendant à établir que des personnes, une fois dans l’isoloir et après avoir voté, photographiaient leur bulletin de vote pour plus tard monnayer cela à l’extérieur. Le vote est secret. On n’a pas à justifier qu’on a voté pour un tel ou un tel autre.

Que se passe-t-il lorsqu’on sort de l’isoloir ?

B. Y. : Une fois sorti de l’isoloir, vous mettez votre bulletin dans l’urne. Après quoi, vous vous présentez devant les agents, vous signez la liste d’émargement avant de mettre le doigt dans l’encre indélébile obligatoirement. L’agent va estampiller « A voté » sur la carte d’électeur. Et vous pouvez rentrer chez vous et attendre tranquillement les résultats. Nous avons pris toutes ces dispositions pour garantir plus de transparence au scrutin. Quand l’heure de fin du scrutin arrive (17h), on retire à tous ceux qui se trouvent dans le rang les cartes d’électeur. On les appelle individuellement pour venir voter et après le scrutin sera clos. Quelques soient vos titres dans la vie, votre grade, vous devez vous soumettre à toutes ces règles.

Comment se fait le dépouillement ?

B.Y. : Le dépouillement sera fait en présence des observateurs et des représentants des candidats qui seront là. Une fois qu’on a obtenu les résultats, un exemplaire du procès-verbal (PV) est remis à chaque représentant de candidat. On va placarder la fiche d’enregistrement de ces résultats devant chaque bureau de vote. Il s’agit d’une innovation. A partir de là, les différents états-majors peuvent savoir les scores qu’ils auront obtenus. Ensuite, nous allons du bureau de vote à la commission locale. Entre ces étapes, il y a la question logistique. Nous nous devons de signaler que nous avons eu une défaillance de la part de l’un de nos partenaires, INOPS, qui nous a retardé dans l’acheminement et du matériel des commissions locales aux bureaux de vote pour l’ouverture des dits bureaux. Vous avez constaté l’ouverture tardive de certains bureaux dans des localités. Cela était dû à un problème logistique. Après le
dépouillement du scrutin, le rapatriement du matériel électoral, des PV et des agents électoraux à la commission locale, c’était encore dû à un problème logistique. Il faut le signaler. C’est une inquiétude pour nous puisqu’avec ce partenaire, nous avions eu quelques soucis. Déjà, on avait quelques problèmes pendant la distribution des cartes. La distribution des cartes s’était faite en plusieurs jours de sorte que nous avons eu le temps de rattraper certains ratés. Mais le scrutin, lui, se passe en un seul jour. Nous avons demandé à l’Onuci, à nos partenaires de faire en sorte que lors du second tour, nous ne puissions pas subir les mêmes désagréments.

Des engagements ont dû être pris par les partenaires en question ?

B.Y. : Des engagements ont été pris certes. Mais, comprenez que lorsque ça marche, c’est tout le monde, lorsque ça ne marche pas, c’est la Commission qui est dans le viseur. Il faut alors que nous soulignions que ce volet logistique relevait de la compétence de INOPS qui est un système des nations unies.
Une fois que le problème de logistique est réglé. Tout de suite après le scrutin, on achemine tout le dispositif dans les commissions locales. Quand on arrive à la commission locale ou sous-préfectorale, il y a un travail de recensement général de vote. En fonction des PV de dépouillement, on recense tous les résultats des bureaux de vote qui sont associés à cette commission locale. Cette opération se fait en présence des délégués des candidats qui visent ce document. L’innovation, c’est que nous remettrons à chaque délégué de candidat, un exemplaire de ce PV de recensement général des votes de sorte que nous puissions suivre toutes ces étapes en même temps. Les observateurs doivent être également présents. On arrive plus loin au département, le même travail se fait avec le recensement général de tous les PV des sous-préfectures qui dépendent du département. Et bien plus tard, on arrive au niveau régional. Les
superviseurs qui- eux se trouvent au niveau de la région- prennent l’ensemble des PV de tous les lieux de vote en provenance des sous-préfectures, pour les acheminer à Abidjan.

Quelles dispositions ont été prises pour Abidjan, siège de la Commission centrale ?

B.Y. : Nous avons fait de telle sorte qu’il y ait une cellule de centralisation qui recevra tous les résultats émanant du terrain. Dès les commissions électorales communales et sous-préfectorales, nous avons mis en place un système pour acheminer directement les résultats au niveau de la Commission (centrale) en attendant que les PV physiques ne suivent. Il y aura la salle de saisie qui sera une salle où nous saisirons toutes les données qui seront consolidées. Cette salle de saisie sera accessible aux observateurs et aux délégués des candidats qui suivent avec nous toutes ces étapes. Ensemble, nous pourrons valider toutes les étapes du processus. Les délégués des candidats ont la possibilité de faire des observations sur les documents qui leur sont soumis pour signature. Nous pourrons, à la fin du processus, faire l’annonce des résultats. Nous avons amélioré notre dispositif en nous fondant sur les défaillances et autres
irrégularités du premier tour. Nous travaillons à faire en sorte que les résultats de ce deuxième tour ne souffrent d’aucune contestation.

Que se passe-t-il lorsqu’un délégué conteste des résultats ?

B.Y. : Il mentionne dans le PV la raison pour laquelle, il n’est pas d’accord.

Concrètement, est-ce que les Ivoiriens peuvent s’attendre à des résultats dans la nuit du dimanche ?

B.Y. : Le président s’est prononcé sur le sujet. Nous mettrons tout en œuvre pour que les résultats soient proclamés le plus rapidement possible. Ainsi que je l’ai indiqué plus haut, l’aspect logistique n’est pas à négliger. Et c’est un aspect qui n’est pas de notre ressort. Nous sommes tributaires de ce partenaire avec lequel nous travaillons. Et vous savez qu’il existe des localités très éloignées. Si la logistique ne nous fait pas défaut et qu’assez rapidement tous ces résultats sont transmis à la Commission locale. Naturellement, nous irons très vite. On aura à Abidjan des éléments consolidés et on pourra faire l’annonce plus rapidement.

Pas besoin d’attendre la nuit de mercredi pour avoir les résultats définitifs provisoires ?

B.Y. : La loi nous accorde trois jours. Nous ne devons pas aller au delà de ce que la loi nous autorise. Mais notre souhait est de proclamer les résultats assez rapidement. Plus vite nous aurons les résultats, plus vite, nous les donnerons.

Est-ce vrai que la Cei n’a pas permis au candidat du Rdr de changer le nom de son organisation politique sur le nouveau bulletin unique ?
B. Y. : Le problème ne se pose pas. On ne veut pas rentrer dans la polémique. Tous ceux qui sont venus se présenter lors du premier tour sont arrivés avec leurs différents noms, emblèmes, insignes, etc. Nous les avons enregistrés sous ces différents formats. Donc tous les documents ont été préfabriqués et pré conditionnés sous cette forme.
A la lumière des affrontements qui ont eu lieu, vendredi dernier, entre militants du Rhdp et étudiants, y-a-t-il des risques d’un second tour très tendu ?
B. Y. : Tout ceci dépend des deux candidats. Nous leur avons demandé de lancer un appel à l’apaisement, qu’ils respectent le code de bonne conduite qu’ils ont eux-mêmes signé. Nous avons connu un premier tour qui s’est déroulé dans de bonnes conditions. Ceci était conditionné par le déroulement de la campagne. Le Caractère de la campagne détermine l’issue du scrutin. Nous demandons aux deux candidats de faire en sorte que nous puissions travailler dans un climat apaisé, serein. Une campagne civilisée, nous permettra d’avoir de bonnes élections. C’est vrai, on ne peut pas éradiquer dans aucun pays, toutes les brebis galeuses. Ce que je peux dire, c‘est que nous travaillons à apaiser le climat.
On constate que les hostilités sont ouvertes entre les candidats depuis l’ouverture du second tour. Les uns et les autres s’accusent de coup d’Etat. Ces déclarations tombent-elles sous le coup de vos appels à la retenue ?
B.Y. : Bien sûr, ce sont des propos de candidats. Ce ne sont pas des rumeurs. C’est pourquoi nous demandons à ces candidats d’employer le bon ton. Qu’ils fassent en sorte de ne pas, à travers leurs propos, amener leurs partisans à se déchaîner et à se bagarrer entre eux. Tout dépend donc du discours des candidats. Les militants se réfèrent à ce que disent leurs candidats pour agir. Si les candidats prônent le bon ton, naturellement, leurs partisans feront de même.

Réalisé par Kisselminan COULIBALY

Soir Info

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