COUP D’ÉTAT ET REBELLION: NOUS VOULONS SAVOIR (Par Venance Konan)

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Par VENANCE KONAN

M. Laurent Gbagbo nous a annoncé que c’est M. Alassane Ouattara qui est l’auteur du coup d’Etat de 1999, de la tentative de coup d’Etat de 2001 et le père de la rébellion de 2002. A la bonne heure, suis-je tenté de dire. Et il a promis tout dire lors de son face à face avec son challenger. Enfin, nous allons avoir les réponses à un certain nombre de questions qui nous taraudaient depuis de longues années. Monsieur Gbagbo dit que c’est M. Ouattara qui a fait le coup d’Etat. Qu’il nous dise donc pourquoi au moment de ce coup d’Etat il a été ramené de Libreville dans un avion du président Bongo qui a atterri à Bouaké, malgré les frontières fermées, et pourquoi, par la suite, il a réclamé et obtenu des postes juteux au gouvernement. Souvenez-vous de sa fameuse phrase : « si c’est un coup d’Etat RDR, qu’on nous le dise. » Si c’est M. Ouattara qui avait fait le coup d’Etat, M. Gbagbo avait-il besoin de poser cette question ? Et si c’est le cas, qu’avait-il à réclamer ? On se souvient du texte de son plumitif Freedom Neruda qui avait à l’époque déploré que son parti n’ait obtenu que des ministères difficiles et pas juteux. On se souvient aussi que quelques mois après la mise en place du gouvernement, les ministres du RDR en ont été chassés et Guéï s’est retrouvé seul avec les ministres du FPI. Qui étaient les conseillers de Guéï ? Tous des hommes de Gbagbo. Que dire des propos de gens comme Zouin Honoré, membre de la junte, qui avait déclaré que le coup d’Etat était le fait du FPI ? Et Lida Kouassi qui disait qu’il sillonnait les camps militaires pendant ce coup d’Etat ? Alors, Laurent Gbagbo vraiment innocent dans ce coup d’Etat ? Laurent Gbagbo, le démocrate, celui qui n’a plus de mots assez durs pour fustiger les coups d’Etat n’avait-il pas trouvé celui perpétré contre Bédié salutaire et républicain ? C’est bien lorsque cela arrive aux autres, mais très mauvais quand on me le fait. Lorsque l’on est démocrate, ce n’est pas à géométrie variable, M. Gbagbo.
Laurent Gbagbo doit se souvenir aussi de ce charnier qui avait marqué son entrée en fonction. Qui en est l’auteur ? Nous voulons savoir. Parlons de la tentative de coup d’Etat de janvier 2001 que l’on avait baptisé le complot de la Mercedes noire. J’avais interviewé IB au Benin en 2007, et il m’avait déclaré qu’il était l’auteur de cette tentative. Lorsque je lui ai demandé ce qu’il voulait en tentant ce coup, il m’avait répondu que s’il avait marché, il se serait « assis là où les chefs d’Etat s’asseyent ». Cette interview avait été reprise par le quotidien L’Inter. Je suis impatient d’avoir la version de M. Laurent Gbagbo sur cette affaire.

Parlons à présent de la rébellion de 2002. Les Ivoiriens n’ont pas la mémoire courte. Laurent Gbagbo nous avait dit, un soir, en direct à la télévision qu’il s’était tellement armé pour protéger notre pays que « celui qui s’amusera à vouloir nous attaquer recevra une pluie de feu sur la tête. » Nous attendons toujours cette pluie de feu. Blaise Compaoré n’avait-il pas demandé à Laurent Gbagbo de faire rentrer au pays les déserteurs de son armée qui se trouvaient chez lui ? Quelle a été la réponse de notre chef d’Etat ? Il a émis des avis de recherche contre eux en promettant des primes. Pourquoi, lui qui n’avait rien à voir avec le coup d’Etat de 1999, lui qui avait été « élu démocratiquement », ne cherchait pas à réconcilier les enfants de ce pays, plutôt que de pourchasser ceux qui avaient perpétré le coup de 1999 ? Sans doute parce qu’ils savaient des choses qu’il ne voulait pas voir sur la place publique. Boga Doudou qui était le ministre de l’intérieur ne nous avait-il pas dit qu’il savait à quel feu rouge les déserteurs de notre armée qui se trouvaient à Ouagadougou s’arrêtaient ? Alors, dites-nous, Monsieur Gbagbo, lorsque l’on est chef d’un Etat et que l’on a toutes ces informations, surtout lorsque l’on a déjà eu à faire face à une première tentative de coup de force, comment peut-on se laisser surprendre par moins d’une centaine de déserteurs qui réussissent à occuper la moitié de son territoire ? Dites nous aussi comment Boga Doudou a été tué, lui qui ne se déplaçait pas sans une garde prétorienne d’une centaine de policiers. Comment ses assassins ont-ils pu accéder à son domicile ? Combien de ses gardes du corps ont été tués durant l’attaque ? On ne nous en a jamais parlé. Nous voulons savoir la vérité aujourd’hui. Et pendant que nous y sommes, dites nous aussi qui a tué Robert Guéï. Affi N’guessan qui était alors Premier ministre nous avait dit que Guéï avait été tué pendant qu’il se rendait à la télévision pour revendiquer le coup qui était en train de se dérouler. Qu’il nous explique comment un général qui va se proclamer chef d’Etat à la télévision peut s’y rendre tout seul, en jogging. Et son épouse, et son aide de camp et toute sa maisonnée qui ont été tués, qu’avaient-ils à voir dans l’affaire ? Et que nous dit-il enfin des propos des prêtres qui disent qu’en réalité le pauvre général Guéï s’était caché à la cathédrale d’où il a été extrait pour être conduit à la mort par des gendarmes ? Lida Kouassi avait aussi déclaré que les ministres se battaient tous pour avoir des commissions sur les achats d’armes ? Est-ce vrai ? Si c’est le cas, le chef de l’Etat a-t-il sanctionné ces ministres dont les intérêts personnels avaient pris le pas sur l’intérêt national ? Nous nous rappelons aussi qu’au début de cette guerre, le même Lida Kouassi avait annoncé que Bouaké avait été libéré, ce qui avait entraîné des représailles de la part des rebelles contre les populations civiles qui avaient commencé à manifester leur joie. Lida n’est-il pas aussi responsable de ces morts ? Et les escadrons de la mort. Qui les actionnait ? Pourquoi ont-ils brusquement disparu lorsque l’on a menacé de traduire Laurent Gbagbo devant un tribunal international ? Est-ce simplement un hasard ?

Parlons aussi de mars 2004. Pourquoi Laurent Gbagbo a envoyé son armée, contre des civils qui voulaient tout juste manifester pour l’application de l’accord de Linas-Marcoussis, des civils qui pour la plupart se trouvaient dans leurs domiciles ? Pourquoi ? Et combien d’hommes et de femmes sont-ils tombés ce jour-là ? L’ONU a parlé de plus de cent morts. Et les bombardements de Bouaké et Korhogo en novembre 2004, combien d’ivoiriens ont-ils tués ? Et ces jeunes gens tués au carrefour de la RTI, et ces gens tués à Anyama, Agboville ? Laurent Gbagbo, l’heure de dire toute la vérité a sonné.

Nous vous attendons.

Venance Konan

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