Le débat entre Gbagbo et Ouattara vu des coulisses

Par Baudelaire Mieu, à Abdijan Jeune Afrique

Le débat télévisé entre Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara, le 25 novembre au soir, ne s’est pas déroulé tout à fait de la même manière que le laissait paraître l’atmosphère cordiale entre les deux candidats au second tour de la présidentielle. Autour d’eux, l’ambiance était électrique.

À chaque spectacle son décor et ses coulisses. Si face aux caméras, Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara (ADO) ont débattu en toute cordialité, le 25 novembre au soir sur la chaîne de télévision nationale, hors champ l’ambiance était tout autre. Dans le quartier de Cocody, le siège de la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI) était décrété zone rouge par les forces de l’ordre.

Trois heures avant l’émission, au moins trois cents éléments issus des différentes unités d’élite (garde républicaine, groupe de sécurité présidentielle, bataillon blindé, CRS, gendarmerie) des Forces de défense et de sécurité (FDS) ont pris position. Un périmètre de sécurité d’un kilomètre à la ronde a été établi. Et les boulevard André Latrille et de l’Université, qui ceinturent le siège de la RTI, ont été interdits à la circulation.

Le dispositif était si impressionnant qu’on se croyait en zone de guerre. « Il faut parer à toute éventualité : ce sont les deux personnalités les plus importantes pour l’avenir du pays qui arrivent ici », confiait un officier supérieur de gendarmerie chargé de filtrer les entrées.

Suspense éprouvant

Le Chef d’état-major des armées, le général de corps Philippe Mangou n’a pas hésité à faire sortir l’artillerie lourde : des batteries anti-aériennes étaient positionnées dans l’enceinte de la RTI. Lui-même a fait le déplacement pour donner les dernières consignes de sécurité. Quelques centaines de partisans de Gbagbo, en majorité des étudiants qui tentaient de venir acclamer leur champion, ont été refoulés par les forces de l’ordre.

Autre facteur de stress : Gbagbo et Ouattara ont entretenu jusqu’au bout un suspense éprouvant sur leur venue. Selon le protocole, le candidat de l’opposition devait arriver à 20h, suivi cinq minutes plus tard par le chef de l’État pour une émission prévue à 21h. Mais à 20 minutes du débat, toujours pas de Ouattara.

Le doute commençait à s’installer parmi les responsables de la RTI. Déjà, dans la matinée, le staff de campagne de Ouattara avait dénoncé le tirage au sort qui a décidé de l’ordre des interventions des deux candidats. On craignait un boycott. Laurent Gbagbo, qui attendait l’arrivée d’Alassane Ouattara avant de faire mouvement vers la RTI, s’est finalement résolu à arriver le premier sur les lieux à 20h42, suivi 9 minutes plus tard par l’ex-Premier ministre.

Guerre de communication

Le président sortant s’est présenté comme un citoyen lambda, sans garde d’honneur ni tapis rouge. Mais il est arrivé avec sa délégation à bord d’une vingtaine de gros 4×4 américains noirs, aux vitres teintées et vraisemblablement flambants neufs. Puis les conseillers de la société de communication Euro RSCG ont laissé le président suivre la stratégie qu’ils lui avaient concoctée.

Objectif pour Gbagbo : marquer un tournant dans sa campagne en laissant tomber la rhétorique volontiers populiste de « l’enfant du peuple » et de « l’homme courageux ». En insistant sur son bilan avec des chiffres, des comparaisons et, surtout, en évitant toute polémique. Une posture que Nicolas Sarkozy avait adoptée avec succès contre Ségolène Royal en 2007. En ira-t-il de même avec Gbagbo contre Ouattara ? Réponse avec les résultats provisoires du second tour de l’élection présidentielle, lundi ou mardi prochains…

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