En Côte d’Ivoire: LA SITUATION SE re-GBAGBOLISE

Quand je parle, on rigole. Dès que j’ouvre la bouche on rigole. Hi ! Hi ! Hi ! C’est Toégui l’élucubreur qui parle. On dit que je mange le chat. Et qu’un élucubreur n’a jamais été prophète chez lui. Pauvres gens qui ne savez pas lire entre les élucubrations.

Voyez vous-mêmes. Quand Bozizé était arrivé chez-nous avec sa Madame au lendemain de son gbang-gbang à Bangui, tiré à quatre épingles, j’avais écrit au tableau noir : ‘‘QUAND UN PUTCHISTE SE MET EN COSTUME-CRAVATE… Alors ?! C’est depuis 2003 que le provisoire dure n’est-ce pas ?

Lorsque je préviens qu’une Tipoko qui a coutume de brûler les ‘‘feux rouges’’ la nuit… je dis bien la nuit…. fera porter de longues cornes à quelqu’un… Suis –je à côté de la plaque ?

Quand j’affirme que si l’on vous nomme Directeur Général des péages à la frontière avec le Bungawa (Salut Professeur Loada !) et que vous revenez à Ouaga au bout de cinq ans sans 4×4… sans duplex…. sans bananeraie… et avec toujours la même épouse, tout Simon -Ville dira que vous êtes un idiot de la pire espèce… Vrai ou faux ?

Maintenant, souvenez-vous. Quand l’Enfant terrible de Mama était venu ici voir l’Enfant terrible de Ziniaré pour signer je ne sais quel accord politique, j’avais mis tout le monde en garde. QUAND UN ENFANT TERRIBLE RENCONTRE UN ENFANT TERRIBLE… Rappelez-vous encore… Dès le salon VIP de l’aéroport, en apercevant leur Enfant terrible j’avais dit à notre Enfant terrible : « …Je sens comme de la farine. De la farine à faire le pain… »

L’Enfant terrible m’avait toisé en disant :
Que dis-tu, petit élucubreur ?
Je dis qu’il y a de la farine dans l’air.
Arrière de moi, élucubreur de mauvais augure. Et l’enfant terrible avait claqué des doigts. Aussitôt un Diendéré-boy m’avait agrippé par la peau des fesses et m’avait envoyé valser dans les fleurs.

Je m’étais relevé et lançai avant de prendre la fuite.
Il a une tête de boulanger votre homologue Enfant terrible. Sacré Laurent Gbagbo ! C’est pas gentil gentil…Il y a tout de même des coups qu’on ne se donne pas entre Enfants terribles… De par sa faute, voilà monsieur Thabo Mbeki qui arrive de la lointaine Afrique du Sud pour jouer au super Facilitateur alors que le Facilitateur en chef, c’est nous.

Le coup de force de Gbagbo, nous l’avons vécu en live à la télévision lorsqu’un membre de la CEI a tenté de proclamer les premiers résultats provisoires. Dès qu’il a commencé à lire son document, les gros bras du FPI sont venus lui arracher les papiers des mains. Et on entendait clairement à la radio et à la télé : « Faut laisser ça….Faut laisser ça…. Faut laisser ça ». Des membres de la CEI ? Sûrement pas. Sans doute des loubards de Blé Goudé, qui font la loi dans tout Abidjan.

Sous une forme ou une autre, Abidjan a toujours eu ses Tontons Macoutes. J’ai failli être lynché une fois au marché de Koumassi, du temps du Roi Houphouët et du tout-puissant PDCI-RDA, parti unique. Sous la Révolution d’août 83, je m’étais retrouvé en transit dans la capitale ivoirienne. Un transit, je peux l’avouer aujourd’hui, que j’aurais pu éviter.

Je flânais aux abords du marché, sapé dans un flambant ensemble Faso Dan Fani de rigueur. Pensez donc ! J’étais dans le pays du chef de file des ‘‘ Valets’’ Africains de l’impérialisme, dans l’antre du ‘‘Crocodile aux yeux gluants.’’ En révolutionnaire, je me devais d’être en tenue révolutionnaire pour en mettre plein la vue à ces réactionnaires de la forêt.

J’aperçus un groupe d’une vingtaine de personnes au milieu de la voie. Un membre du groupe tenait une pile de cartes PDCI et il interpellait tous les passants pour leur demander de présenter leur carte de parti. Ceux qui n’en possédaient pas avaient l’obligation d’en prendre séance tenante…

Et sans autre forme de procès. J’avais entendu parler de cette pratique. Lorsque je vis les gars, je décidai de les provoquer. J’étais un révolutionnaire oui ou non !? J’allai vers eux l’air distrait comme un flâneur insouciant. Trois membres du groupe m’arrêtèrent et me dirent :

Monsieur…votre carte PDCI. Je répondis d’un ton dédaigneux.
Quoi ?
J’ai dit votre carte PDCI.
Je n’en ai pas.
Alors, en voilà, c’est mille francs
Je n’en veux.
Vous avez dit quoi ?
J’ai dit que je ne veux pas de carte PDCI.
Celui qui me parlait me regarda comme si j’étais un extra-terrestre, puis héla les autres.

Hé !Koffi ! Kouadio ! Kakou ! Venez là. En deux temps trois mouvements je fus entouré de gars portant l’insigne PDCI-RDA.
Y a quoi Konan ?
C’est type là deh, il dit qu’il paie pas carte PDCI là. Et son collègue de rectifier :
Non hein, Kouassi…Il n’a pas dit il ne paie pas carte là ,il dit qu’il ne veut pas de carte PDCI.

Monsieur, c’est vous qui avez dit ça ?
Oui , parce que je ne suis pas Ivoirien, je suis Burkinabé. Celui qui semblait être le chef me regarda de la tête aux pieds et éleva la voix.

Gnin-gnin-gnin ! Gnin-gnin-gnin !Tu vas payer la carte pian, et tout de suite. Sinon voilà ton caca. Regardez-moi ça ! Je ne suis pas Ivoirien… je ne suis pas Ivoirien. Tu n’es pas Ivoirien, tu es venu faire quoi dans pays là ?
Je ne suis pas ici. Je suis en transit. Je suis en mission.
On s’en fout de ça. C’est quelle façon parler révolutionnaire comme ça ! ? Même si tu étais dans l’avion là en haut tu vas payer carte là. Je ne suis pas d’ici… je ne suis pas d’ici.

Et pourquoi tu es ici alors ? C’est parce que pays de Houphouët là est bon que vous tous vous venez ici toi et puis tes frères .Vous êtes beaucoup beaucoup ici. Hé, faut payer carte là vite vite hein. Vous-êtes là –bas que révolution…révolution…. Allez, faut donner vite mille francs sinon ça va faire chaud à ton derrière tout de suite.

Pendant qu’il vociférait un nouvel arrivant se mêla au groupe. Il avait l’air encore plus féroce et tenait des menottes. La scène prenait une autre tournure. Je fouillai rapidement dans ma poche et leur tendis un billet de mille francs et pris la carte PDCI. J’avais aussi réalisé qu’en voulant jouer au révolutionnaire je risquais de me créer un autre problème.

J’aurais dû en effet être à Ouaga depuis hier et je suis encore là. Si les militants du PDCI me mettaient au gnouf je rentrerais à Ouaga avec plusieurs jours de retard et mes CDR me demanderaient des comptes. Ce serait une autre affaire.On pourrait me suspendre pour conduite antirévolutionnaire .

Ma carte PDCI en poche, je pressai le pas de peur que l’homme aux menottes n’ait une autre idée. Je m’engouffrai dans le premier taxi. Direction Marcory chez mon hôte Adama Fofana qui était en poste à Abidjan à l’époque des faits. Lorsque je lui contai ma mésaventure, Fofana me passa un savon.

La prochaine fois, ne t’avise plus à provoquer ces gens. Tu paies ta carte et tu continues ton chemin. C’est comme ça ici, c’est une sorte d’impôt.
Tu as donc ta carte toi ?
Mais bien sûr, comme tout le monde.
Toi, un ancien ministre de Haute-Volta avec une carte PDCI ?

Ça fait quoi d’avoir une carte PDCI ? Je n’ai mon nom inscrit nulle part. Vous vous demandez pourquoi je vous raconte cette histoire d’un autre temps et qui se situe très loin au-delà de la Léraba ? Mais c’est parce je n’ai rien d’autre à raconter depuis que l’élection présidentielle appartient au passé.

Il faut tout de même que je vous dise que contre toute attente, j’ai participé à l’élection du 21 novembre. C’est bien la première fois que je votais. J’en ai encore le pouce noir d’encre indélébile.

Quand je fus dans l’isoloir, j’ai fermé les yeux et j’ai pointé mon pouce au hasard. Ce fut sur un des Kaboré. En voulant partir je l’entendis me dire : « Encore ! Encore ! » Je retrempais mon doigt dans l’encre et j’appuyai à nouveau sur lui. Puis j’entendis le deuxième Kaboré me dire « Et moi ? Et moi ? »

Alors je retrempai mon pouce et j’appuyai mon pouce sur son visage. Ensuite je me dis : « Ça fait 2 Kaboré. Jamais 2 sans 3 » Je retrempai mon pouce …Toc. Sur le 3e Kaboré. C’est alors que j’entendis Emile Paré qui criait : « Faux frère ! Faux frère !! » Je lui demandai : « Tu en veux ? Tiens !!! » Mon pouce était bien noir et je ne voulais pas le noircir davantage. Alors je vis l’Enfant terrible qui me dévisageait. A ses yeux, je sus qu’il m’avait reconnu. Je ne saurais vous dire pourquoi, mais sans réfléchir, je me mis au garde-à- vous.

Djibo Charles – L’Observateur Paalga

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