Le bras de fer Gbagbo-Ouattara finit sur la table de discussion ? Ambassadeurs et chefs religieux montent au créneau

« J’ai demandé au président Gbagbo de trouver une solution pour sortir de la crise ; il est d’accord. Il est aussi d’accord qu’on doit trouver la vérité ». Mgr Ambroise Madtha, chef du corps diplomatique accrédité en Côte d’Ivoire, a fait cette déclaration à sa sortie d’audience le vendredi 10 décembre dernier avec le chef de l’Etat Laurent Gbagbo au palais présidentiel. Avant cette audience, Mgr Madtha, accompagné du patron de l’Onuci, M. Choi, a rencontré le jeudi 09 décembre au palais du Golf, le président déclaré par la Commission électorale indépendante (Cei), Alassane Ouattara. Il a dit être porteur d’un message de paix. Cette démarche du chef du corps diplomatique est pleine de sens, et l’on devrait en déduire que la voix privilégiée désormais pour sortir de l’impasse politique actuelle née des élections, c’est la discussion. Le Nonce apostolique qui a engagé ces missions de bons offices entre les deux camps pour « trouver la vérité », mais surtout une solution pacifique à cette crise, le fait, on l’imagine, avec la caution et la bénédiction de ses pairs diplomates. Également de la grande famille de la communauté internationale, dont les discours, au départ très corsés, sont désormais orientés vers la recherche d’une solution concertée à la crise ivoirienne. Le conseil de sécurité de l’Onu a en effet invité « toutes les parties prenantes ivoiriennes à faire preuve d’un maximum de retenue et à travailler ensemble pour restaurer une paix durable et encourager la réconciliation politique du pays ». En clair, la montée en première ligne de ces hommes de l’ombre n’est pas exnihilo. Elle semble ainsi proscrire tout recours à la force ou tout affrontement dans le règlement du conflit ivoirien. Plus question de manifestations violentes de militants de l’opposition dans les rues, face aux forces de l’ordre décidées à freiner tout fauteur de trouble, avec pour conséquence des morts et des blessés. Selon des sources bien informées, le docteur Alassane Ouattara a lui-même invité ses militants, décidés à l’installer au palais du plateau en passant par la rue, à mettre fin à toute manifestation et à laisser le politique se charger du dossier. De son côté, Laurent Gbagbo a envoyé des signaux à Alassane Ouattara. « Asseyons-nous et discutons », a-t-il dit, tendant ainsi la main à son adversaire. Les hommes de Dieu aussi jouent leur partition. Outre les prières, les jeûnes, les déclarations d’apaisement, les chefs religieux ont décidé d’aller à la rencontre des deux hommes. Trois archevêques conduits par le président de la conférence épiscopale, Mgr Joseph Aké, étaient à cet effet chez le chef de l’Etat Laurent Gbagbo le vendredi dernier. « Les échanges que nous avons eus, nous amènent à espérer la fin prochaine de la crise. Et l’ouverture qu’il a faite d’aider lui-même à dénouer la crise, nous réconforte tous et nous attendons d’ici là, de pouvoir faire des propositions pour que nous puissions sortir de cette situation », a indiqué l’homme de Dieu, soulignant qu’ils attendent « des propositions concrètes », avant d’aller rencontrer les autorités du Golf. Le bras de fer que les deux candidats au second tour de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire avaient engagé autour du fauteuil présidentiel, perd à petits pas de son intensité pour laisser la place à la négociation. Même si les deux hommes ne se sont pas encore assis autour de la même table pour discuter, les perspectives paraissent bonnes, vu les volontés affichées des ambassadeurs et des chefs religieux de privilégier le dialogue.

Gouvernement d’union

Gbagbo et Ouattara se préparent ainsi, selon toute vraisemblance, à aller à ce rendez-vous du donner et du recevoir. Un autre dialogue direct interivoirien qui va inéluctablement aboutir à la formation d’un gouvernement d’union. Après les épreuves de force, les discours ont en tout cas laissé entrevoir une telle solution. D’abord le président de l’Assemblée nationale Mamadou Koulibaly, deuxième personnalité de l’Etat, qui s’est dit favorable à la formation d’un gouvernement d’union pour mettre fin à la crise. Ensuite l’ambassadeur Alcide Djédjé qui trouve que la meilleure voie pour avoir la paix, c’est le partage du pouvoir. On revient ainsi à une sorte de « Marcoussis bis » où il a été question de partager le pouvoir entre le régime de la refondation, les forces rebelles et les partis politiques significatifs de Côte d’Ivoire. 7 ans après (2003-2010), le même décor est planté, avec les mêmes acteurs. Une impasse politique où le chef de l’Etat Laurent Gbagbo au palais du Plateau, fait face à un autre régime installé à l’hôtel Golf et dirigé par Alassane Ouattara. Le scénario est presqu’identique à celui de Linas Marcoussis. A cette nouvelle table de discussions qui va aboutir à la fusion des deux gouvernements, il reste évident que des ministres des deux camps perdront leurs postes. La formation précipitée des deux gouvernements à laquelle l’on a assisté, semblait plus répondre à un besoin d’affirmer son autorité. Chacun des deux candidats se disant vainqueur des élections, voulait ainsi montrer sa capacité à mettre en place une équipe pour travailler. Une façon d’occuper le terrain et prendre ainsi de l’avance sur l’adversaire. Avec les négociations qui pointent à l’horizon et la probable formation d’un gouvernement d’union, chaque camp fait ses calculs. Il ne sera plus question de deux présidents, avec deux Premiers ministres et deux gouvernements, mais il s’agira d’un seul gouvernement, avec un seul chef. Comme à Marcoussis, Gbagbo devra céder certains postes ministériels et garder d’autres. Ouattara également sera amené à lâcher prise, en cassant le gouvernement Soro pour ne garder que quelques postes. En un mot, certaines personnalités qui occupent en ce moment des postes ministériels, côté Gbagbo comme côté Ouattara, ne bénéficieront pas de ces nominations, si bien sûr le dialogue qui s’amorce aboutit à la fusion des deux équipes en une seule.

Hamadou ZIAO

L’Inter

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