Les dernières cartouches de Gbagbo

Charly / par Reuters

LeJdd.fr

Le président sortant a demandé aux forces de l’Onu et aux troupes françaises de quitter le pays.

C’était le 4 décembre dernier, à la présidence ivoirienne, lors de l’investiture de Laurent Gbagbo. Tous les courtisans du chef de l’Etat sortant avaient accouru au palais pour assister au sacre tant décrié. Forcément, Charles Blé Goudé en était. Habillé en play-boy, le chef des Jeunes Patriotes, ce mouvement de jeunes nationalistes ivoiriens fidèles à Laurent Gbagbo, expliquait: « L’important, c’est qu’il n’y ait pas de violences en Côte d’Ivoire. »

Las, ces derniers jours, le nouveau ministre de la Jeunesse du gouvernement, a retrouvé son vrai visage et les accents guerriers qui ont fait sa célébrité. En 2004, c’est lui, « le général de la rue », qui avait mené la fronde anti-française. Depuis 2006, il est soumis à des sanctions de l’ONU. Samedi, le ministre de la Jeunesse du nouveau gouvernement Gbagbo, a battu le rappel des troupes en vue d’un affrontement prochain. « Je demande à tous les Ivoiriens de s’apprêter à livrer ce combat, on va libérer totalement notre pays », a-t-il déclaré. Quelques heures plus tard, il organisait un meeting des Jeunes Patriotes à Yopougon, un quartier d’Abidjan favorable à Laurent Gbagbo.

La menace. C’est la seule réponse que fournit pour l’instant le clan Gbagbo aux injonctions de la communauté internationale. La pression sur le président ivoirien sortant est pourtant démentielle. Durant tout le week-end, l’ONU, l’Union africaine, l’Union européenne ou les Etats-Unis lui ont à nouveau demandé de reconnaître sa défaite aux élections du 28 novembre et de céder le pouvoir à son rival, Alassane Ouattara, désigné vainqueur par la Commission électorale indépendante. Mais Laurent Gbagbo semble totalement imperméable à ces demandes. Il sait pourtant que dès lundi, son nom, celui de son épouse Simone et ceux d’une vingtaine de proches vont figurer sur une liste de sanctions – gel des avoirs, interdiction de voyager – que va publier l’Union européenne. Les Etats-Unis sont prêts à emboîter le pas. Laurent Gbagbo, pourtant, ne bouge pas.

Le choix de la stratégie de la terreur
Pis, samedi, dans une fuite en avant suicidaire, le régime a organisé la contre-attaque. Et désormais c’est l’Onuci, la force des Nations unies présente en Côte d’Ivoire, qui regroupe 10.000 hommes, et les 900 militaires français de la force Licorne, qui sont dans le viseur. Dans un communiqué lu à la RTI, la télévision nationale totalement à sa botte, Laurent Gbagbo a demandé leur départ immédiat. « Nous avons des preuves que les Nations unies aident les rebelles qui combattent pour Ouattara, assure au JDD l’un de ses proches. La force Licorne et l’Onuci sont impliquées dans la situation de guerre que vit actuellement la Côte d’Ivoire. » Les forces impartiales, dont la mission est de protéger les populations civiles, sont devenues des cibles potentielles. Vendredi soir, une patrouille de Casques bleus, puis le siège même de l’Onuci à Abidjan, a ainsi essuyé des tirs. Samedi matin, un camion qui se dirigeait vers l’Hôtel du golf, le palace où sont retranchés Alassane Ouattara et son gouvernement, a aussi été pris à parti par des Jeunes Patriotes dans le quartier de Riviera.

La stratégie de la terreur semble la seule désormais envisagée par le camp Gbagbo. Pour l’heure, celle-ci s’applique surtout à étouffer toute possibilité d’action du président Ouattara et de ses troupes. Ainsi, les journaux favorables à son mouvement, le RHDP, ont été interdits samedi. Depuis jeudi et les combats à l’arme lourde qui se sont déroulés à proximité, l’Hôtel du golf est coupé du monde. Plusieurs barrages ont en effet été installés sur la seule route qui y conduit.

Abidjan, où le calme a, semble-t-il, régné samedi, est devenu une ville fantôme, selon l’expression d’un de ses habitants joint samedi par téléphone. Les quartiers d’Adjamé et d’Abobo, fiefs du RHDP, restent totalement quadrillés par les Forces de sécurité et de défense (FDS). « Les gens restent chez eux. Personne n’ose sortir », explique Ahmed, un habitant d’Abobo. Beaucoup craignent des descentes de police la nuit. « Nous avons désormais l’assurance que des escadrons de la mort sont bel et bien en action. Ils kidnappent des gens puis les exécutent », explique une source à l’ONU.

Ahmed, lui, s’avoue démoralisé: il garde en mémoire les événements de jeudi où les partisans d’Alassane Ouattara, souhaitant marcher sur le bâtiment de la RTI, ont été très durement réprimés. Selon les sources, 11 à 30 personnes sont mortes ce jour-là. Plusieurs témoignages indiquent que les forces de l’ordre ont ouvert le feu sur la foule. « Ils ont même lancé des grenades, explique Ahmed. J’ai vu des gens mourir à côté de moi. Et personne n’était là pour nous protéger. » Pour lui, plus question de descendre à nouveau dans la rue. C’était bien là l’objectif de Laurent Gbagbo.

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