La Côte d’Ivoire dans l’impasse / envoyé spécial

Source: estrepublicain.fr

« Les forces de l’ONU et l’armée française ont gravement manqué à leurs engagements. Nous leur demandons de quitter au plus vite le territoire de la Côte d’Ivoire s’ils ne veulent pas d’un nouveau Rwanda ». Cette phrase terrible, évoquant le génocide rwandais et ses 800.000 morts, a été prononcée, sur une voix monocorde, par la porte-parole du gouvernement de Laurent Gbagbo, à la Télévision d’Etat. Le message est clair. L’ONU, la France et la communauté internationale sont les ennemis. L’ex-président est dos au mur, il ira jusqu’au bout, lui qui refuse de laisser sa place à Alassane Ouattara, son rival, élu avec plus de 54 % des voix, lors d’élection sous contrôle de la communauté internationale.

L’engrenage de la haine

A Abidjan et dans toute la Côte d’Ivoire, l’engrenage de la haine se met en route. Les premiers morts sont tombés le 16 décembre lorsque les soldats des Forces Nouvelles, garde rapprochée du président Ouattara et de son premier ministre Guillaume Soro, ont tenté une sortie de l’hôtel du Golf où ils sont encerclés, mais sous protection des forces de l’ONU. Tirs de roquettes, et de canons de char, rafales de fusils mitrailleurs… Pendant plusieurs heures, le feu fût nourri, faisant des victimes de part et d’autre.
Malheureusement, dans les différents quartiers de la capitale, les civils aussi payent un lourd tribut. Chaque jour, des hommes tombent sous les balles de la police, de l’armée et des milices pro-Gbagbo, recrutées au Libéria voisin et en Angola. C’est confirmé par l’ONU et tous les observateurs impartiaux, des escadrons de la mort circulent à Abidjan. Ils liquident les opposants, de jour comme de nuit. Dans le quartier populaire d’Abobo, où nous avons, nous-mêmes, été la cible de tirs de l’armée alors que des enfants se rassemblaient autour de nous, on retrouve chaque jour des cadavres, une balle dans la tête. Un premier charnier contenant une cinquantaine de corps a été découvert dans ce quartier quadrillé jour et nuit par la police.

La guerre civile menace

La population est partagée entre deux camps, les pro-Gbagbo et les pro-Ouattara. La presse, contrôlée par l’Etat, à l’exception de quelques journaux d’opposition qui, plusieurs fois déjà, ont été empêchés de paraître, fait croire à la légalité de l’élection de Laurent Gbagbo, validée par un Conseil constitutionnel à sa botte. Le ministre de la jeunesse, Charles Blé Goudé, sous le coup de sanctions de l’ONU depuis 2006, instigateur, en 2004, d’une « chasse aux blancs », harangue ses troupes chaque jour. « Nous défendrons notre pays jusqu’à la dernière goutte de notre sang », affirme-t-il.
Comment sortir de cette impasse ? Pour l’instant, l’armée loyaliste et les corps d’élite restent fidèles à Laurent Gbagbo, qui distribue généreusement grades et billets de banque. En face, Alassane Ouattara et les soldats des Forces Nouvelles ne font pas le poids. Les Forces Nouvelles du Nord sont bloquées entre Bouaké et Yamassoukro. Leurs soldats installés à l’hôtel du Golf, autour d’Alassane Ouattara, ne sont pas assez puissants pour en sortir. La France n’interviendra pas militairement. Pas plus que l’ONU dont ce n’est pas le rôle. Reste l’union des Etats africains. Le Kenya et le Nigéria seraient favorables à l’envoi d’une force militaire dont l’objectif serait clairement de chasser Laurent Gbagbo. Mais quand ? Le temps presse. La guerre civile menace de se répandre, avec comme pire scénario, un dérapage à la Rwandaise. On ne peut pas exclure non plus une attaque des forces armées contre l’hôtel du Golf et l’ensemble du gouvernement Ouattara, considéré par Laurent Gbagbo comme « un rebelle qui veut la guerre en Côte d’Ivoire ». Que ferait l’ONU si, dans un assaut désespéré, les forces pro-Gbabgo tentaient de liquider le président élu ? Cela semble inimaginable mais dans ce pays où l’ancien pouvoir est acculé, prêt à tout perdre, tout est possible… Les heures qui viennent seront lourdes de conséquence pour la Côte d’Ivoire.

Article de Ludovic BASSAND, de retour d’Abidjan

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