Côte d’Ivoire: La peur des charniers

EPA/LEGNAN KOULA

Une décision prise à l’unanimité qui isole encore un peu plus Laurent Gbagbo: l’Assemblée générale des Nations unies a officiellement reconnu Alassane Ouattara comme le président légitime de la Côte d’Ivoire. Et sur le terrain, l’Onuci redoute la présence de charnier.

Yannick Vely (avec Reuters) – Parismatch.com

Les représentants des 192 Etats membres de l’Assemblée générale des Nations unies ont voté comme un seul homme. Pour l’ONU, Alassane Ouattara est bien le vainqueur du second tour de l’élection présidentielle et les diplomates figurant sur sa liste les seuls représentants officiels de la Côte d’Ivoire. Le nouvel ambassadeur ivoirien auprès de l’organisation mondiale est Youssouf Bamba, précisent également les Nations unies dans la décision. L’ancien ambassadeur ivoirien, Alcide Djédjé, a déjà quitté New York avec la totalité de son personnel et de son matériel informatique, ont déclaré des diplomates à l’agence Reuters, ce qui confirme bien qu’au-delà des mots de Laurent Gbagbo prononcé à la télévision d’Etat ivoirienne, ce dernier est de plus en plus isolé.

Et la communauté internationale de frapper le président sortant de Côte d’Ivoire, là où cela fait le plus mal: au portefeuille. La banque centrale de l’Afrique de l’Ouest a enfin décidé de geler les fonds destinés à la Côte d’Ivoire, imitant ainsi la banque mondiale. «Le conseil des ministres a pris note des décisions des Nations unies, de l’Union africaine et de la Cedeao de reconnaître Alassane Ouattara comme le président légitimement élu de la Côte d’Ivoire», indique le communiqué de la banque centrale de l’Union économique et monétaire de l’Ouest africaine publié jeudi. Le but est de mettre Laurent Gbagbo en difficulté s’il ne peut plus payer ni fonctionnaires ni militaires, mais cette manœuvre pourrait aussi provoquer de graves conséquences économiques pour un pays déjà touché par la crise du marché du cacao, dont il est le premier producteur.

Au moins 173 morts
Le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme a dressé un premier bilan humain des violences politiques. Selon les chiffres de l’ONU, au moins 173 morts ont trouvé la mort dans les affrontements entre pro-Ouattara et pro-Gbagbo. L’ambassadrice des Etats-Unis auprès du HCDH, Betty E. King, a elle évoquée le chiffre de 200 personnes tuées dans les violences qui ont suivi le deuxième tour du scrutin. Jeudi, le Chef de la division des droits de l’Homme de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci), Simon Munzu, a dépeint une situation très sombre sur le terrain, alors même que les casques bleus protègent toujours l’accès à l’Hôtel du Golf, où sont retranchés Alassane Ouattara et ses hommes. «Nous avons enregistré 173 cas d’exécutions sommaires, 90 cas de torture ou autres formes de mauvais traitement, 471 cas d’arrestations et de détention arbitraires ainsi que 24 cas de disparitions forcées a-t-il affirmé. Tous ces cas ont pu être vérifiés». Et ce dernier de préciser que les chiffres avancés ne représentaient qu’une partie de la réalité car l’Onuci éprouve de nombreuses difficultés à procéder à des vérifications afin de confirmer ou d’infirmer de nombreux faits rapportés ou des allégations de charnier dans certaines localités. Ainsi, la route d’Anyama était bloquée par les forces de défense et de sécurité fidèles à Laurent Gbagbo, alors qu’une délégation de l’Onuci voulait vérifier sur place l’existence d’un charnier à N’Dotré.

Ce vendredi, un sommet extraordinaire de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) se déroule à Abuja, la capitale du Nigeria. «Tout en condamnant fermement les violations des droits de l’Homme qui ont eu lieu en Côte d’Ivoire (…), le groupe africain estime qu’il est urgent que toutes les parties s’abstiennent de toute violation des droits de l’Homme, respectent ces droits et se hâtent de rétablir la démocratie et l’Etat de droit», a déclaré le diplomate nigérian Ositadinma Anaedu, donnant le ton d’une réunion qui pourrait déboucher sur l’envoi d’une force d’intervention étrangère en Côte d’Ivoire. Mercredi, le ministère des Affaires étrangères a invité les ressortissants français présents à Côte d’Ivoire à «redoubler de prudence», recommandant même «à tous les Français qui le peuvent de quitter provisoirement la Côte d’Ivoire, dans l’attente d’une normalisation de la situation».

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