Lettre Ouverte à Tamoifo Nkom Marie, Jeune Leader Africain du Cameroun

© Usa.gov

Par Souleymane, SOUMAHORO PhD Candidate in Economics University of Oklahoma

Mme ou Mlle Tamoifo Nkom Marie, je ne vous connais ni d’Adam ni d’Ève mais j’ai suivi sans être vraiment surpris votre discours devant Mr Laurent Gbagbo sur la télévision ivoirienne. J’avoue que je n’ai accordé aucune importance ni dans la forme ni dans le fond de votre message à Mr Gbagbo, pour la simple raison que c’est du « déjà vu ». Toutefois, je me permets d’intervenir dans ce débat pour la simple raison que vous affichez ex-post votre intention d’en apprendre sur la crise qui secoue actuellement la Cote d’Ivoire. J’essaierai dans les lignes qui suivent de vous donner l’avis d’un Ivoirien qui a vécu et continue de vivre à l’instar de ses compatriotes les affres de cette crise qui n’a que trop duré.

De prime abord, afin de vous permettre d’être au même niveau d’information que moi (et bien d’autres Ivoiriens), je souhaiterais faire une revue de faits historiques susceptibles de vous aider à comprendre le contexte global.

1.
En 2000, Mr Laurent Gbagbo accède au pouvoir dans un contexte qu’il qualifie de conditions calamiteuses. Ce qualificatif trouve son origine dans le fait que les leaders des principaux partis politiques (Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara…) sont écartés par une court constitutionnelle aux ordres du défunt Genéral Guéi, Chef de la junte arrivée au pouvoir par coup-d’état contre Henri Konan Bédié en 1999. La conséquence directe d’une telle exclusion, c’est le refus de 70% d’Ivoiriens de participer aux élections qui opposent véritablement Laurent Gbagbo à Guéi Robert. En d’autres termes, l’on enregistre un taux de participation de 30% qui démontre clairement que l’élu pourrait souffrir d’un problème de légitimité. Vous direz peut-être que la Démocratie ne tient compte que des suffrages exprimés. Je vous le concède. Cependant, les élections se sont déroulées en octobre 2000, et depuis lors les Ivoiriens attendent les résultats de ces élections. Quoi? Vous n’avez pas encore les résultats des élections de 2000? (certains lecteurs pourraient poser cette question). Et pourtant, moi en tant qu’Ivoirien respectueux des Institutions Républicaines, j’ai noté que Guei Robert a été déclaré vainqueur par le conseil constitutionnel, résultat que Mr Gbagbo a contesté sans utiliser les voies républicaines définies a cet effet, c’est-a-dire l’introduction d’un recours auprès des juridictions compétentes. Finalement, nous avons assisté a un affrontement armé et le meilleur, Laurent Gbagbo l’a emporté.

‎2.
Dans cette bataille pour le contrôle du pouvoir, certains Ivoiriens parmi les 70% privés d’élections, conformément a l’article 11 de notre constitution (Art. 11. Les libertés de réunion et de manifestation sont garanties par la loi) organisent des manifestations de rue pour réclamer de nouvelles élections. En réponse, plusieurs dizaines d’entre eux sont froidement assassinés et quelques jours plus tard l’on découvre aux encablures de Yopougon un charnier de 57 corps. Qui les a tué ? Je ne saurais le dire… Mais ce que je puis dire avec certitude c’est que Laurent Gbagbo, en sa qualité de premier Juge de Cote d’Ivoire n’a jamais pris ses responsabilités pour que justice soit rendue. Ce qui pose incontestablement une responsabilité á la fois morale et institutionnelle. Bref, je préfère faire l’économie des actes odieux commis depuis sa prise de pouvoir et les multiples cas de violations des droits de l’homme et d’obstruction á la justice que les Ivoiriens (ce peuple dont vous êtes solidaires) ont vécus et continuent de vivre.

© Usa.gov Barack Obama et les jeunes leaders (Marie Tamoifo en fond)

3.
Un mandat présidentiel en Cote d’Ivoire (même acquis dans des circonstances catastrophiques) est de 5 ans. Et sans être un expert en arithmétique, je puis vous dire que le mandat de M. Laurent Gbagbo est fini en 2005. Ah Bon? Comment a-t-il pu faire alors pour se maintenir au pouvoir jusqu’en 2010? C’est simple… La communauté internationale via le conseil de sécurité de l’ONU a pris une Résolution (La 1633 du 21 Octobre 2005) dont le point 3 dit ceci: « …le Président Gbagbo demeurera chef de l’État à partir du 31 octobre 2005 pour une période n’excédant pas 12 mois… ». Vous noterez avec moi que cette disposition sera reconduite chaque année par l’ONU pour combler le vide juridique jusqu’aux élections de 2010. Bref Mr Laurent Gbagbo que vous semblez soutenir face á la communauté internationale tenait sa légitimité de cette même communauté internationale…

‎4.
Le 6 Avril 2005, les principaux protagonistes de la crise Ivoirienne (Gbagbo, Ouattara, Bédié et Soro) se sont donnés rendez-vous a Pretoria sous l’égide de Thabo Mbeki en vue de ramener par le dialogue la paix tant souhaitée par les populations ivoiriennes et leurs partenaires africains (comme vous). A la satisfaction de tous, un accord qui définie les modalités d’organisation d’élections libres et ouvertes á tous, est trouvé et les parties signataires s’engagent mordicus á le respecter. D’ailleurs, pour faire tomber le mur de méfiance, les principaux leaders et Mr MBeki demandent á l’ONU de s’associer au processus électoral dans le strict respect de lois Ivoiriennes. Je tiens á vous rappeler que la constitution ivoirienne stipule en son article 87 et je cite: « Les Traités ou Accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque Traité ou Accord, de son application par l’autre partie ». Et pour ceux qui s’y connaissent un peu en droit, les Résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU (contrairement á celles du Conseil Genéral) sont supérieures á nos lois nationales. Dans cette dynamique, l’ONU prend une nouvelle résolution sur la Cote d’Ivoire (la 1721 du 1er Novembre 2006). Le point 22 de cette résolution est claire: « le Haut Représentant pour les élections, avec le plein appui du Premier Ministre et en consultation avec celui-ci…Sera la seule autorité habilitée à rendre les arbitrages nécessaires en vue de prévenir ou résoudre toute difficulté ou contentieux liés au processus électoral, en liaison avec le Médiateur ». En d’autres termes, en cas de contentieux, le dernier mot revient au représentant spécial de l’ONU… Et cette résolution, conformément á notre constitution, est supérieure au code électoral nouveau.

5.
En faisant l’hypothèse que cette résolution n’ait jamais existé, la question du contentieux électoral est traitée dans l’article 64 du code électoral nouveau. Il y est écrit « noir sur blanc » ceci: « Dans le cas où le Conseil constitutionnel constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d’ensemble, il prononce l’annulation de l’élection. La date du nouveau scrutin est fixée par décret en Conseil des ministres sur proposition de la Commission chargée des élections. Le scrutin a lieu au plus tard quarante cinq jours à compter de la date de la décision du Conseil constitutionnel. » Sur la base de cette loi, le Président du Conseil Constitutionnel n’a pas lu le droit. J’irai plus loin pour vous dire Mme ou Mlle que chez moi en Cote d’Ivoire, les circonscriptions électorales dans le cadre des élections présidentielles sont soit le territoire national (qui constitue une circonscription unique), soit les représentations diplomatiques dont chaque entité constitue une circonscription. Qu’est-ce a dire? L’implication directe d’une telle définition, c’est que les institutions compétentes ne peuvent pas annuler les résultats des élections dans une partie et la valider dans une autre partie de la même circonscription. Dans une perspective simple, s’il y a des irrégularités á Yopougon, on annule les élections sur tout le territoire national au nom de ce principe. Ce principe n’est par contre pas violé, quand l’on annule l’élection dans toute la circonscription (exple: l’élection des Ivoiriens de France a été annulée).

Mme ou Mlle, ce qui se passe en Cote d’Ivoire n’est pas une manifestation de la Francafrique… C’est plutôt un problème de respect de la souveraineté du peuple qui s’est exprimé librement et conformément aux lois nationales et internationales. Il s’agit bel et bien d’un problème de Démocratie et rien d’autre… Contrairement aux élections de 2000 (30% de participation), les Ivoiriens après avoir patienté pendant dix ans sont sortis nombreux (plus de 80%) pour choisir leur prochain président. Ce président est connu, il s’appelle Monsieur Alassane Ouattara, la CEI l’a dit et l’arbitre en dernier ressort (selon la Résolution 1721) l’a confirmé. En tant qu’Africain, il est temps que nous puissions nous approprier la Démocratie et que nous œuvrons ensemble à faire respecter les règles élémentaires qui en découlent.

J’espère que cette petite contribution pourrait vous aider á mieux cerner le problème ivoirien et á œuvrer pour que la voix de mon peuple, votre peuple par alliance, puisse être respectée malgré les tentatives de bâillonnement dont il est victime de la part des antidémocrates.

Bonne et Heureuse Année 2011.
Souleymane, SOUMAHORO
PhD Candidate in Economics
University of Oklahoma

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