Lettre Ouverte au Président GBAGBO LAURENT (Par Mme FOFANA Y. Fanta, épse KABA)

Par Mme FOFANA Y. Fanta, épse KABA  – Ancienne du Bloc des Elèves et Etudiants (en vacances) à Gagnoa BEEG

Je suis née, ai grandi, fréquenté et servi à Gagnoa que nous, enfants de Dioulabougou, appelions fièrement « Bété Dougou Paris », car il y faisait vraiment bon vivre. La fraternité et la solidarité entre les habitants étaient une réalité. Les enfants des autochtones bété avaient pour tuteurs les allogènes. Mon père, transporteur prospère de la ville prenait entièrement en charge de nombreux enfants à qui il donnait le gîte, le couvert, les uniformes et les fournitures scolaires. Les dimanches, lui, le fervent musulman, les obligeait à aller à l’église car il ne voulait pas de mécréants chez lui. Il les astreignait à l’étude obligatoire dans les mêmes conditions que ses propres enfants. Les Blaise, les Séripka, les Awaza, les Gnahoré, les Zahui, les Koré, les Kragba… sont autant de grands frères pour moi.

Monsieur le Président, en 1982, j’ai eu l’honneur de rencontrer votre honorable père à un moment de grande affliction : j’étais allée me recueillir sur la tombe d’un petit frère mort tragiquement. Il a mis sa main sur mon épaule en me disant : « Tu sais ma fille, le cimetière est un lieu de repos ; ton petit frère et tous ceux qui sont couchés ici dorment tranquillement avant la résurrection. L’homme est vraiment un étranger sur terre. Ici est la demeure du repos qui conduit à la vie éternelle. » Les paroles de ce beau Monsieur m’ont été d’un grand réconfort. Ensuite il m’a demandé si je vous connaissais. Il m’a dit que vous etiez professeur d’Université. En tout cas, il était très fier de vous car il répétait souvent : c’est mon fils. J’étais heureuse de voir comment un père pouvait autant apprécier son fils. Paix à l’âme de ce gentil Monsieur.

Quant à vous, Monsieur le Président, je ne vous ai pas personnellement connu, mais nous étions tous comme des frères et sœurs à Gagnoa : les Yacouba Sylla, les Savané, Salif NDiaye, Bamba (Mema), Nimaga, Otro Bruno, Yohou Marcel, les Ouraga, les Lokrou, les Gniplé, les Diaby (Moustapha), Feu Dagri Honoré, Feu Ahonzo Aurélien, les Amani, les Fofana, les Henri Kouakou, les Gnanzou les Dieng, les Blé Agathe, les Koffi Dagbasta, les Ndetchi, , les Ewool, les Glagoé, etc. Surtout nous qui avions animé le BEEG – le Bloc des Elèves et Etudiants (en vacances) à Gagnoa – avant que la « bétéité » ne vienne tuer cet instrument de fraternité et de cohésion sociale dans les années 72, quelque temps après la tentative de sécession du Guébié.

A l’avènement du multipartisme où vous avez été sacré tête de fil de l’opposition, et quand vous êtes parvenu au pouvoir en 2000, nous avions cru que vous préserveriez la démocratie mais quelle déception ! Que d’arrogance, que de haine, que d’attitudes guerrières, que de duplicité…et tout ce sang qui a coulé et qui coule toujours de plus en plus et à grand débit …

Et voilà que vous n’êtes pas le vainqueur des dernières élections organisées à grand frais en 2010. Mais vous vous agrippez au pouvoir envers et contre tous. Vous défrayez la chronique dans le monde entier.

Vous savez, une sœur a beau ne pas être d’accord avec un frère, quand ce dernier se trouve dans la tourmente, son cœur se remplit de pitié et elle doit se résoudre à intervenir : c’est pourquoi je vous demande de laisser ce pouvoir. N’écoutez plus ces gens qui n’ont pas réussi à « s’envoyer eux-mêmes quand vous les envoyiez» et qui vous mentent alors qu’ils vous lâcheront sûrement. Pour le moment, ils se servent de vous comme d’un bouclier. Regardez tous ces vautours, avocats des causes perdues et autres opportunistes qui tournent autour de vous, chacun espérant vous délester d’un peu de ces milliards dont on parle…Cessez de vous fatiguer, de vous faire des illusions, de vous ridiculiser, de ridiculiser vos compatriotes et les africains.

Monsieur le Président, réveillez-vous de votre long sommeil : la lutte pour l’indépendance de la Côte d’Ivoire est terminée depuis 50 ans. Ce pays n’a jamais été attaqué par l’extérieur. Les conflits qui y ont eu cours sont ivoiro-ivoiriens. La Communauté Internationale et notamment la France à qui d’ailleurs l’Etat de Côte d’Ivoire a fait appel pour stopper la rébellion en 2002, se sentent obligées de s’ingérer seulement quand il faut arbitrer, limiter les dégâts et rétablir l’ordre.
Par conséquent, il n’y a plus de lutte de décolonisation qui vaille.

La seule bataille qui mérite d’être menée est la bataille économique : l’élaboration de bonnes politiques, leur mise en œuvre avec des obligations de résultats, une vigilance et un sens élevé des responsabilités dans la signature des contrats avec les investisseurs et les partenaires pour qu’il n’y ait pas de marché de dupes ; idem dans les relations diplomatiques, et tout cela dans un environnement de Bonne Gouvernance, de cohésion sociale et de paix durable où tous les citoyens, dans la mesure de leurs aptitudes, participent et profitent des fruits de la croissance.

Monsieur le Président, demain, si vous faisiez une déclaration dans ce sens, et remettiez la gestion de ce pays si cher à votre frère Alassane OUATTARA, le nouveau président élu qui connaît très bien notre cher Gagnoa, vous surprendriez favorablement le monde entier et cela, l’histoire le retiendrait. Je vous encourage donc vivement à étonner tout le monde par cet acte de haute portée. Votre respectable père serait encore plus fier de vous. Il ne tient qu’à vous de ne plus être insulté, vilipendé, ridiculisé, toutes vilénies qui rejaillissent sur vos proches. Rappelez-vous cette parole de sagesse que Césaire a mise dans la bouche de l’épouse du Roi Christophe et qui est un risque pour les vôtres : « Pourvu qu’un jour, on ne mesure pas au malheur des enfants la démesure du père ».

Pardonnez-moi mon outrecuidance. Démocratiquement.

Mme FOFANA Y. Fanta, épse KABA
Membre du Bureau de l’ex BEEG

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