La tragédie du pouvoir…Les dictatures ont-elles la même fin ?

par GAVAN Attoura
La tragédie du pouvoir…

Vingt huit ans durant, le peuple haïtien a connu l’une des dictatures les plus meurtrières de son histoire. La dynastie des DUVALIER avec ses tontons macoutes, une milice paramilitaire, sévit dans le pays. Les populations civiles sont massacrées, arrêtées arbitrairement et torturées. Les femmes sont violées impunément. En février 1986, face à l’insurrection populaire, Jean-Claude DUVALIER fuit son pays pour ne plus y revenir. C’était la fin de « Bébé doc ».

Dans un mois de novembre, en 1965, un autre futur dictateur prend le pouvoir. Le Zaïre vient de connaître un coup d’Etat. Parti unique, presse muselée et aux ordres, répression des manifestations d’étudiants et tueries massives. Mais le 17 mai 1997, trente deux ans après, le dictateur de la forêt équatoriale s’écroule. Il perd son pouvoir exsangue et fuit le pays. L’armée rebelle a certes été la pièce maîtresse de ce puzzle mais la liesse populaire a précipité la chute du faucon. Même les négociations initiées par Nelson Mandela n’aboutissent à rien. Peu avant, une dynastie nait de l’autre côté de l’atlantique.

Les dictatures ont-elles la même fin ? Peut-on continuer à gouverner contre sa population ? Contre sa jeunesse ? Autant de questions que l’on se pose. Mais la tragédie du pouvoir nous mène à beaucoup de choses. Pas exactement comme celle du Roi Christophe !

Qui pouvait l’imaginer ? On aurait pronostiqué contre un dénouement aussi précoce que rapide de la situation qui prévalait en Tunisie depuis bientôt un mois.

Lorsqu’il prend le pouvoir d’Etat ce 07 novembre 1987, après avoir déposé son prédécesseur et bienfaiteur Habib BOURGUIBA, il tient un discours ambitieux et révolutionnaire : « l’époque que nous vivons (en 1987) ne peut plus s’offrir ni présidence à vie ni succession automatique à la tête de l’État. Le peuple ne doit pas se trouver exclu. Notre peuple est digne d’une vie politique évoluée et institutionnalisée, fondée réellement sur le multipartisme et la pluralité des organisations de masse. »
Mais le pouvoir rend fou. L’usure du pouvoir conduit à la tragédie. Vingt trois ans après ces propos, la fuite de Zine el-Abidine Ben Ali sonne aujourd’hui comme un véritable aveu d’incapacité ambiante et de culpabilité. Les fruits n’ont-ils pas été à la hauteur de la promesse des fleurs ? Pas si sûr ! Comment un peuple aussi opprimé a pu dépasser sa peur pour braver les canons et gagner sa liberté?

L’Histoire reste vraiment un enseignement aux générations actuelles et à venir. C’est cette histoire commune aux jeunesses africaines qui doit enseigner la conduite de nos jeunes.

Ne nous trompons pas ! C’est la jeunesse tunisienne qui a renversé le pouvoir dans ce pays. C’est par le commun de la jeunesse tunisienne que la révolution des jasmins s’est opérée. C’est la société plurielle de ce pays qui s’est révolté contre un régime.
La situation que nous vivons en Côte d’Ivoire après les élections de novembre dernier peut se nourrir de l’expérience vécu aujourd’hui avec les tunisiens. M. Laurent Gbagbo doit comprendre qu’il ne peut gouverner ce pays contre le gré des ivoiriens. Le peuple qui s’est exprimé ce 28 novembre ne lui fait plus confiance. Or la confiance est le socle de toute relation humaine. Lorsque cette confiance est rompue, rien n’est possible ! Comment veut-il faire ? Où veut-il conduire les ivoiriens ? Dans un génocide ou dans une guerre civile ? Nous ne voulons pas de génocide en Côte d’Ivoire. Nous ne voulons pas de guerre civile dans ce pays. Nous ne voulons pas de sacrifice de la personne de Gbagbo. Voilà pourquoi les jeunes, les femmes, les populations de ce pays doivent s’inspirer de la bravoure du peuple haïtien contre les Duvaliers; elles doivent se réveiller à l’exemple des Zaïrois (Actuelle RDC) contre le Mobutisme ; Et la vaillante jeunesse tunisienne ne peut qu’inspirer la révolte pacifique des jeunes de la perle des lagunes.

La vérité, le peuple tunisien nous donne ce soir une grande leçon de liberté, et les ivoiriens doivent se montrer à la hauteur de leur engagement pour la liberté, la démocratie et la prospérité de leur pays en arrachant le pouvoir à M. Gbagbo. Les morts qui ont été comptés en Tunisie et qui ont emportés le Président Ben Ali ne sont pas à la mesure de nos charniers à Abidjan. Les pogroms ne se comptent pas ici. C’est notre quotidien.

Mais il faut noter que si les tunisiens ont pu relever ce défi de la révolte, l’on doit reconnaître la grandeur de cet homme politique qui part de la Tunisie sur la pointe de ses pieds. Il aurait pu « résister » en continuant de tuer sa population. Il aurait pu ne pas céder à la pression de la rue parce qu’il compte encore de nombreux sympathisants dans la société tunisienne. Il contrôlait toujours l’armée. Mais la hauteur de l’homme a pris le dessus sur son ambition. C’est à cela que nous invitons l’ex-Président ivoirien.
Parce que la tragédie du pouvoir nous conduit souvent à des histoires tragiques.

GAVAN Attoura

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