Gbagbo-Dos Santos, des affinités entre régimes dictatoriaux…par Adjo Saabie

Eduardo dos Santos, depuis 1979
(comme la pub Jonny Walker, since…)

par Adjo Saabie, écrivain | Connectionivoirienne.net

La honte ne tue pas, dit-on parfois, quand les principes sont en conflit avec nos intérêts les plus bas et inavouables. Dos Santos, le président angolais, se permet de proposer que Gbagbo continue d’être président en attendant de nouvelles élections, et d’accuser la communauté internationale d’être injuste envers son poulain. Quel culot! Eduardo dos Santos, qui a refusé une solution négociée avec son rival de l’époque, s’invite aujourd’hui dans le débat ivoirien.

Quels sont les intérêts cachés?
Cet engouement pour Gbagbo daterait, selon certaines sources à Luanda, de l’époque où, arrivé au pouvoir en 2000 dans les circonstances que l’on sait, Gbagbo a démantelé la base ivoirienne de l’Unita et rendu à dos Santos tous les documents stratégiques de l’UNITA que son rival Savimbi, protégé par le régime d’Houphouët, gardait en Côte d’Ivoire. Le satrape de Luanda lui en est éternellement reconnaissant depuis cette date. Deux ans plus tard, Savimbi était tué.

Dos Santos, quel modèle politique?
C’est un paradoxe que celui qui est au pouvoir depuis 1979 veuille aujourd’hui donner des leçons de démocratie. Cela fera cette année 32 ans. Et mérite que l’on s’y attarde car c’est un mandat extraordinairement long. Dos Santos porte sa part de responsabilité dans la guerre civile qui a meurtri son pays. Il se maintient à la tête de l’Angola seulement parce que son peuple, fatigué de 27 ans de guerre civile, a choisi de tourner la page. S’ils le pouvaient, les Angolais diraient Adieu à ce président froid et distant, aux méthodes staliniennes qui vient de changer la Constitution de son pays pour s’assurer de rester aussi longtemps qu’il le souhaite au pouvoir. Il a fait transformer le poste de Premier ministre en celui de Vice-président, renforçant considérablement son pouvoir au passage. Enfin, il a littéralement castré le gouverneur de la Banque Centrale en lui enlevant certaines de ses prérogatives il y a quelques mois, devenant le seul à décider de la politique monétaire.

L’Angola, un ivrogne du pétrole
Alors que le monde s’extasie sur la croissance à deux chiffres de ce pays jusqu’à 2008/2009, l’économie de l’Angola est essentiellement pétrolière, une économie de rente basée seulement sur le bon vouloir des cours du brut. Avec le résultat que l’on connait. Lorsque les cours ont baissé en 2008/09, la croissance de l’Angola a chuté de 15% à 0,9 pour cent, avant de remonter autour de 4% pour cent en 2010.
Alors que tout pousse en Angola et que ce pays vaste dispose de suffisamment de ressources pour nourrir ses quelques 13 millions d’habitants, Luanda est aujourd’hui la ville la plus chère d’Afrique et figure parmi les dix villes les plus chères au monde. Le dollar remplace la monnaie locale, le kwanza, dans la plupart des transactions. Ceux qui sont allés à la CAN l’attesteront, un vulgaire poulet braisé vous fera passer le goût du poulet pour le reste de l’année, tant vous devrez serrer la ceinture après. La location d’un appartement décent, construit bien sûr par les Chinois, est hors de prix, et vous risquez d’avoir en prime comme vue des bidonvilles d’une misère noire qui vous donneront mauvaise conscience toute votre vie. Car en face, dans des immeubles décatis aux sanitaires inexistants, avec des fenêtres de fortune faites de bric et de broc, s’entassent des habitants depuis la guerre civile dans des appartements conçus pour une famille nucléaire à l’occidentale. Pendant la guerre, les populations angolaises ont fui les zones de combat et se sont réfugiées à Luanda, ville conçue pour abriter 500.000 habitants qui en compte aujourd’hui 5 millions. La criminalité se développe dans ce terreau fertile, preuve, encore une fois, que Dos Santos a ses priorités ailleurs, et que la sécurité de ses concitoyens n’est pas prioritaire. Paradoxe dans un État policier.

Le pétrole a continué à être exploité sans vergogne même pendant la guerre civile, car les puits pétroliers sont en mer (offshore). Dos Santos n’a aucun mérite personnel sur le développement de son pays, ne transformant pas l’économie du pays pour réduire la dépendance au pétrole.

Le « miracle » angolais a connu un frein ces derniers temps avec des arriérés colossaux de l’ordre de plusieurs milliards de dollars (sur un total de 6,8 milliards de dollars) dus aux sociétés de construction, obligeant le gouvernement à revoir ses prévisions de croissance de 9,7 pour cent à…la moitié, soit 4,5 pour cent.

blogspot.com - Eduardo_dos_Santos_Hu_Jintao

Les libertés étouffées, la corruption répandue
Pays parmi les dix plus corrompus de la planète (classé 168ème sur 178 par Transparence International), les généraux se partagent des pans entiers de l’économie: le lucratif business de la sécurité, l’agriculture (en reprenant les fazenda des ex-colons Portugais), l’import-export quand ce n’est pas le pétrole. L’Angola est un pays dangereux pour la presse. Classé 104ème sur 178 pays en 2010 (Reporters Sans Frontières), malgré certaines concessions faites à l’opposition, les journalistes y laissent souvent leur peau. Le 5 septembre 2010, un journalistes de Radio Despertar a été tué. Vers la fin de ce même mois de septembre, un de ses collègues, de TV Zimbo, s’est fait tirer dessus. En novembre 2010, un autre journaliste s’est fait poignarder dans une station d’essence près de Luanda.

Un dirigeant éloigné de son peuple
Les Angolais sont un peuple ouvert et souriant, mais la politique instaurée par Eduardo dos Santos est celle du rideau de fer, vestige sans doute de l’époque où il était étudiant en ex-URSS. Pour se rendre en Angola, il faut y être invité. Pour ce faire, un fax de la partie qui vous invite doit parvenir à l’ambassade d’Angola du pays où vous résidez. Pays ayant adopté une politique xénophobe, les immigrants (Congolais ou Ouest-Africains) sont durement refoulés et traités avec brutalité.

Des affinités entre régimes dictatoriaux…Gbagbo-Dos Santos
De toute évidence, le régime Gbagbo a de nombreux points communs avec celui de dos Santos. L’inféodation de syndicats ivoiriens tels que Dignité, FESCI et Fesaci donne froid dans le dos. Les pauvres travailleurs « désobéissants » seront sanctionnés. La ligue ivoirienne des droits de l’Homme rapporte (dans une interview à Libération le 15 janvier 2011, que « n’importe quel jeune peut vous faire fuir dans la rue », il suffit qu’il vous dénonce, car les jeunes qui tiennent des kiosques à téléphone vous écoutent et, étant affiliés à la redoutable FESCI, « Si vous venez téléphoner et que vous tenez certains propos, ils sont connectés à des cellules de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), elle-même connectée à des cellules de la sécurité. N’importe quel jeune, dans n’importe quel quartier, peut vous obliger à prendre la fuite en prétendant que vous avez des armes chez vous. » Ce mode opératoire n’est pas sans rappeler le quadrillage du MPLA du territoire à l’époque de sa guerre avec l’UNITA et le maillage de la société, chacun devant être un informateur du MPLA.

…mais l’Angola n’est pas la Côte d’Ivoire!
Malgré le désir du régime Gbagbo de chercher des ressemblances entre les pays, la Côte d’Ivoire ne saurait se comparer à l’Angola, qui a connu (500) cinq cent ans de colonisation portugaise et une guerre civile de 27 ans. La colonisation portugaise a été l’une des pires de toutes, même si les Congolais (RDC) disent que ce sont les Belges les pires avec le roi Leopold II qui faisait couper les mains, nez et oreilles des travailleurs qui ne récoltaient pas assez de jus de caoutchouc pour faire du latex. Un jour, il faudra s’asseoir et comparer les différentes colonisations pour déterminer qui détient la palme de l’horreur. Passons. L’Angola avait un combat légitime contre l’oppresseur portugais, qui a régné sans partage et exploité ses ressources pendant des siècles, jusqu’en 1975 sans même avoir eu, disons le en passant, l’intelligence de trouver du pétrole! Je peux comprendre une volonté angolaise de tenir la dragée haute aux Portugais, voire de les humilier pour montrer que les temps ont changé.

Quel est le combat de la Côte d’Ivoire?
Nous sommes un pays souverain, du moins politiquement, depuis quand même 50 ans. L’indépendance économique est plus discutable. Oui, comme tous les pays du tiers monde, nous avons des partenaires économiques et des investisseurs occidentaux dans notre pays, qui essaient de tirer la couverture de leur côté. Malgré l’imbrication probable des intérêts privés et publics de la plupart des pays occidentaux en matière de politique d’investissement, est-ce pour autant qu’il faille systématiquement y voir la main d’une grande puissance? Et pourquoi se focaliser sur les occidentaux alors que la Chine, devant laquelle les occidentaux font figure d’amateurs, ne se cache même pas, elle ne s’embarrasse pas de principes pour dire que oui, le Premier ministre vient signer le contrat de telle compagnie pétrolière ! On ne peut plus direct. A nous de mettre dans les ministères des personnes compétentes et surtout, non corrompues, pour négocier de la meilleure façon possible les contrats, dans l’intérêt supérieur de la nation comme on nous le serine souvent.

Il s’agit plus d’un combat, celui de Gbagbo. Contre qui? Contre quoi? N’a-t-il pas accordé d’importantes concessions à des soi-disant représentants de la Françafrique ?

En s’engageant dans le « combat » de Gbagbo, qui n’est pas le sien, la Côte d’Ivoire a un sombre avenir devant elle. Dos Santos, parrain de Gbagbo, ferait mieux de prendre garde. Les manifestations meurtrières du Mozambique peuvent se produire en Angola. Il l’a senti et immédiatement remis à plus tard des mesures impopulaires. Mais ce n’est qu’un début. Et il ferait mieux d’accélérer son programme de construction de logements. Il ne suffit pas d’avoir identifié le logement comme un problème potentiellement explosif, il faut un véritable partage avec les populations. A mon humble avis, il aura du boulot dans les mois qui suivent.

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