Ouattara ou Gbagbo ? La diaspora ivoirienne de Paris plus que jamais divisée…

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… sur la crise qui secoue leur pays d’origine.

«Tu veux quoi?» La mine sombre et l’oeil défiant, le groupe de jeunes Ivoiriens coupe court à la conversation. Quelques secondes avant, ils discutaient âprement de l’interview de Laurent Gbagbo diffusé la veille sur Canal+. À Château d’Eau, comme à Château Rouge, les deux coeurs effervescents de l’Afrique à Paris, la méfiance règne. Amada, Ivoirien débarqué en France en 2002, année de la partition de son pays, s’explique. «Tu sais, c’est chaud en ce moment. Entre nous, déjà, c’est tendu. On fait attention. Les Ivoiriens d’ici, on se connaît tous et on se respecte. On peut débattre quand on n’est pas du même camp. Mais quand on sent que ça dégénère, on arrête».

L’ombre de la Françafrique

Natif du Nord, il ne cache pas son soutien à Alassane Ouattara. «L’Onu a certifié les élections. Ils veulent quoi de plus? Gbagbo dit que c’est la France qui tire les ficelles. Évidemment qu’elle a des intérêts, mais pas au point de décider du résultat des élections». Alors que ses compères ont depuis longtemps fui comme une volée de moineaux, il conclut son discours sur un accent alarmiste: «En tout cas, si l’Occident et les Casques bleus quittent le pays, ce sera un nouveau Rwanda!». Du côté de l’ambassade de Côte d’Ivoire à Paris, dans le XVIe arrondissement, l’ambiance est plus sereine. Des dizaines d’Ivoiriens «de l’extérieur» attendent patiemment certificats et passeports. Ange est venu de Rouen pour obtenir un certificat de célibat. Il attend depuis deux jours. Mais depuis la brève occupation de l’ambassade par les pro-Ouattara, le 27décembre dernier, les portes sont closes et les services fonctionnent au ralenti. «Moi je ne fais pas de politique. Je déplore juste que notre maison à tous soit fermée et qu’une nouvelle fois ce soit les Ivoiriens qui sont pénalisés». Dans la même file, Pierre est moins tiède. Une massive croix catholique autour du coup, il assure que l’opinion française a une vision tronquée de la situation en Côte d’Ivoire. «Pourquoi les médias français dénigrent tant le soutien de Vergès et Dumas à Gbagbo? Parce que les deux hommes vont contre le choix de l’État français! Gbagbo n’est pas contre les Français, il est contre la France de Sarkozy». Et d’ajouter: «Il faut comprendre que ce qui se joue, c’est l’ingérence de la France dans les affaires de la Côte d’Ivoire. C’est comme Saddam en Irak: quand il était utile aux intérêts occidentaux, il faisait l’affaire. Mais quand il a voulu s’émanciper… Gbagbo lui défend la souveraineté nationale. Et ça, pour l’État français, ça ne passe pas».

«C’est le peuple qui paye»

Dans un restaurant ivoirien, la Mangrove, les effluves de cuisine se mêlent aux rythmes des clips de «coupé décalé» que crache une télé envahissante. Titine, Ivoirienne installée en France depuis 1997, est l’une des fondatrices de l’Association ADGDO qui vient notamment en aide aux femmes de Côte d’Ivoire. «Apolitique», elle s’avance tout de même à critiquer une prise de position trop hâtive de la France et des États-Unis. «Ils se sont embourbés et ne savent plus comment s’en sortir. Ils auraient dû laisser l’Union Africaine gérer ça, et seulement après, si nécessaire, s’exprimer». Quant aux deux présidents autoproclamés, elle remet les deux camps «dos à dos». «Contrairement aux crises précédentes, celle-ci est vraiment une affaire de politiques, sinon, connaissant les Ivoiriens, il y aurait plus de débordements et de manifestations. Même en France, les seuls qui s’agitent ce sont les militants. Moi, ce qui m’importe, c’est que la situation soit débloquée et que l’aide humanitaire puisse revenir. Pour l’heure, c’est le peuple qui paye».

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Glen Recourt
letelegramme.com

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