CRISE IVOIRIENNE: le jeu trouble de Jacob Zuma

Par l'Intelligent d'Abidjan

(Le Pays)

Le pouvoir sud-africain aurait voulu signifier, de la façon la moins déguisée qui soit, au monde, son soutien au gouvernement de Laurent Gbagbo, qu’il ne se serait pas pris autrement. La présence d’une frégate sud-africaine sur les côtes ivoiriennes est en effet l’un des nombreux signes cryptiques, qui attestent du parti pris de Jacob Zuma en faveur du président autoproclamé de la Côte d’Ivoire.

Le successeur de Tabo Mbeki a beau tenter de justifier son acte en arguant de la nécessité d’arbitrer un éventuel face-à-face entre Gbagbo et Ouattara, il aura du mal à convaincre les plus avertis qu’il a une position neutre dans la crise ivoirienne. Car, jusque-là, ce dernier avait toujours utilisé des moyens plus subtils qui, bien qu’éveillant des soupçons, ne permettaient pas, même aux plus sceptiques, de disposer de preuves tangibles et irréfutables de sa partialité. L’argument selon lequel l’Afrique du Sud est tellement préoccupée par le bon déroulement des travaux du panel des cinq chefs d’Etat mandatés par l’Union africaine (UA) au point d’offrir grâcieusement ses services militaires pour les encadrer, ne vaut pas le poids du poil de la plume d’un colibri-abeille.

Une force neutre est déjà en place au pays d’Houphouët-Boigny depuis le début de la crise sous la bannière des Nations unies, même si Gbagbo et ses ouailles la récusent à tort. En cas de besoin donc, l’ONUCI est la force la plus habilitée pour accompagner le panel dans sa mission. Tout appui à cette force impartiale, à défaut d’être suscitée par son commandement, devrait au préalable requérir l’aval de la communauté internationale. Ce qui est loin d’être le cas en ce qui concerne la présence de ce bateau sud-africain sur les bords de la lagune Ebrié, à en croire James Victor Gbeho, président de la commission de la CEDEAO. Selon ce dernier, la présence de ce navire ne peut que compliquer davantage la situation en Côte d’Ivoire. En tout cas, le président de la commission n’a pas tort quand il dit être déçu par la manière dont l’UA gère la crise ivoirienne, l’interventionnisme de la Nation arc-en-ciel traduisant pour lui « la tentative de contrer les efforts de l’Afrique de l’Ouest ».

La présence d’un moyen de transport et de défense sud-africain, en ce moment, en Côte d’Ivoire, aurait pu être légitime si la sécurité de la communauté ou des travailleurs de l’ambassade d’Afrique du Sud dans ce pays avait été menacée au point de nécessiter un rapatriement d’urgence. Rien de tout cela n’est officiellement signalé, et le diplomate ghanéen se trouve du reste dans son rôle quand il précise, évoquant cette maladresse sud-africaine, que même si les négociations échouaient, « la CEDEAO n’aurait aucune crainte à prendre des mesures ». Il n’est donc pas exagéré de dire que le président de la Nation arc-en-ciel s’adonne à un jeu trouble dans la crise ivoirienne, quand on sait qu’il a, par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, invité ses pairs membres du panel à afficher une neutralité objective.

On était donc en droit de s’attendre à ce que lui-même donnât le bel exemple d’autant qu’il fait partie du panel de l’UA sur la Côte d’Ivoire. Le président de la première puissance africaine a encore raté l’occasion de montrer patte blanche pour bénéficier, ne serait-ce qu’une fois en passant, de préjugés favorables de la part de ceux qui ont fini par se convaincre de son incapacité à se surpasser. En envoyant un navire militaire au large de la Côte d’Ivoire, l’actuel chef d’Etat sud-africain, non seulement dévoile ses accointances avec le camp Gbagbo, mais aussi suggère son plan d’intervention dans ce pays en cas de besoin. Il fournit ainsi, lui-même, des verges à ses contempteurs pour le fouetter, toute chose qui ne manque malheureusement pas de ternir l’image du pays au nom duquel il est censé s’exprimer et agir.

Il appartient à la communauté internationale, tirant leçon de l’inefficacité de sa légendaire lenteur qui n’a fait que donner du répit aux brebis galeuses pour mieux organiser leurs plans d’insubordination, de réagir à la hauteur du forfait. Cela d’autant plus qu’à l’étape où en sont les tentatives de résolution de la crise ivoirienne, au moins deux hypothèses peuvent être émises. Les dirigeants sud-africains ne sont-ils pas en train de prendre les devants dans le but de pouvoir procéder à une évacuation opportune de Laurent Gbagbo en cas d’intervention militaire ? Et qui mettrait la main au feu pour jurer qu’il ne s’agit pas, bien que le contenu du navire n’ait pas officiellement été dévoilé, d’un début de réarmement et de soutien au camp Gbagbo, et qui pourrait prendre de l’ampleur au fur et à mesure que le spectre de la menace de l’intervention militaire se précise ? Si tel est le cas, convaincu d’avoir un soutien de taille, Gbagbo pourrait narguer tout le monde. L’un dans l’autre, la présence de ce navire ne peut que gêner et ne saurait s’expliquer dans ce contexte situationnel. La nécessité de son lever d’ancre ou de sa mise hors d’état de nuire s’avère impérieuse.

« Le Pays »

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