Face aux crises ivoiriennes et nord-africaines, BNP et Sogé font le dos rond

Jeune-Afrique Par Frédéric Maury, avec Stéphane Ballong

Les deux groupes français s’inquiètent pour leurs filiales ivoiriennes et nord-africaines, menacées par l’instabilité politique qui secoue ces régions. Le point sur les risques qu’ils courent réellement.

Silence radio chez BNP Paribas et Société générale. Les états-majors des deux banques françaises, très présentes en Afrique, suivent avec la plus grande attention les événements qui secouent le continent, d’Abidjan à Tripoli en passant par Tunis et Le Caire. Mais elles préfèrent pour l’instant ne rien en dire. La situation est délicate : les filiales ivoiriennes ont été réquisitionnées par le gouvernement Gbagbo, qui menace de les nationaliser ; en Afrique du Nord, l’insurrection a gagné la Libye, où BNP Paribas gère Sahara Bank, le deuxième établissement du pays ; et, d’après certaines prévisions, la Tunisie et l’Égypte devraient connaître une croissance économique en berne en 2011. Il ne manquerait plus que l’instabilité politique s’installe au Maroc et en Algérie…

Pour Société générale et BNP Paribas, ces événements soulèvent une seule vraie question : quel avenir pour leurs stratégies respectives sur le continent ? Dans le cadre de son plan « Ambition SG 2015 », la banque rouge et noir a annoncé vouloir donner la priorité à l’Égypte et au Maroc ainsi que, plus marginalement, à la Côte d’Ivoire et au Sénégal. « Mais les crises sociopolitiques peuvent faire basculer la stratégie, et une banque peut décider qu’être présente dans certains pays n’en vaut plus la chandelle eu égard aux risques associés », nuance un expert.

L’enjeu est d’autant plus prégnant qu’au-delà des beaux discours la vraie priorité géographique des banques françaises est ailleurs. « Les annonces faites par Société générale autour de l’Afrique avaient surtout pour objet de redresser son image, continue la même source. En fait, le groupe mise surtout sur l’Europe de l’Est et la Russie. » Certes, mais pour Alain Le Noir, ancien directeur général de l’association Finances sans frontières, « les pays du bassin méditerranéen, dont ceux d’Afrique du Nord, demeurent stratégiques pour les établissements français. D’abord du fait de leur proximité avec l’Europe, ensuite à cause des perspectives de croissance à court terme, réelles, de cette zone ».

En Afrique subsaharienne, les filiales de Société générale et de BNP Paribas devraient, plus ou moins volontairement, continuer à céder des parts de marché. Elles ont d’ailleurs déjà été rattrapées par leurs concurrents dans plusieurs pays, notamment au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Objectif probable : privilégier la rentabilité à moindre coût en diminuant les crédits, pour miser surtout sur des services à moindres risques et générateurs de commissions, comme le mobile banking.

UNE EXPOSITION LIMITÉE

Selon la Banque des règlements internationaux, l’exposition des deux groupes en Côte d’Ivoire, en Tunisie et en Égypte s’élevait fin septembre 2010 à 19 milliards d’euros (40 milliards en incluant le Maroc et l’Algérie). Cela représente à peine 0,7 % de leurs engagements internationaux (1,5 % avec le Maroc et l’Algérie). « Il est certain que si les événements en Afrique du Nord et la crise en Côte d’Ivoire perdurent, cela n’aura rien de positif pour les banques françaises, mais l’effet restera marginal par rapport à leur taille, explique Christophe Nijdam, spécialiste du secteur bancaire au bureau d’analyse français AlphaValue. Cela est moins grave, par exemple, que la situation en Grèce. »

À l’exception notable de la filiale égyptienne de Société générale, qui a contribué en 2008 et 2009 à hauteur de 12 % aux bénéfices du groupe français, les filiales africaines pèsent peu dans la rentabilité totale des deux banques. À peine 0,3 % de leurs bénéfices cumulés en Tunisie, 0,8 % en Côte d’Ivoire, 2,8 % au Maroc… Les groupes hexagonaux n’ont finalement pas tant à craindre que cela, du moins financièrement.

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