Enquête Express – Yopougon, la commune cimetière

(Photo: REUTERS/Luc Gnago)

Par Guégouhin Louty (L.G.) | Connectionivoirienne.net

Yopougon, la commune aux cinquante deux sous-quartiers et de plus de deux millions d’habitants présentée comme un territoire acquis à la cause de l’ex-Président de Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo, a perdu de sa superbe. Les quartiers précaires Mossikro, Monmarimalaissé ou quartier Doukouré (non loin du 16è arrondissement), Zôpleu (non loin de la Maca), Koweït (en allant à Abobodoumé) pour ne citer que ceux-là se sont vidés de leur monde. A ces bidonvilles, s’ajoutent Port-Bouët II, Wassakara, Andokoi, Sicogi, Selmer, quartier Académie (du non de l’Arstm) etc. Partout, c’est la tristesse et la désolation.

Presque’aucun commerce, tous les grands magasins et les boutiques détenus par les frères étrangers en majorité Mauritaniens et Maliens ont tiré leurs rideau. Difficile de rencontrer à chaque 5 mètres comme par le passé des vendeuses de pains, beignets et autres nourritures déjà prêtes à consommer. Les garbadrômes (lieu de vente d’attiéké où mange la majorité des jeunes), un commerce détenu en majorité par les frères étrangers Nigériens est quasi-inexistant. La commune de Yopougon s’est vidée de son monde. Le constat est triste mais, c’est la réalité que vivent les populations qui ont préféré rester sur place. « Je suis resté comme gardien du quartier. C’est nous les derniers survivants que Gbagbo va tuer avant de libérer le pouvoir à Alassane », nous indique un riverain à Port-Bouët II, l’un des quartiers qui a subi l’une des pires atrocités ces dernières semaines.
Au quartier Académie, les jeunes lancent des appels par des mégaphones afin que les commerces ouvrent. Mais, comment ? « Un rescapé » dont la boutique est encore ouverte explique. « Beaucoup de mes frères ont fermé parce qu’ils ont décidé de partir à cause des jeunes qui les traitent de « rebelles ». Même moi, je dois partir dans moins de quelques jours le temps de vider mon stock. Les appels qu’ils font ne m’intéressent pas », nous confie sous le sceau de l’anonymat un jeune Mauritanien. Vider le dernier stock de marchandises et partir « loin des menaces afin que cela ne se transforme en cauchemar ». Selmer, un autre quartier non loin de la mairie de la commune qui accueille les fameuses rues princesses et celle des princes n’est qu’un vieux souvenir. « Yop, la joie » (le petit nom de la commune pour ses nuits endiablées) fait place aujourd’hui à « Yop, la méfiance », peut-on dire. Chacun reste terrer chez lui.

A Wassakara, quartier des artistes Billy-Billy et des Garagistes, nous avons appris lors de notre passage que les occupants du véhicules de patrouille du Cecos n°17 s’y sont arrêtés pour rassurer les populations de leur soutien en matière de sécurité. Revirement de situation ou simple vue de l’esprit ? « Monsieur, ce sont les mêmes véhicules là qu’ils prennent pour tirer sur nous. La seule manière d’aider les populations c’est les débarrasser des miliciens qui portent partout des armes et qui agissent au nez et à leur barbe alors qu’ils ne sont pas de leur corps », nous explique un sexagénaire qui, depuis que nous nous entretenons avec lui ne cesse de rester en contact avec ses fils et petit-fils en partance pour Korhogo. « Vous voyez, il n y a pas trois jours les mêmes hommes en arme sont venus tuer l’oncle du Président Alassane là, à moins de 300 mètres de chez moi vers 13heures. Pour quelle raison, seuls les auteurs savent. Moi, je suis déjà vieux ils peuvent venir me tuer et avoir le bonheur qu’ils cherchent « , conclu le vieux Coulibaly.
Les pires exactions, exécutions sommaires et autres atrocités qu’ont connues les différents sous-quartiers de la commune de Yopougon ces dernières deux dernières semaines, après l’appel lancé par Charles Blé Goudé se sont estompés ces derniers jours. Les multiples barrages d’autodéfenses ont disparu. Mais, la commune continue de se vider de son monde. Les organisations internationales parlent de plus de près d’1 million de déplacés sur tout le territoire ivoirien, en interne ou vers les pays limitrophes. A Yopougon, les rues tristes de cette commune hyper-peuplée accréditent les estimations de ces organisations internationales. Il suffit de prendre le premier pont dès 8heures du matin pour s’en apercevoir…

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