La vie et les conditions de séjour des déplacés du sud à Bouaké

Le déplacement massif des populations vers Bouaké a atteint un record sans précédent dans l’histoire de la Côte d’Ivoire. Venant de plusieurs localités du Sud et essentiellement des quartiers d’Abidjan, ils arrivent et continuent de débarquer de jour comme de nuit sur les terres de la capitale de la paix. A la date du 23 mars dernier, ce sont plus de 1200 familles qui ont accueilli chacune une moyenne de huit personnes. Selon une étude menée par M. Zoro Bi, responsable des affaires humanitaires au cabinet de Guillaume Soro, ces populations pour des raisons de sécurité clament-ils, prennent d’assaut les zones CNO en général et particulièrement la ville de Bouaké pour s’éloigner des atrocités quotidiennes d’Abidjan. Ils viennent par cars pour les plus chanceux. Sinon, la plupart des familles débarquent de des camions Ben. Pour les mieux nantis, ils arrivent en voiture personnelle. Cela y va de grosses cylindrées aux moyennes cylindrées. Il n’est pas rare de voir certains de ces véhicules personnels passer la nuit au commerce avec leur famille au grand complet avant de continuer le trajet le lendemain. Ce mouvement massif des populations a donc occasionné sur place des conditions difficiles pour ces milliers de personnes. Si pour certains, Bouaké constitue la destination finale, pour d’autres, le voyage doit se poursuivre plus loin. Notamment, en direction du grand nord. Bouaké constituant ainsi un transit pour le moins problématique où les voyageurs se retrouvent sans abri et sans soutien. Dans ces conditions, les véhicules traditionnels de transport s’avèrent insuffisants face à cette masse inhabituelle de passagers, fuyant la barbarie meurtrière, sanguinaire et d’autres atrocités qui sont relevés au quotidien au bord de la lagune ébrié. Et cette situation dégradante est progressivement en train de faire place à une situation humanitaire et alimentaire. Toute chose qui n’a pas été ignorée par les autorités. Puisque des constats ont permis de savoir, qu’aussi bien au niveau des églises, des mosquées qu’au niveau de la municipalité et sous la houlette de la préfecture, des activités sont menées pour apporter assistance et surtout un encadrement à ces personnes en migration dans les zones CNO. Et des activités d’urgence sont en gestation. La mise en place d’un comité de gestion des populations en transit. Logé auprès du Préfet de région M. Konin Aka, un comité de gestion des populations déplacées en transit en zone CNO a vu le jour. Le préfet étant le coordonnateur central. Il est question, selon M. Komé Mamadi, rapporteur au sein de ce comité, d’organiser la réception et l’enregistrement de ces personnes déplacées en transit. Ces activités confiées à des ONG doivent être consolidées par le comité supervisé par le préfet de région. Il a d’ailleurs en son sein des humanitaires, la cellule des affaires humanitaires des FN et la direction des affaires sociales, qui assure le secrétariat au sein de ce comité. D’autres entités sont associées. Notamment la DREN, les trois directions départementales de la santé et des ONG internationales et locales. Au plan local, la FADEREV, le REDDA et la plate-forme de la société civile ainsi que DAMZU et l’AIBF sont pleinement responsabilisés par leur présence effective sur le terrain, aux côtés de ces déplacées dès les premiers moments de cette migration. Face à l’urgence de la situation de ces personnes cibles qui sont sans tuteur à Bouaké, ainsi que ces femmes qui ont avec elles des enfants de tout âge, des sites d’accueil et de transit ont été répertoriés avec pour effet immédiat le suivi sanitaire, alimentaire et sécuritaire. A côté du comité de gestion des déplacés en transit, les hommes de DIEU ne sont pas restés insensibles à ce flux migratoire jamais connu dans le pays. Le concours des religieux ou la mise en place d’un réseau de charité. La situation tragique vécue par les populations à Abidjan a encore fait vibrer la foi des religieux de Bouaké regroupés au sein du Forum des confessions religieuses. Dans les mosquées, des appels sont lancés aux fideles musulmans lors des prières, pour apporter assistance de toutes natures aux nombreux déplacés sans tuteurs qui sont venus bénéficier de la tranquillité que vit les populations de Bouaké. Toujours dans les actions du forum des confessions, à en croire l’une des voix autorisée de l’église à Bouaké, des missions de reconnaissances ont été conduites depuis les premiers moments de ce flux migratoire. Ce qui, selon lui, a abouti à la mise en place des sites de transit ainsi que la mobilisation de dix paroisse. Selon cet homme de DIEU, il est question dans cette phase pratique de recenser les déplacés selon leurs catégories. Pour cela, dit-il, des équipes sont dans les différentes gares pour faire des fichiers de reconnaissance. Et des actions alimentaires sont menées en leur faveur sur les sites de transit en attendant la phase de la prise en charge effective, qui doit pouvoir démarrer ce lundi 28 mars. Si les personnes en transit suscitent plus de motivation pour être assistés, ceux mêmes qui ont des familles d’origine ne sont, pour autant pas aussi à l’aise. La vie des déplacées dans les familles d’accueil. « Il est évident que je suis chez moi ici à Bouaké, mais il faut savoir que j’ai vécu pendant 21 ans à Abidjan, plus précisément à Adjamé et à cause des tueries et barbaries j’ai dû venir dans la grande famille ici, avec six enfants dont aucun n’a 10 ans », a réagi Mlle TAPILLY Fatoumata qui a mis deux jours pour rallier Abidjan à Bouaké. Pour elle, le souci majeur, c’est le surnombre créé au domicile des grands parents. M. Koné Souleymane, notable de Touba domicilié au quartier Dar-es Salam, accueille en moyenne 24 à 38 personnes par jour, selon lui. Une visite a permis de savoir que son domicile est à la fois un site de transit et d’accueil définitif. La plupart des ressortissants de la région de Touba qui résident à Abidjan passent chez ce vieux Notable avant de penser à continuer leur route. Ce qui occasionne inévitablement un surpeuplement considérable du domicile qui fait 600 mètres carrées. « Au jour d’aujourd’hui, je ne sais plus combien de personnes descendent chez moi, j’en reçois en quantité et mon devoir, c’est de faire en sorte que la nourriture manque ne manque pas ». . Les conditions d’hébergement constituent donc un souci permanent au fil des jours. Le monde descendu chez le vieux Souleyman est composé d’élèves de travailleurs et de nombreux acteurs du secteur informel. Au quartier Ahougnassou des demoiselles rencontrées prétendent êtres venues directement du quartier Port Bouet 2. « Nous sommes quatre filles dans une chambre chez notre oncle, mais nous sommes en train de chercher à travailler dans un bar où dans un maquis, puisqu’il n’est pas facile pour notre oncle, qui n’est plus en activité, de nous nourrir», explique Mlle T. Aîha. Notons qu’à côté de toutes ces difficultés, comme si cela ne suffisait pas, les zones CNO sont de nouveau plongées dans l’obscurité.

MAIGA Idrissa (Correspondant)
Le Patriote

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