En Côte-d’Ivoire la réconciliation et la reconstruction s’annoncent difficiles

Par Gbansé Douadé Alexis | Connectionivoirienne.net*

Carnet de voyage – Premier acte

Je rentre de Côte-d’Ivoire, parti en reportage télé à Duékoué dans l’ouest profond du pays, dans les régions frontalières au Liberia. L’avantage de ce voyage mis à part, le matériel filmé ramené, est qu’il nous aura permis de traverser la Côte-d’Ivoire du sud-est à l’ouest sur près de 600 km. A l’aller nous atteignons la ville de Man par le tronçon Yamoussoukro, Bouaflé et Daloa. Sur le chemin retour nous empruntons l’axe fortement dégradé Issia, Gagnoa, Divo, Tiassalé et N’douci. Un trajet retour que nous déconseillons à tous les voyageurs qui peuvent se trouver d’autres alternatives.

Avant ce 3e voyage, j’avais déjà effectué en mai et juillet 2010 deux autres passages en Côte-d’Ivoire. En atterrissant à Abidjan ce 22 avril 2011 au petit matin après 2 heures d’escale à Lomé, j’avais donc une idée d’ensemble relativement ressente des réalités sur place. Ce dernier saut dans un pays « épuisé, déstructuré et désorganisé » par la crise postélectorale, née du farouche refus de Laurent Gbagbo d’accepter sa défaite électorale face à la coalition RHDP, fera chambouler mes souvenirs récents dans leur presque totalité.

Le délabrement avancé des infrastructures, les déchirures ethniques, l’insécurité chronique, les regards traumatisés, les nombreux meurtres, tueries, pillages et destructions de biens privés et publics rappellent aux voyageurs que ce pays est tombé bas, très bas dans la sottise humaine. Les soldats FRCI en tenues de toutes sortes (Pompier, civile, gendarme, policier, commando) et roulant souvent à vive allure à travers les artères de la ville d’Abidjan mais aussi des villes de l’intérieur, effraient, plus qu’ils ne rassurent les usagers que nous sommes.

Cynisme et violences ethno-politiques

Face à cette situation désespérée et désastreuse (les mots sont faibles), je suis surpris de la persistance des antagonismes, surtout Ouattara-Gbagbo à travers les discours de leurs partisans les uns aussi va-t-en-guerre que les autres. Moi, qui naïvement pensait que personne dans ces deux camps ne devraient être fiers du visage piteux que la Côte-d’Ivoire offre au monde entier actuellement. Aux accusations mutuelles d’exactions, de meurtres et de tueries de civiles non-miliciens, à la présence d’ «illettrés » en armes souvent à peine sortis de l’adolescence dans les rues, aux pillages et vols à mains armés, à l’interdiction de parution de fait imposée aux journaux pro-Gbagbo etc. les pro-Ouattara répondent que tout début de pouvoir est difficile et compliquée. Dans le même genre que Guéi Robert en 1999 et Laurent Gbagbo en l’an 2000. Deux antidémocrates, qui ne se faisaient pas prier pour faire leur, la même argumentation. La pratique du pouvoir montrera pourtant plusieurs mois ou années après leur arrivée au pouvoir, qu’il est difficile de se départir de ses premiers reflexes de style de gouvernement.

De même qu’il est frappant de voir le camp Ouattara justifier sa dictature de fait à travers les nombreuses restrictions « temporaires » des  libertés citoyennes et politiques  imposées aux populations ivoiriennes, il est tout aussi sidérant de constater le cynisme dont certains pro-Gbagbo osent encore faire preuve. Malgré la chute du chef et tout le mal que son jusqu’auboutisme à pu causer au corps social ivoirien, il se trouve des va-t-en-guerre, la plupart du temps embusqués, au chaud et difficilement identifiables, pour appeler à la « résistance ». Poussant ainsi, de nombreux innocents à l’abattoir. Pour une fois, à tous les partisans de Laurent Gbagbo qui rêveraient encore d’un miracle, je voudrais leur dire que l’ère Gbagbo est bel et bien terminée en Côte-d’Ivoire. En tout cas, pour au moins les cinq prochaines années. Les plus farouches supporters de M. Gbagbo que j’ai eu la chance de rencontrer dans le camp de refugiés de Duékoué sont désormais convaincus de la fin de règne de leur champion. Ces refugiés dans leur propre pays, souvent à seulement quelques kilomètres de leurs domiciles, entassés dans des conditions de vie moyenâgeuses vous le diront, avec des regards scintillants de douleurs, de colère ou de remords , mais des regards desquels jaillissent encore désespoir et peur : « Gbagbo est fini, Ouattara est au pouvoir mais nous on a peur de rentrer chez nous ». A la mission catholique de Duékoué et dans les autres camps de refugiés disséminés dans le pays, au Liberia et au Ghana voisins, ces déplacés et refugiés sont bien visibles, mais dans les forêts de l’ouest et d’autres contrées de ce pays, ils sont sûrement des dizaines, peut-être des centaines de milliers encore cachés dont nous sommes sans aucune nouvelle. Ni Ouattara, Ni Gbagbo, Ni l’ONUCI encore moins la Licorne ne semblent pour l’instant pouvoir les mettre en confiance. Tellement les déchirures sont immenses.

*Directeur de Publication de Connectionivoirienne.net

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