Carburant: LA DISTRIBUTION REVIENT SUREMENT À ABIDJAN

Esseulée à Yopougon, dernière commune d’Abidjan a être libérée du joug des affidés armés de l’ancien président Laurent Gbagbo, la station-service Pétro ivoire de Niangon atout l’air d’une miraculeuse. Ces quelques pompes debout au milieu du désert de station-service créé par les miliciens du Lmp dans leur rage dévastatrice, font d’elle une oasis. Et pourtant, lors de notre passage là-bas, le lundi dernier, aucune file d’attente d’automobilistes n’était visible. C’est que les milliers d’automobilistes de Yopougon, -en tout cas ceux qui ont pu sauver leur voiture de la furia des pillards- ont adopté de nouvelles habitudes. «J’ignore qu’il existe encore une station fonctionnelle à Yopougon. Dans tous les cas, je m’approvisionne ailleurs », affirme Ernest Konan, cadre de banque, résidant depuis plus de huit ans dans cette cité qu’il considérait, un peu, comme son village. Aujourd’hui, ce sentiment d’appartenir à ce gros village qui l’habitait est mitigé. «Quelques jours avant l’entrée des Forces républicaines (Frci) à Abidjan, j’ai du quitter précipitamment le quartier avec mes deux enfants et mon épouse. Si je suis parti, ce n’était pas pour fuir les Frci. Je ne fais pas de politique et je ne suis pas un activiste. A priori, je n’avais donc rien à redouter d’un changement de régime ou pas. Mais, nos voisins avec qui nous avons toujours vécu en bonne intelligence, et dont je préfère taire l’ethnie, ont commencé à tenir des propos peu rassurants. Le mieux pour nous, était de nous en aller discrètement, sans même attirer leur attention », explique-t-il. De retour seulement dimanche, sans son épouse et ses enfants, afin de reprendre son service, il continue de limité son champ de déplacement à Yopougon seulement au sous-quartier d’habitation. C’est pourquoi, il préfère s’approvisionner ailleurs. C’est-à-dire au Plateau, à Adjamé et même à Abobo. Pourtant, le réseau local de distribution de produits pétroliers a été bien conservé, pourrait-on dire. Lundi alors que nous y passions, la plupart des stations-service ont rouvert. A la vérité, dans ce quartier, ceux qui s’en sont pris à ces installations, l’ont fait sans intention de mettre le matériel hors d’usage. Ce sont les stocks de carburant qui étaient visés. C’est donc à ce niveau que le gros des dommages subis par les opérateurs du secteur se situe, pour ce qui nous a été donné de constater. Leur remise en service a été relativement facile ; en tout cas dès que les conditions de sécurité minimale ont été réunies. L’impact de cette nouvelle situation, a fortement contribué à décongestionner les autres stations-service devant lesquelles, on a pu observer de longues files d’attente les premiers jours.

Lors d’une conférence de presse, l’Association professionnelle des pétroliers de Côte d’Ivoire (Apci) déclarait, le 28 avril dernier, par son président, Coty Ibrahim Diakité, par ailleurs président directeur général de Pride Petroleum Sa, que les longues files d’attente devant les stations-service étaient essentiellement dues à : l’insuffisance de liquidité pour s’approvisionner en carburant auprès de la Sir, la fermeture des banques ; celle des stations décidée par certaines sociétés pétrolières afin d’éviter de courir le risque d’avoir sur elles d’énormes sommes d’argent sans pouvoir les déposer dans les banques ; la destruction d’un nombre important de stations-service, le pillage des stocks de produits pétroliers dans les stations, l’état d’insécurité qui empêchait les pétroliers d’approvisionner leur réseau. «Les choses devraient progressivement s’améliorer avec la réouverture des banques, et la remise en état des stations-services saccagées », avait-il espéré.

Aujourd’hui, les opérateurs du secteur confirment que tout risque de pénurie est écarté. La Société ivoirienne de raffinage (Sir), unique importateur de pétrole brut en Côte d’Ivoire et unique pourvoyeur de produit pétrolier blanc dans le pays, a retrouvé sa sérénité. Le jeudi 5 mai dernier, la Sir a conforté son stock avec l’arrivée d’un tanker en provenance du Nigeria, transportant un million de barils de brut. De source proche de la société de raffinage, c’est la première livraison d’une telle quantité, depuis quatre mois. Les sanctions imposées à plusieurs entités économiques transformées en caisse noire par l’ancien régime, dont la Sir, au plus fort de la crise postélectorale, la détérioration du climat de confiance entre la Côte d’Ivoire et les pays fournisseurs de pétrole brut, notamment le Nigeria, ainsi que la fermeture des banques ont entraîné une banqueroute cette société créé en 1962, à l’initiative du Président Houphouët-Boigny. Pour la première fois depuis 46 ans (début de ses activités en 1965), elle a fermé un grand nombre de ses unités de production. Entraînant dans sa baisse de régime, le pays au bord de la pénurie en produits pétroliers finis. Avec la prise de fonction effective du Président de la République élu, Alassane Ouattara et la nomination d’un nouveau président du conseil d’administration en la personne de Akossi Bendjo et de deux nouveaux administrateurs, un vent nouveau souffle sur cette entreprise leader dans son secteur dans la sous-région et peut-être même en Afrique noire.

Au total, le secteur pétrolier ivoirien présente le visage d’un domaine sinistré, qui continue de faire l’évaluation des dommages subis pendant la crise post-électorale, tout en veillant à tenir le rôle central qui est le sien dans la reconstruction du pays et la relance de l’économie, fortement dégradée.

David Ya
Fraternité Matin

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