Un mois après la chute de Gbagbo, Que deviennent les grands dossiers de l’ex-procureur Tchimou ?

Le Nouveau Réveil

Depuis son exil, l’ex-procureur rompt le silence « . Tel fut, récemment, la grande  » Une  » d’un confrère qui a eu le privilège d’interviewer par téléphone, l’ancien procureur de la république de Côte d’Ivoire, le très médiatique Tchimou Raymond Féhou. On retiendra essentiellement de cette interview que l’ex-procureur, selon ses propres mots, n’a pas fui le pays comme certaines mauvaises langues le laissaient penser et qu’il est prêt à se mettre à la disposition des nouvelles autorités politiques de son pays. On pourrait ajouter : par réalisme et par esprit républicain ! Mais comme on l’a souvent écrit, dans la plupart des pays au monde, le parquet est au service de l’exécutif et à ce titre, son chef est souvent amené à gérer des dossiers chauds qui ne sont toujours pas séparables des manipulations politiques de pouvoirs peu paranoïaques qui voient des complots partout. Ainsi, l’ex-procureur Tchimou a eu à gérer des dossiers chauds comme ceux des déchets toxiques, des cabinets de placement d’argent, l’affaire de la filière café-cacao, l’affaire Mambé Beugré, la mort du substitut du procureur Sioblo, et récemment, le dossier des journalistes de la presse privée proche du Rhdp. Si certaines de ces affaires ont débouché sur des procès aux résultats parfois surprenants, d’autres étaient en cours de jugement et d’autres encore n’ont connu aucune suite ou ne connaîtront certainement aucune suite.

Le scandale des
déchets toxiques
Cette affaire restera sans aucun doute comme le plus grand scandale de la jeune histoire de la Côte d’Ivoire et le témoignage, dans sa gestion, de la faillite la plus sombre de la justice ivoirienne, justifiant la célèbre pensée d’Honoré de Balzac :  » La justice est comme une toile d’araignée qui ne laisse passer que les grosses mouches « . Car les responsables nationaux et internationaux de la mort par empoisonnement de plusieurs Ivoiriens ont été soit exemptés de poursuites judicaires sur l’autel d’un arrangement  » financier-politico-criminel « , soit blanchis à la suite d’un procès en cour d’assises qui ne s’est honteusement assise que sur la condamnation de deux individus considérés comme complices d’un crime dont les auteurs principaux, proches du régime déchu, ont été exemptés de poursuites ou entendus à titre de témoins. Les nouvelles autorités et surtout les victimes et les parents des victimes de ce crime doivent rouvrir ce dossier et poursuivre tous ceux dont la proximité avec le régime déchu a été un obstacle à la manifestation de la vérité dans ce scandale.

Les cabinets de placement d’argent
Ce dossier demeure également un scandale qui a démontré aux yeux de toute la population ivoirienne, le peu d’intérêt que lui accordait l’ancien régime et le contrôle que les barons dudit régime exerçaient sur la justice ivoirienne. Des individus sans foi ni loi y compris des chefs religieux et autres affreux pasteurs ont monté, au nez et à la barbe des anciennes autorités, sinon avec leur complicité, une véritable arnaque qui leur a permis de ruiner des milliers d’Ivoiriens. Saisie par les victimes, la justice, notamment le parquet d’Abidjan, s’est livrée à une discrimination dans le traitement des escrocs selon qu’ils avaient des parrains dans la refondation et avaient escroqué le plus de personnes ou selon qu’ils n’avaient pas escroqué de fortes sommes d’argent. Si les premiers, dont certains ont même été accompagnés à l’aéroport par des policiers et des magistrats pour échapper à la rigueur de la loi, les seconds ont été traqués, arrêtés et condamnés à de fortes peines d’emprisonnement, sans que dans les deux cas, rien n’ait été fait pour dédommager les victimes. Ici également, les nouvelles autorités et les victimes devraient rouvrir le dossier pour qu’enfin justice soit faite. On se souvient d’ailleurs qu’en novembre dernier à la maison du Rhdp, le candidat Alassane Ouattara, recevant un groupe de victimes, a promis de s’occuper de ce dossier dès son élection. Affaire à suivre donc !

L’affaire de la filière café-cacao
Après plusieurs reports successifs, le procès de la filière café-cacao, un autre scandale économique qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, est toujours attendu. Des milliards de francs ont été volés aux producteurs de café cacao. Après plusieurs interpellations, l’ancien président a, en juin 2008, ordonné l’emprisonnement de la quasi-totalité des ex-dirigeants de cette filière, sans manquer au passage de les traiter de  » voleurs  » et de  » coupables « . Mais le parquet d’Abidjan qui prétendait disposer de preuves solides, mettra plus de deux ans et attendra la période électorale pour programmer le procès. La suite, on la connait. L’on sait aussi au jour d’aujourd’hui, sur la base de documents comptables authentiques récemment publiés par la presse, que la présidence de la république ivoirienne (ancien régime) et d’anciens barons dudit régime sont impliqués jusqu’au cou dans le vol de l’argent des paysans. En octobre dernier, le candidat Alassane Ouattara qui avait reçu certains de ces documents comptables en mains propres, avait, au cours d’une rencontre avec le monde judiciaire à son QG de campagne, promis de faire reprendre les enquêtes sur ce scandale afin que les vrais auteurs de ces vols massifs répondent de leurs actes devant la justice. Il faudra suivre aussi cette promesse.

L’affaire Beugré Mambé
Dossier éminemment politique s’il en est, l’affaire Mambé a été le prélude de la théorie de confiscation du pouvoir d’Etat par l’ancien président qui voyait en cet homme, Beugré Mambé, ancien président de la Cei, un obstacle énervant à la réalisation de son plan. Par l’intermédiaire de feu l’ancien ministre de l’Intérieur Désiré Tagro, l’ancien président va saisir le procureur de la république aux fins d’enquêter sur les présomptions de fraudes sur la liste électorale provisoire. Le procureur Tchimou, au mépris des dispositions légales sur l’immunité dont jouissent le président de la Cei et quelques-uns de ses collaborateurs, va traquer ces derniers à coups de conférences de presse. A tel point que certains seront obligés, pour ne pas être arrêtés au mépris de la loi, d’entrer dans la clandestinité. D’autres n’auront pas cette chance et seront jetés en prison après des procès éclairs. Après quelques investigations expéditives, le substitut du procureur, Diakité Mamadou, rendra son verdict :  » Mambé est coupable et ne jouit d’aucune immunité « . Et Laurent Gbagbo interviendra pour dissoudre la Cei afin de chasser Mambé. Par la suite, des caciques de Lmp dont Blé Goudé exigeront la traduction de Mambé devant les tribunaux pour fraude et trahison. Ce dossier politique pend toujours devant la justice ivoirienne. Mais on imagine qu’elle est déjà classée d’office avec le changement de régime !

La mort du substitut Sioblo Tia Serge
Dossier sensible s’il en est. Dans la nuit du mercredi 6 mai 2009 à Yopougon, le substitut du procureur Sioblo Tia Serges est abattu dans son véhicule par des inconnus. Quelques jours plus tard, la police arrête deux tondus et trois pellés à Yopougon-Lokoa et les présente comme les tueurs du jeune substitut. Juste un crime crapuleux ! Ils sont incarcérés à la Maca en attendant leur jugement. L’affaire semble résolue. Sauf que quelques semaines plus tard, un ami de ce dernier qui vit dans la clandestinité dépose une lettre à la rédaction de  » Le Nouveau Réveil « . Lettre dans laquelle il révèle que le procureur a été assassiné parce qu’il travaillait sur un dossier de détournement de fortes sommes d’argent dans une banque publique de Côte d’Ivoire. Approché, le procureur Tchimou promet de réagir… cette réaction ne viendra pas. Les petits bandits arrêtés ne seront jamais jugés. Au jour d’aujourd’hui, ils sont dans la nature puisque la Maca a été cassée et vidée de ses occupants. Saura-t-on un jour la vérité sur la mort du substitut Sioblo ? La réponse appartient aux nouvelles autorités judiciaires…

L’affaire de la presse
privée proche du Rhdp
 » Impact de la presse d’opposition sur la crise post-électorale en Côte d’Ivoire « , tel est le titre du volumineux document concocté par Ouattara Gnonzié (celui-là même qui considérait les journaux proches du Rhdp comme des associations terroristes) et remis au procureur Tchimou afin de servir de base à la traque des journalistes de la presse privée proche du Rhdp. En effet, dans sa volonté de confisquer le pouvoir, le régime Gbagbo avait décidé de fermer tous les journaux qui refusaient de cautionner sa forfaiture. Ainsi, à partir du 18 février 2011, de nombreux journalistes seront convoqués et entendus pendant des heures à la police criminelle. Il leur est demandé de s’expliquer sur les raisons pour lesquelles ils ne reconnaissent pas Laurent Gbagbo comme le vainqueur de l’élection présidentielle. Les auditions devant déboucher sur des procès dont les résultats prévisibles n’auraient été que la fermeture pure et simple de ces journaux afin de célébrer la pensée unique. Avec le changement de régime, on ne sait plus quel sera le sort de ce dossier cher à Lmp. Comme on le voit, les dossiers gérés par le procureur Tchimou et qui, en raison parfois de leur forte charge politique, n’ont pas connu un dénouement, sont nombreux. Le principe de la continuité du service public sera-t-il appliqué par les nouvelles autorités ?
ASSALE TIEMOKO

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