Economie – Les Fondamentaux de la prospérité ivoirienne par Aurélien Véron*

Aurélien Véron*, 27 mai 2011

Après 5 mois d’une guerre civile sanglante dont on compte encore les victimes, la Côte d’Ivoire semble enfin émerger de ses maux postélectoraux avec les premiers signes fragiles d’une reprise économique. Les exportations ont repris début mai, cacao en tête, avec le chargement le 8 du premier navire depuis le début des hostilités fin novembre. Les regards, jusqu’à maintenant concentrés sur les événements des derniers mois et la recherche des coupables, se portent à nouveau vers l’avenir et la question de la marche à suivre pour éviter de reproduire le cycle de violence qui semble animer le pays depuis une décennie. Mais, déclarer l’avènement d’une ère nouvelle et vouloir se laver des crimes d’hier n’est pas la réponse saine, et surtout durable, face à un pareil traumatisme. C’est en s’appuyant sur les expériences passées, les erreurs commises et admises, que la Côte d’Ivoire pourra reconstruire un socle viable de croissance socio-économique fondu dans le respect des droits individuels, des principes démocratiques et des fondements d’une économie de marché performante.

Les institutions ivoiriennes jouent-elles leur rôle ?

Il s’agit donc d’abord de s’assurer que les institutions remplissent leur rôle. L’indice « Doing Business » classe la Côte d’Ivoire au 169eme rang sur 183 pays, et au 126ème rang en ce qui concerne sa capacité à garantir la nature contraignante d’un contrat. Un recours en justice en cas de rupture de contrat nécessite en moyenne 770 jours, soit plus de 2 ans, ce qui est au-delà de la moyenne régionale de l’Afrique sub-saharienne (639 jours), sans parler de l’OCDE (518 jours). Le coût d’une telle procédure (40% du montant total concerné contre 20% pour l’OCDE) est également dissuasif. Le pays est également mal classé en ce qui concerne la protection des investisseurs (154ème rang), les procédures de création d’entreprises (172ème), les procédures d’enregistrement de propriétés foncières (151ème)… Le recours judiciaire est au pire inexistant, au mieux inefficace.

Redynamiser le cadre institutionnel de l’entreprise privée

Pour raviver le « Capital Mort », c’est-à-dire la capacité d’initiative et la liberté d’entreprendre, il est de la responsabilité de l’Etat, et en particulier du pouvoir judiciaire, de garantir un environnement propice à l’épanouissement des aspirations et des efforts de chacun. Comment peut-on parler de croissance ou de prospérité si les institutions nationales ne permettent pas aux individus de protéger les fruits de leur travail ? Comment peut-on parler de société ou de nation si chacun doit lutter contre ses propres concitoyens pour protéger sa propriété en l’absence d’autorité judiciaire ? Il n’y a contrat social, et donc stabilité, que si chacun a droit à la contrepartie de son obéissance à l’Etat, soit la possibilité du recours en justice si ses droits sont floués.

Potentialiser les qualités attractives de la Côte d’ivoire

C’est également l’occasion de se rappeler que la Côte d’Ivoire, en tant que nation souveraine, est encore très jeune, un peu plus de 50 ans, et qu’elle était encore considérée comme l’un des plus brillants succès économiques de l’Afrique subsaharienne il y a moins d’une génération. Le pays reste aujourd’hui, malgré son contexte politique et social houleux, une puissance exportatrice dans la région. De plus, comparé au reste de l’Afrique Occidentale, son réseau de communication et d’infrastructure est solide et sa position géographique est très avantageuse ce qui en fait une plateforme toute désignée pour les compagnies désireuses d’accéder à l’Afrique occidentale ou subsaharienne. Une réforme des institutions, une plus grande transparence des agences gouvernementales, en particulier sur des questions budgétaires, ainsi qu’une fiscalité attractive et réaliste, aussi bien pour les investisseurs étrangers que pour les locaux, devraient permettre à une Côte d’Ivoire politiquement stable de redevenir la destination favorite des flux européens dans cette région du monde.

Limiter l’interventionnisme de l’Etat

Economiquement, le pays souffre d’un interventionnisme outrancier de l’Etat. Le fait est que l’acteur privé est souvent plus malin avec son argent que l’acteur public ne l’est avec celui des contribuables. L’Histoire, en particulier africaine, regorge d’exemple d’échec de politiques interventionnistes et les conséquences en sont généralement coûteuses, aussi bien financièrement que politiquement et humainement. S’il ne peut forcer l’industrie à se moderniser, l’Etat peut néanmoins faciliter ses transitions en garantissant un environnement favorable à l’investissement et l’initiative privée à travers un meilleur accès au financement (renforcement du secteur financier), une fiscalité avantageuse, simple et allégée (tant pour les entreprises que sur les revenus du travail) et un encadrement juridique fiable (efficacité, durée et coûts des procédures réduits, code du travail clair), le tout accompagné d’une lutte crédible contre la corruption qui gangrène la confiance nécessaire des acteurs aux acteurs de la croissance.

Redonner au pays son brio perdu

Aujourd’hui, beaucoup semblent avoir oublié que la réputation de la Côte d’Ivoire comme pays de non droit où violence et instabilité semblent intrinsèques est plutôt récente. Il fut un temps où l’on parlait, peut-être un peu vite en effet, du miracle ivoirien. Plus récemment, le pays était en tête des exportations de cacao mondiales et quatrième puissance exportatrice de l’Afrique subsaharienne. Pour pouvoir répéter la performance, le gouvernement de Côte d’Ivoire va devoir gagner la confiance non seulement de la communauté internationale mais également de sa propre population. Au sortir de l’un des épisodes les plus sanglants, non seulement du pays mais également de la région, c’est l’occasion ou jamais de réécrire l’Histoire.

Aurélien Véron est président du parti libéral démocrate et est impliqué, depuis 2003, dans l’activisme libéral avec la direction d’un réseau local des Cercles Libéraux d’Alain Madelin. Il préside également Liberté Chérie, une association libérale française très dynamique et militante.

Article publié en collaboration avec Audace Institut Afrique : http://www.audace-afrique.net

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