Alassane Ouattra – des P.A.S à la Pacification de la Côte-d’Ivoire

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LIBRE OPINION par Tapé Groubera – Président du Mouvement pour la Renaissance de l’Afrique (Moraf)

Depuis le coup d’Etat militaro-civil, orchestré par l’impérialisme international (pardon la « Communauté Internationale ») et exécuté par Nicolas SARKOZY, le 11 avril 2011, M. Ouattara s’est investi chef d’Etat de la Côte d’Ivoire. Notre propos ici n’est pas relater le déroulement de cette « accession ». Car la documentation et les images sur cette imposture existent tant sur Internet que dans les librairies. Ce qui nous intéresse ce sont les raisons et les motivations, et surtout la compréhension de la mission qui a été assignée à M. Ouattara. La première partie fera l’historique bref des PAS, tout en évoquant les conséquences dramatiques de ces PAS sur l’Afrique, en général. La seconde partie traitera de la démarche de putschiste de M. Ouattara. Enfin, nous terminerons par la vision sombre du président certifié par l’ONU et reconnu par la « Communauté Internationale », lorsqu’il parle de « pacifier le pays ».

1.Bref historique des P.A.S et leurs conséquences sur l’Afrique

Dans l’émission télé du jeudi 1er octobre 1992, à la RTI (Radio Télévision Ivoirienne), après avoir présenté son « plan de sauvetage économique », M. Ouattara disait et je le cite : « Je mets quiconque au défi de produire un programme aussi cohérent que le mien». Le plan, « son plan » dont il s’agissait était, en réalité, un plan d’ajustement structurel (ou PAS). D’où viennent les PAS ? Quels sont leurs conséquences ? Quel est le rôle de M. Ouattara ?

a)Comment et pourquoi les PAS ?

En juillet 1944, après la seconde guerre mondiale, à l’hôtel de Mount Washington à Brettons Wood, dans le New Hampshire, se tient une conférence à la suite de laquelle naîtront trois organisations : la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (connue sous le nom de Banque mondiale), le Fonds monétaire international (FMI) et l’organisation mondiale du commerce. Ces organisations seront regroupées sous le vocable d’Institutions de Brettons Wood. Il est à noter que pour les deux premières institutions,
« (…) leur mandat à l’origine concernait les problèmes de reconstruction de l’après-guerre » . La reconstruction des pays occidentaux.
C’est ainsi que le 5 juin 1947, le Secrétaire d’Etat américain Georges Marshall, va exposer à l’université d’Harvard son plan d’aide. Il (son plan) concernera seulement quatorze pays européens. Ainsi,
« l’Amérique financerait à hauteur de 20 milliards de dollars (soit 100 milliards de dollars actuels) un plan de sauvetage destiné à l’Europe en ruine » .
Il y aura un afflux de dollars. On parlera d’eurodollars. Cette aide, à taux d’intérêt quasiment nul, va connaître un succès :
« (…) L’aide Marshall a apporté la stabilité politique, restauré une infrastructure détruite, redonné un avenir à des peuples vaincus, à des nations en banqueroute » .
En 1973, un autre afflux des dollars -cette fois issu de la première crise pétrolière – va pousser les banques occidentales à se tourner vers le Sud, et singulièrement l’Afrique. Le taux d’intérêt pour les différents prêts (ou aide par abus) seront nuls voire négatifs.
Mais, en 1979, les Etats-Unis décident de manière unilatérale d’augmenter de manière unilatérale les taux d’intérêts.
« Cette décision unilatérale des Etats-Unis va plonger les pays du Tiers Monde dans une spirale infernale : les taux faibles (voire négatifs) explosent soudainement. (…) Du coup, le Tiers Monde voit sa dette gonfler mécaniquement et doit emprunter pour rembourser» .
La conséquence, le 12 août 1982, le Mexique annonce qu’il ne pourra plus honorer son engagement de rembourser la dette dans sa nouvelle version. Dix pays d’Afrique dont la Côte d’Ivoire se trouveront dans cette même situation. C’est la crise de la dette de 1982.
Regardons ensemble le tableau ci-dessous pour voir l’évolution de la dette extérieure de l’Afrique Subsaharienne, de 1970 à 1999, selon la Banque mondiale. Elle est exprimée en milliards de dollars.

1970 1980 1986 1991 1993 1999
7 60,8 140 196 200,4 231

On remarque qu’en dix ans (1970 – 1980), la dette de l’Afrique subsaharienne a été multipliée par neuf (9). En 2000, cette dette s’élevait à 376 milliards de dollars.
Face à telle situation illégitime, l’équité voudrait qu’on revienne à la situation de départ. C’est une question de justice, de sagesse et d’honnêteté. Bien au contraire,
« C’est alors qu’entrent en jeu le FMI et ses plans d’ajustement structurels» .
Et, à travers ces PAS, « le FMI et la Banque mondiale interviennent directement dans la politique économique du pays qui emprunte pour s’assurer que le Nord soit bien remboursé. Les recettes d’ajustement sont exclusivement macroéconomiques et visent, d’une part, la réduction des déficits et, d’autre part, la récolte de devises fortes pour le paiement de la dette (la dette extérieure du Tiers Monde est libellée en devises fortes et essentiellement en dollar) : les privatisations massives, la suppressions des subsides importantes et aux services de première nécessité, l’établissement d’une TVA unique élevée et l’ouverture aux capitaux internationaux visant la réduction des déficits des Etats ; le remplacement des cultures vivrières par des monocultures d’exportation et la dévaluation des monnaies visent la croissance des revenus d’exportation et la récolte de devises fortes» .

b) Ouattara, commis des PAS dans le Tiers Monde et particulièrement en Afrique

M. Ouattara qui était vice-gouverneur de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), retourne en novembre 1984 au FMI pour y occuper les fonctions de directeur du département Afrique. Il va rester à ce poste jusqu’ en octobre 1988. Or c’est en 1984 que les PAS sont mis en exécution en Afrique.
« le premier plan d’ajustement proprement dit appliqué en Afrique est lancé au Sénégal en 1984 ».

La pauvreté en Afrique va croitre au même rythme que l’endettement. Les PAS censés développer les pays africains, vont au contraire accentuer les difficultés de ces derniers et creuser les inégalités sociales.
Mais, en 1989, à cause des aspirations démocratiques populaires des Africains et la chute du Mur de Berlin, le FMI et la Banque mondiale seront amenés à changer de stratégie : Placer leurs « bons commis » dans les primatures d’abord, puis à la présidence de chaque pays africain. Cette mesure permettra de s’assurer que les P.A.S continueront d’être appliqués en vue de rembourser par tous les moyens les dettes odieuses. Ce qui va bien évidemment amener M. Ouattara à devenir le premier Premier Ministre du Président Houphouët Boigny, tout en tripatouillant la première constitution ivoirienne : celle de la première république.

2.Ouattara et les coups d’Etats

M. Ouattara, à l’instar de ses mandants, n’aime pas respecter les lois. Surtout lorsque ces lois sont issues des pays dit du « Tiers Monde ». Ainsi, Ouattara refusera de reconnaître les lois ivoiriennes. En effet, le 7 décembre 1993, le président Houphouët décède. M. Ouattara, au mépris de la constitution en place, veut, coût que coûte, rester premier ministre et continuer sa mission. Ce que le président Bédié ne lui permet. Il s’ensuit une bataille « d’héritiers » qui tourne à l’avantage du dernier cité. Mais ceux qui ont mandaté M. Ouattara ne vont pas, pour autant baisser les bras. C’est ainsi qu’ils lui donnent les moyens de faire le coup d’Etat militaire de décembre 1999. Le général GUEI, utilisé pour « balayer la maison » en vue de permettre l’installation de M. Ouattara, se montre gourmand. Ayant pris goût au pouvoir, il décide de ne plus partir. GUEI organise, alors, les élections en octobre 2000 qu’il perd devant le candidat Laurent GBAGBO « dit le boulanger ». Personne parmi les mandants de M. Ouattara ne s’attendait à ce scénario. L’effet de surprise passé, M. Ouattara va par tous les moyens salir le nouveau régime et le pays. Pire, il va chercher à le déstabiliser. Ainsi, bénéficiant d’énormes moyens de la part de ses parrains, il va déclencher le 19 septembre 2002, le deuxième coup d’Etat qui va se muer en rébellion arméE. Ses parrains vont s’activer pour saboter tous les accords qui étaient susceptibles de ramener la paix en Côte d’Ivoire : Accords de Lomé et de Pretoria. Par contre, ils vont exiger l’application d’un accord conflictuel : celui de Marcoussis.
La résistance du Peuple Ivoirien est héroïque avec un leader, en la personne du président Laurent GBAGBO. Ce dernier conclut, en mars 2007, l’accord politique de Ouagadougou (APO). Pendant que le président GBAGBO croyait naïvement à cet accord, Ouattara et ses rebelles, soutenus par leurs parrains avaient d’autres projets funestes. Lisons à cet effet cet extrait du journal français « Le Canard enchaîné »
« Selon des témoignages et des documents obtenus par ‘ Le Canard’, des proches de Ouattara ont monnayé, en 2009 et en 2010, d’importantes quantités d’or extraites des mines du Nord. Plusieurs tonnes ont été acheminées au Ghana voisin sous couvert de l’ONU. Puis, envoyées, par petites quantités, à Anvers (Belgique) pour y être transformées. A l’état de poudre, cet or a été négocié à plus de 15 000 euros le kilo » .
Les conditions d’un coup d’Etat étant réunies, il fallait trouver un prétexte pour le mettre en exécution. Le second tour des élections tombera à point nommé. Une crise post-électorale créée de toute pièce par l’ONU, la France et les Etats-Unis s’ensuivra pendant quatre mois.
La rébellion de M. Ouattara- qu’il baptisera plus tard Force Républicaine de Côte d’Ivoire (FRCI) -, appuyée des troupes françaises et de l’ONU, va le 11 avril 2011 perpétrer un des coups d’Etat les plus sanglants de l’histoire de l’Afrique.

Rappelons que « les FRCI, ont été créées par Alassane Ouattara le 8 mars 2011 » .

3. La « pacification », un terme douloureux pour les Ivoiriens

Le terme « pacification » évoque pour les Ivoiriens des souvenirs douloureux. Car ce concept n’est employé que par des gouverneurs français dont le rôle était d’exterminer, de massacrer les Ivoiriens voire des résistants. Le premier qui l’a employé est le gouverneur français Angoulvant pendant l’occupation de l’Afrique, trompeusement appelée période coloniale. Face à la détermination des Ivoiriens de ne pas accepter cette occupation, singulièrement le Peuple Baoulé , Angoulvant parle, en 1908 à son arrivée de pacification de la Côte d’Ivoire. « (…) l’arrivée du gouverneur Angoulvant détermine une nouvelle vague d’agression coloniale (…). Elle aboutit, avec l’utilisation d’importants renforts militaires, à l’écrasement de l’insurrection baoulé (1910-1911) » .

Comme nous l’avons dit, cette période et cette expression n’ont pas laissées de bons souvenirs aux Ivoiriens. Et, ce n’est pas le président Houphouët, à l’époque président du RDA qui dira le contraire. En effet, à la suite des événements douloureux dont un autre gouverneur français (Pechoux) s’est tristement illustré, le président Houphouët devant la commission d’enquête parlementaire , conclut en ces termes :
« Dans un pays comme le nôtre, où la pacification a été très dure, (..). On continue à faire des expéditions punitives dans les villages» .
C’est ce terme qu’au 21ème siècle, M. Ouattara utilise dans une simple crise post-électorale :
« Le 13 avril 2011, le président Ouattara a indiqué qu’il se donnait ‘un à deux mois’ pour obtenir la ‘pacification totale’ du pays »
Mais ne soyons pas naïfs. Car, lorsque M. Ouattara, parle de « pacification », c’est en connaissance de cause. Il sait qu’il a déjà donné des instructions dans ce sens à sa structure militaire, le FRCI, comme l’avait fait auparavant Angoulvant, d’exterminer les Ivoiriens. Pour le bonheur de ses mandants, Ouattara peut tuer et massacrer des populations civiles. Pour illustrer nos propos, lisons ensemble cet extrait du rapport d’Amnesty International :
« Ainsi, le village de Diahouin (à environ 20 km de Duékoué) qui, avant l’offensive des FRCI, était peuplé de 2 675 habitants n’en comptait plus que 263 au moment du passage de la délégation d’Amnesty International, le 10 avril 2011 » .

4.Conclusion

M. Ouattara, comme nous l’avons démontré est un préfet – pour emprunter l’expression à madame DAGRI Diabaté- à la solde de l’impérialisme. C’est un vrai autocrate qui comme l’a révélé Jeune Afrique N° 2632 du 19 au 25 juin 2011, page 31: « Alassane Ouattara concentre désormais la plupart des pouvoirs entre ses mains. (…) Depuis qu’il a été investi à la tête de Etat, les contradicteurs se font rares ».

Tapé GROUBERA,
Président du Mouvement pour la Renaissance de l’Afrique (Moraf)
Email : m.moraf@yahoo.fr

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