Côte d’Ivoire – Il était une fin…le Front Populaire ivoirien

« Ce que je veux savoir avant tout, ce n’est pas si vous avez échoué, mais si vous avez su accepter votre échec ». LINCOLN Abraham

Le relativisme qui caractérise nos sociétés modernes affirme que « toute croyance est fragile et que toute interprétation du monde est bonne à être ‘déconstruite’ ». Dès lors, il induit la multiplication des rapports de forces et des batailles : aucun repère n’est davantage valable qu’un autre, aucun objectif clair ne se dégage, les mots eux-mêmes perdent de leur substance. En Cote d’Ivoire les mots deviennent de plus en plus vides de sens. L’opposition politique cherche à se réorganiser sur les restes du pouvoir déchu de la Refondation. Les positions tranchées entre les Refondateurs, resté fidèles aux idéaux de la refondation, et les Refondus, qui se sont laissés enivrés par l’argent et le pouvoir suscite chez l’observateur un certains nombres de réflexions qu’il convient d’exposer. Le but de la démarche n’est pas tant de prendre position pour un camp contre l’autre mais plutôt de faire en sorte que les opinions laissent place aux arguments. Le but final de tous étant le même : donner au pouvoir en place une opposition crédible et digne d’elle.
Il existe un certain déficit doctrinal autour de la question de l’opposition, assez rarement abordée en tant que telle, sans doute parce que le phénomène de l’opposition est difficile à saisir en Afrique notamment. C’est une réalité insaisissable, opportuniste, quelque part entre droit et politique, entre le jeu des institutions et celui des rapports des forces. À première vue, il pourrait pourtant sembler facile de trouver le caractère distinctif de l’opposition : l’opposition, c’est la minorité qui, ne participant pas au pouvoir, entend en contester l’exercice.
En Côte d’ivoire la notion semble aujourd’hui illusoire pour un FPI qui n’a jamais voulu envisager l’hypothèse d’une défaite électorale et ce même après la décision du panel de l’Union Afrique pourtant réclamé par Gbagbo lui-même.

Comment définir alors l’opposition ivoirienne nouvelle ? Quelles sont ses caractères ?

La réponse du point de vue structurelle est simple : elle sera soit réformée et crédible soit elle sera nostalgique et moribonde. Tout sera fonction de la ligne politique adoptée.
Politique compassionnelle ou politique rationnelle ?
Winston CHURCHILL disait que « mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge ». Il nous paraît important de réaffirmer ici, à une époque où l’on assiste à un scepticisme croissant du public à l’égard du politique, à une perte des repères intellectuels , le principe fondamental de la démocratie selon la philosophie des Lumières – et selon la tradition libérale qui en est issue – qui affirme que chacun est habilité à disposer d’un contrôle ultime sur les décisions qui le concernent, directement et indirectement. En fait chacun doit être libre de faire le meilleur choix pour lui-même, le plus en phase avec ses convictions.
L’axe central de la réflexion sera alors de ne subordonner la renaissance de l’opposition ivoirienne à aucun préalable émotionnel et surtout pas à la recherche d’une uniformisation des positions. Prôner l’uniformisation des idées est la meilleure voie vers la division. Ça été là la plus grande erreur du FPI après le 11 Avril et le point d’encrage de la création de Liberté et Démocratie pour la République.

Après le 11 Avril 2011, l’arrestation de Laurent Gbagbo et sa déportation dans le nord de la Côte d’Ivoire, le FPI s’est retrouver « couché à même le sol, gisant inerte dans les ruines encore chaudes de la démocratie qu’elle a instauré en Côte d’Ivoire». Dans l’émoi et la consternation qui se comprend sur le moment le FPI s’était alors terré dans la clandestinité, dans la peur. En période de bouleversement organisationnel, la frontière entre le passé et l’avenir du parti apparaît plus ténue que jamais d’autant plus que le FPI faisait également face à une désaffectation et un cynisme croissants. Il aura fallu alors le retour d’un homme, Mamadou Koulibaly, pour que le parti de la Refondation reprenne quelque peu des couleurs.
Mais c’était sans compter sur l’entêtement et les rancœurs qui minaient encore le parti. »No Gbagbo, no peace », voilà ce qui semblait dès lors être la ligne politique du FPI. Mais cette façon réductrice de voir la réalité est vraisemblablement vouée à l’échec.
L’interrogation, que l’on retrouve à la base de toutes les controverses théoriques et méthodologiques, et qui constitue en quelque sorte un passage obligé pour les analystes de la politique ivoirienne est la question de la libération de Laurent Gbagbo.

La libération de Gbagbo était-elle vraiment La priorité? NON parce que le FPI n’est pas, en ce moment, en position d’exiger quoique ce soit, notamment la libération de Gbagbo. De quels moyens disposent le FPI pour pouvoir exiger cette libération? Sur quoi compte t-il ? Le rapport de force a changé. Exiger la libération de Gbagbo comme étant une priorité, un préalable à la suite de l’action politique du FPI est absolument contre productif, tout simplement parce que Ouattara ne le fera pas. Et que fait-on après ? La logique voudrait dans cette hypothèse qu’on s’asseye, qu’on croise les bras, qu’on boude le fonctionnement de l’Etat, qu’on se mette en marge de la construction de la Côte d’Ivoire, tant que Gbagbo ne sera pas libre. C’est l’une des meilleures voies vers la disparition du parti. Ce scénario arrange plus Ouattara que le FPI ou Gbagbo lui même. Mais cela ne veut pas dire que la question de la libération de Gbagbo n’est pas importante, elle l’est pour le processus de réconciliation.
Le moment serait venu où cette question l’aurait été. La précipitation et l’émotion ne sont pas l’apanage d’une stratégie politique durable et viable. Malheureusement le FPI malgré les efforts de Koulibaly, n’a pas voulu s’engager dans la voie du changement signant du coup son propre arrêt de mort, allant même jusqu’à refuser l’idée d’un congrès sans Laurent Gbagbo!
Oui le FPI risque fort de mourir parce qu’il n’a plus aucune substance, plus aucun projet que celui de rester assis et attendre le retour prophétique de Gbagbo. Aussi invraisemblable que cela puisse paraitre le parti de la refondation se limite à cela aujourd’hui, naviguant à vue, sans aucune vision. Le 2 mai 2010, à la clôture de la fête de la liberté organisée par le FPI, Laurent Gbagbo n’avait-il pas lui même affirmé que la vision en politique ne servait à rien, car la politique, dans sa compréhension des choses « c’est mettre le pied droit devant le pied gauche, puis le pied gauche devant le pied droit et ainsi de suite » ?
Heureusement les idées de liberté et de démocratie sont maintenant sauvegarder avec la création de Liberté et Démocratie pour la République par celui qui était d’après Miaka Ouretto « la pièce maitresse du FPI ». Comme Margaret MEAD le dit si bien « ne doutez jamais du fait qu’un petit nombre de gens réfléchis et engagés peuvent changer le monde. En réalité, c’est toujours ce qui s’est passé ».

L’opposition ivoirienne se retrouve désormais avec une nouvelle vision, pragmatique, loin des rêveries des résistants virtuels et des patriotes déchus, qui après avoir mis le feu aux poudres ont vite fait d’aller se refugier hors de la Côte d’Ivoire. La conviction de LIDER repose sur un socle constitué d’un état de droit, d’un bon cadre institutionnel nécessaire à l’exercice de la liberté dans une Nation en construction, qui aspire à conquérir une souveraineté totale lui permettant d’interagir d’égal à égal avec ses partenaires.
Le grand défi de LIDER sera donc d’apporter le changement, un changement des objectifs politiques, un changement des instruments qui permettent de concrétiser et de mettre en mouvement l’action de développement et un changement des cadres institutionnels qui structurent l’action de l’Etat. Les ivoiriens qui aspirent à autre chose, qui veulent oser une nouvelle voie doivent s’y engager avec détermination, courage et humilité. La détermination fait référence à la présence d’une vision claire et articulée des changements à mettre en œuvre, le courage au fait d’aller de l’avant malgré les intérêts qui sont remis en cause et l’humilité renvoie à une conception du rôle du politique comme étant celui qui doit être au service de ceux dont il a la responsabilité. Faire évoluer ensemble des ivoiriens de toutes origines, aux valeurs diversifiées et démontrant une vision différente de l’union. Les nouvelles générations aspirent à la liberté et au bonheur dans le contexte actuel d’incertitude. D’une approche basée davantage sur le compassionnel il faut aller vers une approche plus rationnelle de l’autorité. Cette caractéristique manque fortement aux nouveaux tenants du FPI de pouvoirs qui s’enferment dans des discours vides de sens même si les mots sont élégants, l’érosion de leur combat se drape dans l’utilisation de visions à courte vue sans prendre conscience des dangers que cette attitude génère sur l’existence même du parti.

« La défaite peut se révéler une délicieuse attente quand on sait comment préparer sa revanche», Cincinnatus.
Jeudi 14 Juillet 2011 Par Mohamed Radwan, juriste, analyste politique et blogueur.
mohamedlsylla@gmail.com

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