Dossier – Témoignages exclusifs et Reportage inedit – Les intérêts en jeu, les deals conclus, les différents acteurs, les ambitions d’IB, etc.

Présidentielle 2010 en Côte d’Ivoire / De retour de Paris , Charles Kouassi fait des révélations sur les tractations autour du scrutin (Parties I, II et III) :

Les intérêts en jeu, les deals conclus, les différents acteurs, les ambitions d’IB, etc.

Charles Kouassi à Paris, a écouté du monde et entendu des choses. Témoignage et reportage. Inédit et exclusif.

Retour à Paris. Mon dernier séjour à Paris remonte à Août 2010, à deux mois de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Impossible de ne pas se souvenir des discussions autour de cette fameuse présidentielle ivoirienne qui était enfin prévue le 31 Octobre 2010. Elle avait tellement été reportée et ajournée depuis Octobre 2005, que peu de personnes, y croyaient encore ! Certains réseaux parisiens avaient réussi à ébranler mes certitudes sur le respect de la dernière date. En dehors des problèmes techniques et organisationnels sur le terrain, ces réseaux et contacts parisiens assuraient que l’élection présidentielle n’aurait pas lieu, à la date du 31 Octobre 2010. Plus tard, j’apprendrais qu’IB n’était pas étranger à cette connexion. Les données s’expliquaient de la façon suivante : Gbagbo et Soro étaient en deal et allaient vers un simulacre d’élections. Selon cette hypothèse, les choses se passeraient forcément mal, à l’issue du scrutin. Il fallait donc agir avant, par les armes si nécessaire, pour prévenir le désastre qui s’annonçait. Malgré la quasi-certitude des tenants de ce point de vue, qui ne manqueraient pas de rappeler durant la crise postélectorale, qu’ils avaient vu juste en doutant de la pertinence de la tenue des élections, le projet a été abandonné. Paris voulait des élections, et ne souhaitait pas encourager une nouvelle aventure armée et militaire, d’autant plus qu’IB ne paraissait pas suffisamment fiable, et crédible à ses yeux. En dehors de lui, aucun autre militaire ne pointait du nez.

Le commando invisible était déjà là

Cependant, le projet anti-élection fut si avancé dans ses préparatifs qu’il permit une mobilité réelle à IB, qui a pu aller et venir à Abidjan, de façon clandestine avant même le premier tour, la crise postélectorale et le commando invisible. IB était prêt à agir, pour empêcher la tenue du premier tour du scrutin. Un second 18 Septembre 2002, pour enfin convaincre tout le monde qu’il était le seul et vrai père de la rébellion. Il s’agissait pour Ibrahim Coulibaly et les siens, de faire obstacle à ce qu’ils considéraient comme une mascarade de Laurent Gbagbo pour conserver le pouvoir. Pas insensibles tout à fait à cet argument, certains acteurs du camp Ouattara, et des militaires FN pro-Ouattara mettaient cependant en avant, d’une part, le fait que le désarmement n’était pas total, et qu’en cas de hold-up- de Laurent Gbagbo, il lui serait difficile de récupérer le reste du pays. Selon eux, il est clair que Laurent Gbagbo ne pourrait se baser sur de faux résultats, ou sur des résultats contestés pour réunifier la Côte d’Ivoire. Lors de la crise postélectorale, tandis que les pro-Gbagbo regrettaient amèrement d’être enfin allés à l’élection, sans avoir obtenu le désarmement intégral et le déploiement total et permanent des FDS sur l’ensemble du territoire ivoirien, les pro- Ouattara eux, se frottaient les mains pour avoir réussi à convaincre tout le monde d’y aller, à presqu’à leur condition , et pour avoir pu stopper et bloquer l’option militaire et anti-élection que des réseaux parisiens et occidentaux avaient tenté de vendre à Nicolas Sarkozy ; et dont IB était le fer de lance.

Paris dit non à la violence

La violence pouvait certes faire partir Laurent Gbagbo du pouvoir, mais les bénéficiaires immédiats d’un putsch n’auraient pas été des civils, à savoir Bédié, Soro ou Ouattara. Un tel schéma, semblait périlleux d’autant plus qu’en cas d’échec ou de demi-succès, il n’aurait profité qu’à Laurent Gbagbo seul et au mieux, à IB. Malgré toutes les précautions qui auraient pu être prises, Paris et l’Elysée redoutaient fort l’irruption d’un Dadis Camara ivoirien, ou d’un Guéi bis dans le processus de sortie de crise en Côte d’Ivoire. Au cours d’un échange sur ces risques que faisaient planer sur l’élection présidentielle, ces réseaux dormants mais actifs de Paris, un éminent membre du RHDP rencontré à cette date d’Août 2010 dans la capitale française, se la joue serein. Selon lui, la détermination du Premier ministre Guillaume Soro est intacte. Pour cette raison, les élections se feront bel et bien ! Et de préciser que sur la question, il n’y a pas de deal entre Guillaume Soro et Laurent Gbagbo, mais plutôt, un accord parfait concernant la nécessité d’aller à l’élection. Tout le monde voulait les élctions. Un accord que partagent Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié. Les propres échanges que cet éminent cadre du RHDP a eus avec des officiels parisiens en cet été d’avant-présidentielle, l’ont conforté dans l’idée que tout se passerait bien. Laurent Gbagbo voulait des élections. Il n’a pas été forcé à y aller. Il voulait des élections parce qu’il croyait qu’il les gagnerait. Mais, il les voulait surtout, parce qu’il en avait marre d’être traité comme un demi-président, comme un Président par défaut, un Président certes constitutionnel, mais sans aucune légitimité dix ans après des élections calamiteuses. Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié en avaient eux aussi, marre d’attendre et d’entendre LMP dire que « y’a rien en face ». Qu’ils sont des opposants de salon, que Laurent Gbagbo manipule à sa guise. En témoigne la crise de Février 2010, avec la double dissolution de la CEI et du gouvernement. Les tensions liées au sommet de la BAD n’ont pas stoppé leur impatience face à celle des jeunes et radicaux du RHDP, qui voulaient la fin du règne Gbagbo. Enfin, Guillaume Soro voulait l’élection. Tout comme la majorité des Ivoiriens et le monde entier. Les anti-élections qui s’agitaient à Paris et tournaient dans des capitales africaines, semblaient faibles et minoritaires. Ils étaient perçus comme des aigris ou des empêcheurs de faire la paix. Cette ambiance et ces débats d’avant-élection présidentielle en Côte d’Ivoire, sont encore et à nouveau, dans mon esprit, quand je foule à nouveau le sol de la capitale française, deux mois et demi après la capture de Laurent Gbagbo. Dix mois après Août 2010 !

A mon retour au pays de Nicolas Sarkozy, j’avais une mission officielle:

Echanger et enquêter sur l’état d’esprit d’Ivoiriens et d’Africains après la crise postélectorale. Un constat se dégage de tous les échanges : personne ne semble vraiment convaincu que la crise est finie. L’inquiétude reste permanente. Dans les conversations, deux choses préoccupent : le sort de Laurent Gbagbo et l’avenir politique de Guillaume Soro. C’est frappant de savoir à quel point, beaucoup réduisent l’actualité et l’avenir de la Côte d’Ivoire à ces deux points ! Les priorités d’ordre économique et social sont quasiment ignorées.

Les dures réalités de Paris en période d’hiver

Paris en ce début d’été, ne trahit pas sa réputation de capitale la plus visitée de la planète. La ville- lumière grouille de monde de jour comme de nuit, le soleil est au rendez-vous et la gaieté présente. Les touristes sont dans la place. Ce beau temps fait oublier le froid du temps d’hiver qui emprisonne les mains dans ces gants en cuir qui empêchent tout contact humain. Je n’aime pas Paris quand c’est l’hiver. Au contraire de ce député, qui se demande à quoi cela sert d’aller à Paris en été, pour subir le soleil qu’il a chez lui tous les jours. Lui, il adore Paris en hiver ! Arrivé à temps, juste avant que la capitale française ne se vide de tous ceux qui partent en province ou à l’étranger pour des vacances, j’ai eu l’occasion de rencontrer des gens, et d’avoir des interlocuteurs de toutes sortes. Pour ceux qui ne sont pas résidents, mais des visiteurs régulièrement de passage dans la capitale française, la ville- Lumière ne se dévoile jamais totalement. Elle garde toujours, en mystère un pan de sa beauté, pour la prochaine visite. Même lorsqu’on y vient une dizaine de fois pour de courts séjours, impossible de connaître la ville comme celui qui y réside. Pour l’étranger, c’est justement cela, qui fait le charme de la capitale française, et de toute la France.

La paix, le rêve des parisiens…

K.L est Parisien. Il est pro-Ouattara et actif sur le net. Paris n’a pas de secrets pour lui, mais cela ne l’empêche pas de recourir au GPS pour s’orienter lorsqu’il conduit. Certains conducteurs de taxis parisiens, malgré leur parfaite connaissance des méandres de la capitale française, ont eux aussi, quelques fois recours au GPS pour gagner du temps. Alors… ! Alassane Ouattara a gagné. Maintenant, il est Président, mais la crise est-elle vraiment finie ? K.L doute. Il se demande comment le Président de la République va régler la question des chefs militaires, notamment Wattao et les autres. Selon lui, tant que la question de l’avenir et des ambitions de Guillaume Soro n’est pas réglée, il n’y aura pas de paix. K.L. se demande, s’il ne faut pas donner l’Assemblée nationale à Guillaume Soro, pour espérer qu’il ne sabote pas le processus, et pour éviter que, les FRCI se rebellent contre Ouattara. Il estime que Guillaume Soro a besoin d’immunité pour échapper à la CPI.

Le sort de guillaume soro inquiete

Même quand on lui fait remarquer, que la qualité de député et de président de l’Assemblée nationale, encore moins celle de Premier ministre, ne peut mettre éternellement Soro à l’abri d’une poursuite, si les faits qui peuvent lui être reprochés sont vraiment avérés, et restent imprescriptibles, K.L demeure dubitatif. Il refuse de croire que les ex-soldats et chefs militaires FN, sont d’abord pro-Ouattara et Alassanistes, avant d’être éventuellement pro-Soro. Formatés pendant longtemps à ne pas croire et à réfuter avec véhémence la campagne du camp Gbagbo, qui parlait de collusion avérée entre la rébellion et le RDR, K.L est clairement convaincu que Guillaume Soro et les Forces nouvelles étaient totalement autonomes et n’avaient rien à voir avec la branche armée du RDR comme le soutenaient les partisans de Laurent Gbagbo. Ces interrogations n’empêchent pas notre interlocuteur de noter l’activisme des pro-Gbagbo en France, en particulier à Paris. Il ne comprend pas tout le tapage fait en France par les partisans de l’ancien chef de l’Etat, alors que, c’est en Côte d’Ivoire que les choses se passent. Tout en rappelant que les manifestations des Ivoiriens sont interdites, il révèle que les pro-Gbagbo utilisent des artifices, et se cachent derrière des associations africaines pour contourner cette interdiction. K.L constate également que dans le camp Ouattara à Paris, la division apparaît, ce qui n’est pas de nature à faciliter la tâche à SEM Ally Coulibaly, ambassadeur de la Côte d’Ivoire en France.

La guerre d’influence et de positionnement

Au passage, ce férus d’internet n’oublie pas de réclamer des droits d’auteur à l’IA, qui a repris une information qu’il a balancée sur le net, au sujet des palabres entre pro-Ouattara sur l’argent que le Président de la République a remis à la communauté ivoirienne, lors de son passage à Paris. Changement de décor et d’état d’esprit. E. Mamie a soutenu Laurent Gbagbo lors de la présidentielle. Son époux est ivoiro- guinéen. Jusque-là, les choses s’étaient bien passées entre eux. Mais, avec la crise postélectorale, la situation va changer. Le couple qui a un enfant, n’a pas prévu de se séparer, mais la quiétude qui régnait dans le foyer a du mal à résister aux tumultes et aux ressentiments nés de la crise. E. Mamie partage la douleur vécue par les siens au pays. Tandis que son époux applaudissait l’entrée des FRCI à Abidjan, elle recevait les appels désespérés de ses parents au pays. Elle reconnaît que le camp Gbagbo a commis des exactions, mais selon elle, celles-ci sont sans commune mesure avec les représailles exercées contre les partisans de l’ex-Président depuis sa chute le 11 avril 2011.
Charles Kouassi

II
Conséquences du conflit Ouattara-Gbagbo
Le conflit Ouattara-Gbagbo a provoqué tant de dégâts dans les familles. Je me souviens de ce couple résidant à Abidjan. L’époux, originaire du centre de la Côte d’Ivoire et proche du RHDP, a épousé une femme originaire de l’Afrique centrale. Devenue ivoirienne par le mariage, cette enseignante était partout une pro-Gbagbo notoire pour la simple raison que l’ex-sympathisante de Lissouba qu’elle était, soupçonnait le Président Sassou de soutenir Ouattara. Les divergences d’opinion de ce couple ivoiro- congolais, ont fait transposer les rivalités politiques des rives du fleuve Congo sur les bords de la lagune Ebrié. Les enfants étaient divisés et partagés avec ces posters de Bédié, de Ouattara et de Gbagbo, qui étaient superposés dans la maison. Mais, il y a eu plus de peur que de mal. La solidité du couple a résisté non sans peine, aux secousses de la crise ivoirienne……A Paris E. Mamie elle, ne compte pas rentrer en Côte d’Ivoire avant un an. Elle refuse de croire en Alassane Ouattara et en « sa réconciliation », qu’elle préfère vivre de très loin. Cachant à peine son profond désir de voir Laurent Gbagbo revenir aux affaires, elle se dope pour l’instant le moral avec ce slogan: « Ouattara dégage! Les Français partez! ». Pour mieux exprimer son désaccord avec l’ancienne puissance coloniale, elle ne regarde plus TF1, qu’elle taxe de « chaîne de Sarkozy ».

Francine, medecin attend ses parents à Paris

Francine elle, est médecin. Partie d’Abidjan pour Cotonou vers la mi- mars, elle n’a pas pu rentrer au pays, avant la descente des FRCI sur Abidjan. Elle échut donc à Paris munie d’un visa de circulation Schengen et d’un visa Londres obtenu à Accra. Cela lui permet de tourner entre la capitale française et Londres. En attendant son retour au pays, ce qu’elle n’envisage pas avant fin août, elle compte bien faire un tour au Canada. Ses parents qui se font actuellement soigner à Abidjan après avoir échappé à un assassinat, iront bientôt la rejoindre en France. Elle sera heureuse de rester avec eux, durant quelques jours. Jeune médecin, Francine fait partie des diplômés de la santé qui ont fait la grève sous Gbagbo. Originaire de la région des 3 A, elle n’est pas une inconditionnelle de Laurent Gbagbo. Elle déplore même que celui- ci soit allé trop loin, et qu’il n’ait pas saisi l’occasion des résolutions de l’UA pour négocier une sortie honorable à la mi-mars 2011. « Laurent Gbagbo a eu tort de vouloir défier le monde entier» affirme-t-elle, avant de souligner que «L’ambition dont on n’a pas les moyens, est un crime ». A l’inverse de Mamie, elle est pour la réconciliation, malgré la gravité des événements. Elle déplore au passage, le geste d’un cousin de la famille, qui a dénoncé ses proches et incité des éléments FRCI à commettre des pillages dans sa région.

Le serpent fpi n’est pas mort !

Mais, le FPI n’est pas mort ! En tout cas, pas en France. Pas à l’extérieur. Il est même vivant et très actif ! Cette réalité, un cadre du PDCI, ex- proche collaborateur du président Bédié, rencontré place d’Italie, a du mal à y croire. Selon lui, le FPI est mort depuis le 11 Avril, avec le départ de Laurent Gbagbo. Il ne voit pas comment le parti bleu, avec la rose pourra se reconstituer et conquérir encore un grand électorat. « Le serpent n’est pas mort », expliquons-nous. Même si les exilés, et ce qu’ils préparent constituent un sujet de préoccupation pour lui, notre interlocuteur a grand mal, à se laisser convaincre de ce que le FPI peut encore répondre aux futurs rendez-vous électoraux. Il souhaite que les autorités règlent la question de la sécurité pour rassurer les opérateurs.

Famille pro-Gbagbo de mère en fils, à Champigny

A Champigny ce Samedi 2 Juillet 2011, c’est l’anniversaire d’une fillette de dix huit mois. Entre zouglou et couper-décaler, malgré les bruits, nous avons le temps de parler politique. La tendance générale est nette dans cette famille LMP de mère en fils : on est prêt à laisser le Président Alassane tranquille, à condition qu’il libère Laurent Gbagbo. « Qu’on le laisse travailler, mais il faut que le « vieux-père » Alassane libère Gbagbo, son fils Michel d’abord et surtout que les FRCI retournent à l’intérieur du pays d’où elles viennent. Il faut qu’elles quittent les rues d’Abidjan maintenant ! », explique Valère. B.

Togolais et pro-Gbagbo

Un autre débat entre un pro-Ouattara et un pro-Gbagbo se poursuivra quelques nuits plus tard, à Hilton Rue de Courcelles. Un prospère homme d’affaires d’origine togolaise, ne comprend pas pourquoi, la France laisse Faure Gnassingbé faire ce qu’elle a empêché Laurent Gbagbo de faire. Selon lui, c’est à cause des richesses de la Côte d’Ivoire. Il estime que, Laurent Gbagbo était le seul à pouvoir défendre les intérêts de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique, tout en précisant qu’il n’a rien contre Ouattara. Il doute de Ouattara et attend de le voir à l’œuvre. Devant les arguments de son interlocuteur, qui passe désormais par le salon ministériel quand il vient et part d’Abidjan, après avoir été un wanted, dans son propre pays pendant de longues années sous le règne Gbagbo, le togolais pro-Gbagbo se montre étonné d’entendre son ami dévoiler tout le mal que l’ancien Président a pu faire aux Ivoiriens. « Mais toi, tu n’as pas eu de la chance, il ne t’a pas proposé de devenir Ivoirien quand tu l’as croisé et manifesté de l’intérêt pour sa vision du monde ? Voilà un Président qui passait son temps, à traquer des Ivoiriens, harcelait les gens qui sollicitaient un passeport, et qui dans le même temps, signait des décrets de naturalisation pour tous les intellectuels africains ou d’ailleurs, qui passaient par Abidjan pour soutenir son imposture ! Et il était fier de dire, qu’il est le Président ivoirien à avoir naturalisé le plus de gens. Facile à dire et à faire, quand on transforme des Ivoiriens en étranger, et qu’on naturalise le premier venu. Laurent Gbagbo n’a pas été un Président juste ».

Le rève du professeur Doudou Diène

A chacun sa douleur, à chacun son drame. La mort seule n’est pas le moment le plus absolu de la souffrance ! Et pourtant, il faut pardonner, se réconcilier et réapprendre à vivre ensemble. Eh oui ! J’ai rencontré Doudou Diène, à deux reprises. D’abord, une prise de contact chaleureuse avec ce fonctionnaire international de haut rang. Un homme africain, sans complexe et fier de son continent, ainsi que de ses racines. La Côte d’Ivoire, il la connaît. Il souhaite qu’avec la présidence Ouattara, les Ivoiriens saisissent l’occasion pour panser les plaies et pour se réconcilier. Provocateur, celui qui a rédigé un rapport de l’Onu sur le racisme, et enquêté sur l’ivoirité et sur la discrimination en Côte d’Ivoire, parle d’un sujet à polémique abordé par la Revue philosophique : « Et si les droits de l’Homme avaient été inventés en Afrique, plusieurs décennies avant la Déclaration universelle, et la Révolution française ». Le professeur Doudou Diène rêve d’une Afrique décomplexée, dont les dirigeants et les intellectuels sauront se montrer à la hauteur des défis. Sur son agenda, des séminaires et conférences partout notamment, en Amérique latine. « Non, rectifie le Professeur, c’est l’Amérique du sud, et non l’Amérique latine.»

Ouattara et la vengeance politique

La vengeance politique est un cycle poursuivi par Laurent Gbagbo. Houphouët n’en a t-il pas été précurseur à sa façon? Au cours de son long règne, Félix Houphouët-Boigny a commis des injustices. Il ne manquait jamais de rappeler qu’il préférait l’injustice au désordre. Le Premier président de la Côte d’Ivoire se donnait le temps de réparer l’injustice, tandis que le désordre, selon lui, pouvait l’emporter. L’injustice comme sentiment de frustration pouvait s’arranger. Mais le désordre, comme violence, révolution ou changement, n’était pas rattrapable. Dieu seul, sait comment Houphouët a essayé avec des fortunes diverses, de réhabiliter les victimes de sa politique de pacification, d’unité nationale, de la sauvegarde de la stabilité du pays, et de la préservation de ses options politiques. Mais l’histoire n’a pas retenu d’Houphouët, le souvenir d’un homme revanchard, vengeur et vindicatif. Laurent Gbagbo sous sa bonhomie apparente, et malgré son Houphouëtisme d’opportunité, cachait une grande douleur, un grand ressentiment.

Jean-Pierre dozon explique Gbagbo

A en croire, Jean-Pierre Dozon, les Attié, les Ebrié, les Agni du Sanwi, les Bété, en clair, tous ces groupes ethniques qui ont eu à des degrés divers, maille à partir avec Houphouët-Boigny, se sont retrouvés dans le FPI et le combat politique de Laurent Gbagbo. Leur vision et leur combat politiques ont été portés par une quête revancharde. Face à ceux qui parlaient de l’Houphouëtisme comme d’un âge d’or, Laurent Gbagbo ne manquait jamais de dire, que cette période ne fut pas rose pour tout le monde, et qu’il n’était pas juste de faire d’Houphouët une référence absolue. Il rappelait volontiers les souffrances endurées par lui et les siens, sous Houphouët. Laurent Gbagbo a rassemblé tous les mécontents du long règne d’Houphouët-Boigny.

Houphouët, premier candidat de l’étranger

Il a regroupé autour de lui, ce que Jean Pierre Dozon appelle les représentants de l’autochtonie, face à ceux qui sont considérés, comme des allogènes, des non autochtones de la Côte d’Ivoire, et même des étrangers. Houphouët-Boigny a lui-même été considéré, comme un suppôt de la France, un président de l’étranger, un Président pour les blancs et les français. La notion de candidat de l’étranger, utilisée sans complexe, ni aucun regret par Laurent Gbagbo vient de loin. Elle ne vise pas que Ouattara. Elle trouve son fondement dans la lutte pour l’indépendance en côte d’Ivoire, et dans les rivalités ayant opposé Houphouët à ses adversaires politiques de l’époque. Les projets panafricanistes et souverainistes de Laurent Gbagbo, ainsi que ses révoltes contre l’ordre mondial « injuste », n’ont pas été suffisants pour rassurer Jean- Pierre Dozon sur l’amour qu’il avait pour la Côte d’Ivoire.

Dozon, le Bété

Dozon lui est amoureux de Gagnoa, de Dabou, de Treichville… Dozon aime la Côte d’Ivoire et prend plaisir à ponctuer ses conversations de quelques expressions bété bien du terroir. Il connaît la Côte d’Ivoire où il est venu dès l’âge de 25 ans, pour commencer à travailler tout en préparant sa thèse de Doctorat sur la société bété. Cette Côte d’Ivoire d’après 70, d’après les années de plomb et de complots de l’ère Houphouët. Des complots dont il entendait parler, mais qui restaient loin pour lui. En deux rencontres d’environ deux heures d’horloge chacune ; la première, en compagnie d’Oumou Kouyaté qui prépare une thèse sous sa direction, sur les mutations de la société civile ivoirienne ; la seconde, en présence de Tanella Boni, mon ancienne professeur de philosophie installée depuis à Paris, le Professeur Dozon communique ses enthousiasmes quand il parle « des Côte d’Ivoire » qu’il a traversées et connues a partir des années soixante dix. Socialiste et partisan de Martine Aubry, il n’est pas tendre avec Laurent Gbagbo, justement parce qu’il avait espéré que l’ex-Président ivoirien aurait été à la hauteur des immenses espoirs que son arrivée au pouvoir avait suscités.

Dozon, personna non grata

Dozon qui compte prochainement revenir en Côte d’Ivoire se souvient encore de son départ d’Abidjan, il y a plusieurs années déjà. Et le cocasse dans l’affaire, c’est qu’il est parti en persona non grata avec pourtant un passeport de service ivoirien. Hormis l’épisode Gbagbo et la mort de son frère ivoirien et africain aux obsèques de qui, il était venu au bled, ses souvenirs et anecdotes sur la Côte d’Ivoire sont nombreux et positifs. Comme cette scène à la Rti. Invité à participer à une émission, il se trouve dans la salle de maquillage quand la réalisatrice arrive et demande : qui est Jean- Pierre Dozon. Il se présente et son interlocutrice surprise, réagit: mais vous êtes un blanc, vous n’êtes pas Ivoirien!  » Il était fier de savoir qu’on le considérait comme un des nôtres. Est-ce parce que son nom Dozon n’est pas phonétiquement loin de Dozo ? En tout cas, il n’a jamais saisi cette folie identitaire, cette ivoirité et cette bataille pour l’autochtonie qu’il entrevoyait dans la démarche politique de Laurent Gbagbo. Le chercheur donne certes des pistes d’explication et comprend plus ou moins, mais il ne trouve pas de justifications ni d’excuses pour l’homme politique Laurent Gbagbo.

Enfin un camerounais non pro-Gbagbo

La critique contre Laurent Gbagbo est encore présente au 6, rue Rennequin, restaurant La gazelle avec Ferdinand, un camerounais de Paris. Un Camerounais qui n’est pas pro-Gbagbo ? Ah oui, ça existe! On avait fini par croire à Abidjan que tout le Cameroun, hormis peut-être Paul Biya, était pro-Gbagbo. Nos amis Camerounais semblaient faire par procuration contre Ouattara, le combat qu’ils n’arrivaient pas à mener contre Paul Biya. Ils sont intarissables sur la Côte d’Ivoire, et pourtant adoptent le profil bas, quand il s’agit de parler du Cameroun ! Ferdinand massacre Laurent Gbagbo qu’il trouve incompétent, et irresponsable. Pas beaucoup de gens ici, pour défendre le Woody perçu comme un poltron face à la mort, après avoir voulu refaire le monde et libérer la Côte d’Ivoire, l’Afrique et même le monde entier de la domination des néo-colons. Sur les lieux, un fils de Bédié fait une entrée discrète, tandis que le ministre guinéen de…. (nous ne le citons pas, mais il se reconnaîtra et la prochaine fois, évitera de s’énerver et de hausser le ton dans un restaurant…) et sa suite de trois personnes, règlent bruyamment et avec une vive colère des affaires courantes restées en suspens à Conakry.
Charles Kouassi

III
Rencontre et conversation avec Alain Toussaint
Deux heures à bâtons rompus, en présence d’Hermann très pro-Gbagbo. Hermann est un jeune ivoirien très sympathique. Disponible et chaleureux, il plaisante avec tout et sur tout, sauf quand il s’agit de l’honneur et de la liberté de Laurent Gbagbo. Hermann n’est pas content de l’Intelligent d’Abidjan. Il me demande ce que le « vieux père » Laurent Gbagbo m’a fait. Rien, lui dis-je. A mon tour, je lui demande ce qu’il me reproche, en lui faisant comprendre que je n’insulte pas Gbagbo, mais que je ne fais que mon travail de journaliste. Je lui ai également fait savoir que le ton critique que mon journal adopte, n’est pas nouveau, et qu’il arrive même que ce ton, déplaise quelque fois au RHDP. On s’est expliqué, on s’est compris. Hermann croit vraiment en Laurent Gbagbo et refuse de croire en Alassane Ouattara. Avant la crise, Alain Toussaint., porte-parole de Laurent Gbagbo n’était pas un homme de forte corpulence. Rien n’a changé à ce niveau. Malgré les derniers évènements qui l’ont contraint à rester hors du pays, il a bonne mine. Le rendez-vous a lieu, dans un Novotel en plein Paris, terre de liberté pour les pro-Gbagbo. Devenu star malgré lui, sollicité de partout en Europe, Alain Toussaint garde la tête froide. Il refuse de se prendre pour un héros, et dit faire attention aux incessantes sollicitations de la gent féminine sur le net. Il montre des messages. N’ayant pas été un refondateur, (un Refondu ou un « rebfondateur ») au sens tapageur et ostentatoire du terme, à Abidjan, il sait vivre dans la sobriété, sans céder aux douceurs du sexe faible. On tombe tous, en la matière d’accord sur le cas Drogba, qui est un modèle. Un anti- Samuel Eto (que j’apercevrai d’ailleurs quelques jours plus tard, au restaurant le Coq d’Or dans le 17ème). Didier est une grande star, un héros, à qui peu de femmes pourraient refuser des avances. Mais, le joueur est sobre et n’abuse pas de sa position…dominante, ni de son leadership.

Pour Alain Toussaint, la réconciliation ne peut se faire en absence de Laurent Gbagbo

Alain Toussaint se dit prêt à rentrer au pays. Absent de Paris lors de la mission du ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, M. Ahmed Bakayoko, le conseiller-Europe et diaspora de Laurent Gbagbo, affirme qu’il aurait pourtant souhaité le rencontrer pour parler avec lui. Et lui donner son point de vue sur la réconciliation entre les Ivoiriens. Alain Toussaint estime que la réconciliation est impossible sans Laurent Gbagbo. Des proches de Ouattara, l’ont approché, révèle-t-il, pour rentrer au pays, et l’ont invité à se mettre au service du nouveau régime. Mais, l’homme assure que son sort personnel n’est rien par rapport aux enjeux de la Côte d’Ivoire. Entre deux amuse-gueule et le coca qu’il boit (pas d’alcool, ni de cigarettes), Alain Toussaint propose : on pourrait par exemple, organiser le voyage à Abidjan de la fille du Président et faciliter une visite à Korhogo et à Odienné, pour savoir les conditions de vie de l’ancien Président, et de son épouse. Quand j’avance que Laurent Gbagbo pourrait ne pas être libre avant deux ans, Hermann bondit : « Quoi, attendre deux ans, avant de voir le vieux-père libre! ». Une nouvelle tout de même réjouissante: le retour au pays d’Yves Zogbo Junior. Alain Toussaint qui l’a rencontré à Paris apprécie et salue ce com-back au pays. Revenant à la politique, Alain Toussaint explique que la difficulté qu’éprouve Mamadou Koulibaly à s’imposer à la tête du FPI réside justement, dans le fait que l’attachement à Laurent Gbagbo reste une réalité. Même loin de la «Une» des médias occidentaux, Abidjan reste au coeur des débats français et africains. Abidjan ne fait plus la « Une » de l’actualité internationale comme lors des grands moments de la crise ivoirienne. Cependant, le sujet Côte d’Ivoire reste présent dans les cœurs et dans les conversations. Chez les dentistes, dans le taxi, dans un resto, ou en pharmacie, quand par hasard, un Français demande de quel pays vous venez, il demande aussitôt, si tout va bien désormais. Les pro-Gbagbo ne se reprochent rien, rien, rien… Personne dans le monde n’ignore la crise ivoirienne. Mais aujourd’hui, les pro- Gbagbo sont d’autant plus malheureux qu’ils estiment n’avoir vraiment rien à se reprocher et pensent que, c’est la France et non Ouattara, qui a défait leur camp. A les écouter, ils n’ont rien fait. Laurent Gbagbo n’a commis aucun tort et son régime était le meilleur au monde ! Ils réapprennent difficilement à vivre les longues années d’opposition qui avaient bâti la légende de Laurent Gbagbo. Pour eux, c’est insupportable et inacceptable. Les partisans de l’ancien régime ont du mal à admettre, que les autres ont eux aussi souffert. Les pro-Gbagbo ne parlent que de ce qu’ils ont subi et gardent leur indignation sélective. De façon générale, plusieurs observateurs et interlocuteurs rencontrés à Paris souhaitent que la réconciliation devienne une priorité du Président Ouattara, mais mettent en garde contre l’impunité. « C’est parce qu’on a laissé Soro impuni, que Gbagbo est allé si loin, croît savoir un pro-Ouattara. D’ailleurs, le FPI oublie l’ampleur de son propre désastre dont il parle à mot couvert. « Gbagbo ayant pardonné et œuvré à la réconciliation avec Ouattara, Bédié et Soro, les nouvelles autorités devraient le laisser tranquille », explique un de mes interlocuteurs parisiens. Un autre argumente :  » Ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire ne doit plus jamais se passer. Ce n’est ni la faute à Ouattara, ni à Bédié, si Gbagbo a pardonné à Soro et celui-ci n’a pas été poursuivi. D’ailleurs, c’est tout à l’honneur de Laurent Gbagbo d’avoir fait cela. De toutes les façons, la Côte d’Ivoire avait besoin de Marcoussis, et non de Ouaga. Avec Marcoussis, la crise aurait pu être résolue. Alors, de quoi parle-t-on ? Aujourd’hui, Ouattara est fort et à le pouvoir. Mais, cette force ne doit pas servir à commettre des abus et dérives. Si on laisse Gbagbo maintenant, que fera-t-on demain contre Ouattara et les siens, si jamais et malgré tout, ils commettaient des exactions. On ne peut pas absoudre Gbagbo, sans craindre pour l’avenir avec les nouveaux gouvernants ».

Oui, beaucoup de souvenirs

Gadji Céli et moi n’auront pas le temps et l’occasion de nous rencontrer. Juste un échange téléphonique par le biais de Pintado. Le temps manquera également pour faire le tour des night-clubs et de ces soirées des humoristes ivoiriens, nombreux à Paris. Que retenir de ces dizaines de jours passés à échanger avec des Ivoiriens, des Africains et d’autres personnes à Paris? Des plateaux télés, des échanges avec des personnalités. Visite à Jeune Afrique, où j’ai été heureux de rencontrer André Silver Konan. Echanges également à RFI, TV5, Africa 24 et France 24. Comment oublier cette rencontre relativement houleuse à Paris Saint-Placide avec David Gakunzi, écrivain burundais, auteur de « Côte d’Ivoire, le crime parfait », un pamphlet contre Ouattara et contre les ingérences extérieures dans la crise ivoirienne. «Même s’il fallait discuter durant dix ans, il fallait le faire. Pour moi, cela vaut mieux que toute guerre, que toute violence, et cette intervention de la France », martèle et insiste David qui refuse d’en démordre.

Sous le charme de David Gakunzi

Par la suite, il résumera à travers ce mail de vérité, de sincérité, d’engagement et de conviction, la tonalité de nos échanges: «Cher Alafé, cher frère, j’ai beaucoup apprécié notre dialogue, certes animé, vivant, mais toujours fraternel. (Merci à Oumou de nous avoir mis en contacts.) L’Afrique sera faite, l’Afrique doit être faite de l’acceptation des divergences et des convergences de ses fils. Divergences en ce qui nous concerne – notamment sur la question des interventions des ex-puissances coloniales dans nos affaires. Pour ma part, jamais, jamais je n’accepterai, je ne cautionnerai l’ingérence des puissances impérialistes dans nos affaires. Le droit à l’auto-gouvernement est pour moi, un principe sacré, non-négociable. Aux Africains de résoudre leurs problèmes, et qu’on les laisse les résoudre. Jamais, aussi, nul ne parviendra à me convaincre que la guerre impérialiste était la solution au contentieux électoral ivoirien. Cette guerre-là, n’a rien résolu et avec le temps, on se rendra compte qu’elle a même plutôt aggravé le problème. Divergences, mais aussi, convergences sur la nécessité de promouvoir le dialogue politique comme seule et unique voie, comme moyen approprié, le plus approprié, le plus civilisé, à même de nous aider à résoudre durablement nos contentieux. Convergences également sur le devoir de construire une Afrique inclusive, une Afrique qui n’exclut pas. Notre devoir en tant qu’intellectuels – est d’interroger nos sociétés, d’introduire le débat dans nos sociétés, d’enraciner le dialogue au cœur de nos sociétés. Car, quand les hommes parlent : ils ne se tuent pas. Notre devoir est aussi de défendre l’Afrique, de défendre les intérêts de l’Afrique, de jouer pour l’Afrique. Il ne nous est plus permis d’être naïfs. C’est ce que tu dis d’ailleurs dans une certaine mesure et avec talent – dans ton excellent livre que j’ai dévoré hier soir. Alors, cher frère, continuons. Très fraternellement David »

La présence de Guillaume Soro sur la scène politique

Malgré les inquiétudes sur la question Soro, beaucoup acceptent de comprendre que le Premier ministre ivoirien ne sera pas un obstacle pour Ouattara ni pour la paix. Exaspéré d’entendre à plusieurs reprises les allusions à des menaces éventuelles de Guillaume Soro, un pro- Ouattara lâche: «ce qui est arrivé à IB et que le Président Ouattara a pourtant tout fait pour éviter, est une leçon pour tous. La France, l’Onu et l’ensemble de la communauté internationale ne peuvent pas laisser quelqu’un au nom de son ambition personnelle gâcher tout cet élan de renouveau et de renaissance de la Côte d’Ivoire. Non, Soro n’est pas un problème pour Ouattara, pour Bédié et pour la Côte d’Ivoire. Il ne peut être un problème après avoir été partie prenante à la solution contre Laurent Gbagbo. Guillaume Soro est tout simplement un citoyen ivoirien, que les circonstances ont placé aux premiers plans, et qui a eu à jouer un rôle essentiel dans l’histoire de son pays. Ayant été témoin et même acteur majeur de la guerre et de la crise, c’est normal qu’il nourrisse l’ambition de faire partie de ceux qui vont aider à rebâtir et reconstruire la Côte d’Ivoire. Cela ne doit pas être une source d’inquiétude, si les choses se passent dans un cadre politique, démocratique et non violent. La loi et la logique des urnes, des idées, après que les armes eurent parlé, voilà le chemin ! Pas de problème si les Forces Nouvelles s’inscrivent dans cette logique. Les seuls à être tentés de prendre les armes contre le régime Ouattara, sont les pro- Gbagbo. Guillaume Soro et ses chefs militaires ne peuvent le faire. Ils n’ont aucun intérêt à le faire et à saboter Ouattara et la réconciliation nationale.»
Dernière préoccupation des interlocuteurs, outre les questions urgentes et essentielles de sécurité: dites à Ouattara qu’il ne cède pas à la vengeance et aux règlements de comptes, cela le perdra, qu’ils fassent une vraie réconciliation, dans la justice ; et non la réconciliation façon forum de Diarra sous Gbagbo, ont plaidé beaucoup de gens.

On Air pour Abidjan

Pressé de partir d’Abidjan pour Paris le 26 juin dernier, j’étais déjà et à nouveau impatient de rentrer au pays, une semaine après. Pourtant, sur le vol retour au pays ce 08 Juillet 2011, à la veille de mon anniversaire, je pense déjà à un prochain voyage. Chaque fois qu’on part ou qu’on rentre, on se dit que c’est le dernier voyage. Mais l’envie de bouger reste magique et irremplaçable….Je n’ai pu voir et parler avec tout le monde…J’ai rencontré James Cenach, à qui, j’ai serré la main à nouveau, après plusieurs années. Soro Solo, lui, je l’ai aperçu à la sortie du métro sans pouvoir le héler. Il en va donc ainsi de Paris: plus souvent furtif, superficiel et pas forcément trop profond. Moralité et leçons de la vie: on se retrouve toujours, on se réconcilie toujours, on finit par faire la paix après la guerre.

Pourquoi la guerre

Pourquoi alors ne pas faire l’économie de la guerre ? David Gakunzi a-t-il vraiment raison ? A mon avis, la mort devrait suffire à nous rendre tous modestes et humbles face au pouvoir, aux plaisirs, et à l’argent. L’argent, la puissance et le pouvoir ; les plaisirs et les honneurs ne nous mettent pas à l’abri de la mort, après la maladie et les effets de l’âge. C’est pourquoi, je dédie ce texte à Alexandre Galley, décédé le Mardi 12 Juillet dernier à Abidjan, et qui ne manquait pas, depuis Abidjan, de s’enquérir de mon séjour et de mes conversations parisiennes. Qu’Allah ait pitié de son âme et qu’il inspire la sagesse à chacun de nous. Quand le Président Bongo est mort, nous avions fait ce titre : vraiment l’homme n’est rien ! Bongo est parti, la vie a continué ; la vie continue….. Chacun de nous s’en ira et la vie va continuer.

J’ai pleuré le 11 avril après la capture de Gbagbo

Dans l’avion, je pense encore à la capture de Laurent Gbagbo, alors que je relis les notes de Paris, mes conversations parisiennes. Le 11 Avril 2011, je n’ai pas pu m’empêcher de couler des larmes, et d’oublier notre (MOI ET LES MIENS, MOI ET MES COLLABORATEURS) part de galère, d’angoisses, de souffrances, ainsi que la tragédie vécue par tous les Ivoiriens et toutes les Ivoiriennes, et dont nous espérions enfin sortir ce 11 Avril et même bien avant. Sur mon mur facebook, j’ai écrit : « Je pleure! Je pleure car Gbagbo ne méritait pas d’arriver à ça! Mais pourquoi! Jusqu’au bout j’espérais qu’on éviterait cela! ». Ismaël. K s’est interrogé ce 11 avril 2011 : « éviter quoi ? ». N’ayant pas encore vu en ce moment là, les images de la capture, Priss A questionne : « donc, c’est vrai. Huuuuuuuummmmm ». Prince B tente une explication : « Grand frère, tu ne dois pas être surpris par ce qui est arrivé. How the mighty have been falling. Much He Do about nothing”. Anna Y me répond: “Tu as bien raison; était-ce nécessaire d’en arriver là? Non hélas ! ».

Mais pourquoi pleurez-vous

«Grand frère, c’est vraiment dommage qu’on en arrive à là!! J’ai mal au cœur !!!Je suis convaincu que Dieu saura pardonner les uns et les autres afin de permettre une vie harmonieuse sur cette terre d’Eburnie!!! », confie Isaac B, tandis que Mamady s’écrie : «On n’avait vraiment pas besoin de cela mon ami. Sèche tes larmes, il est temps de panser les plaies et œuvrer à la réconciliation et à la reconstruction. Ça aurait été si élégant de dire le 29 novembre 2011 : »félicitations mon frère, tu as gagné ». Cette seule phrase que GBAGBO a refusé de prononcer coûte à la C.I, des centaines de morts ». Pour sa part, M.S Bamba est sans concession : «Pourquoi pleurez-vous? Gbagbo peut s’estimer heureux : il est vivant. Lui n’a pas donné cette chance à Guéi et à sa famille. Si vous faites remuer votre mémoire, vous devez être content qu’il soit en vie. Croyez-vous que ceux qui sont morts pour lui et pour la sauvegarde de son pouvoir, méritaient de mourir? Avez-vous pleuré pour eux? Si non pourquoi? Et pourquoi pleurer pour Gbagbo vivant?». No comment… ou plutôt si : la réconciliation sera dure, dure, dure…

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