N’Goran Niamien – Mission: promouvoir la bonne gouvernance en Côte d’Ivoire !

N’Goran Niamien reprend du service actif. Mission: promouvoir la bonne gouvernance en Côte d’Ivoire !

La Dépêche Diplomatique – Jean-Pierre Béjot

L’inspecteur général d’Etat, N’Goran Niamien, nommé le 7 juillet 2011 par le président Alassane D. Ouattara, doit se poser bien des questions, le soir, quand il s’endort (si jamais il arrive à trouver le sommeil). Son job c’est de « contrôler, d’inspecter le bon fonctionnement et la bonne gouvernance de l’ensemble des services publics, parapublics et des sociétés à participation financière publique » ; entre autres choses. Et vu l’état de… l’Etat ivoirien et de ses « démembrements », la tâche évoque le « tonneau des Danaïdes » (les 49 filles de Danaos condamnées à verser éternellement de l’eau dans un tonneau sans fond) ou le « supplice de Sisyphe » (condamné, lui aussi éternellement, à rouler un rocher jusqu’au sommet d’une colline pentue).

Ce n’est pas que la Côte d’Ivoire soit ingérable ; mais on se pose la question de savoir si elle a été « gérée » au cours des vingt dernières années. Evidemment la question de la « bonne gouvernance » est, en ce qui concerne ce pays, hors de propos pour ce qui est du passé récent.

Les Burkinabè avaient inventé, voici pas loin de vingt ans (27-30 septembre 1993), la Conférence annuelle de l’administration publique (CAAP). Bonne idée ; elle n’avait pas réglé tous les problèmes, mais sa première édition avait donné une image claire et nette de l’état des lieux et des principaux acteurs permettant d’inventorier les difficultés rencontrées. Il s’agissait, selon les mots de Youssouf Ouédraogo, alors premier ministre, « d’opérer individuellement et collectivement le changement » afin « de bâtir une administration de progrès et de proximité ». Il y a un peu plus de vingt ans, quand il était premier ministre, Ouattara avait eu les mêmes ambitions (mais avec une approche individualiste) ; et un homme l’avait reconnu des années plus tard : « Des mesures courageuses ont été prises : compression des journaliers dans la fonction publique, réduction du train de vie de l’Etat, fermeture d’ambassades, vente d’une partie du parc automobile gouvernemental ».

Cet homme c’était N’Goran Niamien. Et c’était à l’occasion d’un entretien accordé à Mamadou Alpha Barry (Jeune Afrique Économie – 4-17 mai 1998). Nous étions au printemps 1998, N’Goran Niamien était alors ministre de l’Economie et des Finances dans le gouvernement de Daniel Kablan Duncan et sous la présidence de Henri Konan Bédié ; il n’était pas habituel, alors, de reconnaître que quoi ce soit de bon ait pu être entrepris, en Côte d’Ivoire, entre 1990 et 1993, autrement dit quand Ouattara était premier ministre. Bien sûr, N’Goran Niamien ne prononce jamais, dans cet entretien, le nom de l’ex-premier ministre, mais la reconnaissance de l’action menée est là, même s’il ne manquait pas de préciser que les programmes mis en place au cours de cette période « ont connu des fortunes diverses ». Il ne pouvait en être autrement. N’Goran Niamien sort du même moule que Ouattara.

Né en 1949, à Bongouanou, en pays baoulé (à 65 km au Sud de Daoukro, le village de Henri Konan Bédié), entre Dimbokro et Abengourou, il a rejoint Marseille en 1967 pour y suivre les cours de l’Ecole supérieure de commerce et d’administration des entreprises où il a obtenu un diplôme d’études comptables supérieures (DECS). De juillet 1973 à août 1989, il va mener sa carrière au sein de la BCEAO étant notamment adjoint au directeur national (mai-septembre 1984) à Abidjan et directeur central de l’émission et des opérations financières (1984-1989) à Dakar.

En septembre 1989, N’Goran Niamien sera nommé PDG de la BIAO-CI. La filiale de la BNP était alors mal en point et la première banque publique française entendait liquider son réseau africain. C’est un dossier sur lequel Ouattara va beaucoup travailler, en 1989-1991, quand il aura repris le gouvernorat de la BCEAO (27 octobre 1988). Rude bataille que suivra la presse financière mais qui sera éclipsée par l’accession de Ouattara au poste de premier ministre (tout en conservant le gouvernorat de la BCEAO). Le 28 juillet 1992, N’Goran Niamien va se retrouver trésorier général de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire. Le 7 décembre 1993, Félix Houphouët-Boigny meurt ; Bédié s’installe au pouvoir après que ADO ait été « out ». Le 15 décembre 1993, Kablan Duncan, premier ministre depuis le 11 décembre 1993, prend en charge les portefeuilles de l’Economie, des Finances et du Plan. N’Goran Niamien est ministre délégué auprès du premier ministre, chargé de l’Economie, des Finances et du Plan. Commentant cette nomination, Elimane Fall écrira dans Jeune Afrique (23 décembre 1993) : « Un inconditionnel de Bédié […]

A ce poste, il passe pour une véritable doublure de Daniel Kablan Duncan et pour l’œil de Bédié en matière économique ». Dans le second gouvernement de DKD (26 janvier 1996), N’Goran Niamien deviendra ministre de plein exercice en charge de l’Economie et des Finances, le plan étant passé sous l’autorité du premier ministre. N’Goran Niamien est un technocrate (ce qui fait que, bien que ministre de Bédié quand Ouattara était sa « bête noire », NGN ne nie jamais les avancées du « plan Ouattara », notamment en matière fiscale) qui tient un discours technocratique. Mais va, une fois que les acquis de la dévaluation du franc CFA (11 janvier 1994) ne seront plus qu’un souvenir, être rattrapé (et dépassé) par les « affaires économiques » qui ont émaillé la fin de la gestion de la Côte d’Ivoire par Bédié.

En février 1999, une « mission de revue » du FMI (dont le directeur général adjoint est Ouattara, candidat à la présidentielle 2000) a remis aux autorités ivoiriennes un « aide-mémoire » de sept pages sur la conduite du Plan d’ajustement structurel (1998-2001) ; « aide-mémoire » présenté comme « très critique ». N’Goran Niamien, le 1er mars 1999, va dénoncer un « faux procès fait à la Côte d’Ivoire » et Bédié « certains commis du FMI prompts à la polémique et aux intrigues politiciennes ». Ce ne sera pas du goût du directeur général du FMI, Michel Camdessus, qui demandera à Abidjan de cesser « sans délai […] cette campagne de dénigrement ». Il faudra que Bédié se rende à Paris pour que les tensions s’apaisent. A tel point que la presse évoquera « l’acte de capitulation » du gouvernement d’Abidjan face au FMI et à Paris. En jeu, les 70 milliards de francs CFA espérés du FMI au titre de la deuxième tranche de la Facilité d’ajustement structurel renforcée (FASR).

Cerise sur le gâteau, le FMI exige aussi un audit des comptes de la Caisse de stabilisation des prix des produits agricoles (Caistab) pour les campagnes 1997-1998 et 1998-1999. On sortira, également, « l’affaire Bouadou ». Julien Bouadou, directeur du Trésor, a été impliqué avec un homme d’affaires local, Roger Nasra, dans un trafic de fausses déclarations de TVA. Bouadou sera innocenté et réintégré dans ses fonctions, ce qui fâchera le FMI tandis que N’Goran Niamien proclamera : « Je tiens à dire, haut et fort, que Julien Bouadou est innocent » (entretien avec Assou Massou, Jeune Afrique du 27 avril 1999). Huit mois plus tard, Bédié tombera (sans qu’il y ait, nécessairement, lien de cause à effet entre ces « incidents » économiques et la faillite du système Bédié).

La chute de Bédié va rejeter N’Goran Niamien dans l’ombre. C’est au sein du PDCI, dès lors que Bédié sera revenu à sa tête, qu’il va réapparaître : délégué départemental à Daoukro, fief de Bédié ; il sera directeur départemental de campagne, dénonçant une « république bananière » devenue « la risée de tout le monde » alors que « la Côte d’Ivoire était une référence en Afrique au Sud du Sahara » (entretien avec Paul Koffi, Le Nouveau Réveil, 31 décembre 2009). Là où il est, désormais, NGN pourra mettre en œuvre ses ambitions pour son pays : « promouvoir un service public de qualité […], un service de gouvernance irréprochable ». On ne peut que lui souhaiter bon courage. De la patience et plus encore de détermination.

La Dépêche Diplomatique

Jean-Pierre Béjot

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