Bédié sur France 24: « Que Laurent Gbagbo soit jugé au Tribunal pénal international »

L’Intelligent d’Abidjan

Le Président du PDCI (Parti démocratique de Côte d’Ivoire) était l’invité, hier jeudi 15 septembre 2011, de France 24. Henri Konan Bédié, proche conseiller du Président Alassane Ouattara, a souhaité un jugement de l’ex-Chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, devant le TPI (Tribunal pénal international).
Vous êtes à Paris pour le prix Félix Houphouët-Boigny que vous avez décerné à l’UNESCO. A quand est-ce que la Côte d’Ivoire elle-même ou les Ivoiriens eux-mêmes mériteront ou que faudra-t-il pour qu’ils méritent ce prix peut-être en 2012 ?
Je crois qu’il faudrait qu’ils travaillent pour qu’au sein de la population une personnalité émerge. Mais j’espère pour le moment que cette situation ne se présente pas maintenant parce que nous venons de traverser une période de guerre et le prix étant destiné à ceux qui recherchent la paix ou qui font la paix. Mais je sais qu’il faudra attendre pour cela.

La paix n’est pas tout à fait gagnée en Côte d’Ivoire. On voit qu’il y a encore des gens qui ont peur de rentrer chez eux notamment dans l’Ouest du Pays. Qu’est-ce qu’il faut faire concrètement pour rassurer ces populations ?
En réalité, ces populations sont en train de rentrer massivement, en ce moment, à l’Ouest grâce aux entretiens que les Chefs d’Etat des pays voisins ont entre eux et grâce aussi aux soutiens des Nations Unies, les populations sont en train de rentrer. Nous savons qu’il y a plus de quinze mille sur cent cinquante mille qui sont rentrés récemment. Et le rythme ira en s’accentuant.

Quel est le signal fort à leur envoyer ?
Mais le signal fort, c’est que la paix est revenue au pays, en Côte d’Ivoire, et qu’ils peuvent retourner chez eux. Ce qui ralentit le mouvement, je pense que c’est le fait que la plupart de leurs villages ont été incendiés ou pillés. Et c’est ce qui les retient hors de leur pays.

Au moins 46% ont voté pour Laurent Gbagbo au second tour. Aujourd’hui, il est aux arrêts. Quel doit être son sort dans le contexte d’une opposition qui se cherche ?
Le sort de Laurent Gbagbo dépendra des instances de justice car ces détournements économiques, les atrocités, dont il est l’auteur, les crimes de sang sont nombreux. Et des plaintes ayant été déposées, il est inculpé pour ce qui concerne les crimes économiques et pour le reste, la Cour pénale internationale est en train d’effectuer les investigations. Par conséquent, Laurent Gbagbo n’échappera pas à la justice. Mais pour qu’il y ait un jugement équitable, nous préférons qu’il soit jugé à la Cour pénale internationale ou au Tribunal pénal international.

Un autre élément qui met en doute la confiance et la sérénité, on voit encore dans les commissariats de police par exemple les ex-rebelles, les FRCI, qui continuent de siéger. Quand est-ce qu’il va y avoir un retour à la normale de ce côté -là ?
Cette situation est en train de se redresser assez rapidement. Evidemment, il faut s’attendre à ce qu’il y ait quelques mouvements de ralentissement par-ci et par-là. Mais, fondamentalement, les policiers reprennent leurs places dans le système sécuritaire ivoirien.

Nous avons dit en propos liminaire que vous avez tenu parole, vous avez soutenu Alassane Ouattara au deuxième tour de l’élection présidentielle, la contrepartie, c’était que le portefeuille de Premier ministre reviendrait à votre parti. A quand ?
Je crois que pour le moment, cette promesse n’est pas tenue par le fait que nous avons encore des poches d’insécurité et que le Premier ministre, mon jeune frère Soro Guillaume, est toujours à la tâche pour réduire les derniers foyers.

Dans l’entourage du Premier ministre, on s’est agacé récemment, disant qu’il y avait trop de Français, actuellement, dans les ministères, en tant que conseillers, quel est le bon équilibre en cette période de reconstruction en ce qui concerne le rôle de l’ancienne puissance coloniale ?
J’ai peine à croire à ce qui est dit sur ce chapitre. Parce que je ne vois pas où sont les Français conseillers dans les ministères. Tout est ivoirisé depuis longtemps.

En ce moment on est beaucoup en train de parler de reconstruction, de contrat, et les Français sont là en force…
Je ne le pense pas parce que toutes les affaires qui se traitent se font par appel d’offre international. Par conséquent, il n’y a pas de préférence pour une nationalité donnée.

Quand vous voyez les propos de l’avocat Robert Bourgi qui parle de sac d’argent donné par cinq Chefs d’Etat africains. Quelle est votre réaction ?
Sous réserve que soit vrai ce que vous dites.

Ce genre de pratiques quand vous étiez Président se faisait parmi les Chefs d’Etat africains, transporter des billets de banque comme ça en France ?
Cela n’a pas été le cas au moment où j’étais Président de la République de Côte d’Ivoire. D’abord, nous étions sur ajustement structurel très sévère et nous n’avions pas de ressources pour les distraire à l’extérieur.

Et que pensez-vous des propos de Robert Bourgi ?
Mais, je n’en pense rien. Ce que je déplore, personnellement, c’est qu’ayant servi à des postes pendant de nombreuses années, on attend quarante ans après pour cracher un peu dans le verre où l’on a bu.

Vous êtes encore actif dans la vie politique. Vous avez été ambassadeur de votre pays en 1960. Avec votre regard de jeune homme que vous étiez à Washington à l’époque, est ce que vous imaginiez que la Côte d’Ivoire, aujourd’hui, serait en situation dans laquelle elle est ?
Certainement pas. D’abord parce que, il est pratiquement impossible à l’homme de voir l’avenir mais enfin, avec le recul et les analyses, on peut estimer que ces situations arrivent à de nombreux pays dans le monde. A citer le cas de l’Amérique avec la guerre de sécession. Ce qui nous est arrivé est un accident de parcours qui ne se répètera pas, j’espère.
Retranscrit par R. Dibi

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