DISCOURS – Charles Konan Banny, hier à Yamoussoukro: « Nous ne nous engageons pas sur un terrain inconnu »

Dossier par l’Intelligent d’Abidjan

‘’Nous ne nous engageons pas sur un terrain inconnu’’

Les membres de la CDVR (Commission Dialogue, vérité et réconciliation) ont officiellement pris fonction hier. Charles Konan Banny, le président de ladite commission a pris l’engagement de ramener la paix, gage de la stabilité de la croissance. Ci-dessous sous discours.

Nous voici réunis pour donner le signal d’un nouveau départ dans notre quête inlassable de la paix, dans notre volonté proclamée de réconcilier la Côte d’Ivoire avec elle-même. La volonté de réconciliation est là, exprimée de façon unanime, par vous-même une fois de plus, à travers votre présence Monsieur le Président, et par tous ceux qui prennent la parole au sujet de la grave crise que traverse notre pays.
Mais les déclarations de bonnes intentions ne doivent pas nous faire oublier que nous n’en sommes pas à notre coup d’essai. Le travail accompli les années précédentes n’a pas empêché ni arrêté l’intrusion de la violence dans les affaires politiques.
Pourquoi n’avons-nous pas su épargner à notre chère Côte d’Ivoire le spectacle effroyable de la guerre ? Pourquoi nous, Ivoiriens, que caractérise l’esprit de dialogue et de conciliation, en sommes-nous arrivés à cette extrémité ?
La guerre n’ayant pas été évitée, nous avons entrepris la longue et humiliante tournée des capitales, en Afrique et ailleurs, en quête d’une paix introuvable. Côte d’Ivoire ! Toi qui fus naguère le siège des règlements des conflits survenus en Afrique, te voilà sur les routes du monde, exposant à l’univers ton inconstance et ta fragilité !
Avec l’accord de Ouagadougou qui a permis de mettre autour d’une même table les principaux protagonistes, une nouvelle dynamique a été instaurée. Quatre ans plus tard, les élections présidentielles qui se sont tenues en octobre-novembre 2011 ont malheureusement débouché sur une escalade de la violence. Trois mille habitants de la Côte d’Ivoire ont laissé la vie dans cette folle aventure post-électorale, ajoutant une nouvelle page noire à la tragédie ivoirienne.
Aujourd’hui, par la volonté du Président de la République et grâce à la contribution de tous, nous bénéficions d’une relative accalmie. La situation est assez calme en effet pour que nous nous posions les bonnes questions : Comment en sommes-nous arrivés à ce degré de barbarie et d’irresponsabilité ? Pourquoi aucune des tentatives antérieures n’a-t-elle donné les résultats escomptés ? Que faire pour que l’actuelle Commission, qui vient d’être portée sur les fonts baptismaux par vous-même, Monsieur le Président de la République, n’aboutisse pas à la même impasse que les forums passés ?
La réponse à ces questions présuppose la ferme volonté de rechercher la vérité sans tabous, sans entraves, ni faux-fuyants. Il s’agit pour la Côte d’Ivoire de se regarder en face, courageusement, et d’accepter de se découvrir telle qu’elle est et non pas de brouiller sa propre image pour se proclamer telle que certains voudraient qu’elle soit.
Or qu’est-ce que la Côte d’Ivoire ? La Côte d’Ivoire, c’est ce quadrilatère richement doté par la nature où les peuples divers qui en sont devenus les citoyens, continuent malheureusement à accorder la primauté à l’appartenance communautaire sur la citoyenneté. Nous agissons encore comme originaires de telle région, comme membres de telle ethnie avant d’être ivoiriens, alors que, de l’ensemble éclaté que nous constituons, les Pères-Fondateurs ont nourri la remarquable ambition de faire un havre cosmopolite et humanitaire.
La Côte d’Ivoire a été conçue comme la patrie de l’homme et le cadre d’épanouissement de toutes les populations en quête de mieux-être par le travail, dans l’union et la discipline. Tant que le pays était prospère, cette philosophie était largement partagée. Mais la récession économique a réveillé les pulsions enfouies en chacun de nous et les tensions qui sommeillaient ont surgi, amenant sur le devant de la scène de nouvelles problématiques.
À la question : “Qu’est-ce que la Côte d’Ivoire ?“, s’est ajoutée une seconde : “Qu’est-ce qu’être ivoirien ?“ À cette interrogation, les dénis d’identité et de citoyenneté, le refus de l’intégration et la politique de la citadelle assiégée ont servi de simulacre de réponse. Nous voici donc aujourd’hui à nouveau face à nous-mêmes, sommés par les événements et les circonstances, de répondre sans ambages à ces deux questions. De la qualité et de l’exactitude des réponses, dépendront la paix et la réconciliation. À trop différer la résolution du problème, nous courons le risque de le voir s’aggraver.
Aucune victoire par la force ne peut être tenue pour définitive, car le vaincu d’aujourd’hui fourbira ses armes dans l’espoir de devenir le vainqueur de demain. Et c’est ainsi que s’installe l’escalade. Désarmons donc aujourd’hui nos haines, faute de quoi nous nous acheminons à grands pas vers une guerre de cent ans !
Mesdames et Messieurs,
la mission assignée par le Président de la République à la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation repose sur des attributions claires. En outre, les instruments mis à sa disposition sont précis. Il revient à la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation d’aider la Côte d’Ivoire à répondre aux questions que se posent les citoyens. La Commission, usant de la seule arme du dialogue, doit être l’accoucheuse de vérité qu’attendent les Ivoiriens. Mais, ne nous y trompons pas, sans un dialogue franc, ouvert, inclusif et équitable, sans la participation de tous, elle ne saurait faire œuvre utile. La Commission doit être aussi l’auxiliaire de l’œuvre de rédemption de notre pays. Mais, nous le savons bien, la rédemption passe par la contrition et la repentance. Enfin, pour réussir, la Commission doit être indépendante. Et cette indépendance, vous l’avez compris, Monsieur le Président, est gravée dans le marbre de l’Ordonnance qui l’institue. La CDVR s’efforcera donc de mériter la confiance que vous avez placée en elle et que lui accordent les Ivoiriens, en maintenant le cap de cette indépendance.
En toute indépendance, la Commission s’efforcera de conduire les Ivoiriens vers la réconciliation. Ainsi, tous les commissaires agiront, non pas dans l’intérêt d’une ethnie, d’un parti ou d’une communauté religieuse, mais dans le seul intérêt de la Nation tout entière qu’ils représentent tous dans sa diversité. Le travail ne s’arrêtera pas cependant à cette échéance. Avec l’aide des pouvoirs publics et des Ivoiriens dans leur ensemble, la CDVR devra créer les conditions d’une paix permanente et proposer des outils de veille et de prévention qui mettent notre pays à l’abri de nouvelles secousses. Cela aussi figure dans l’Ordonnance. Les années à venir verront naître un citoyen nouveau, si nous mettons tout en œuvre pour ne pas retomber dans les mêmes errements.
Nous ne nous engageons pas sur un terrain inconnu. Des travaux ont été effectués sur l’objet de la mission de la CDVR. Celle-ci se fera le devoir de s’en inspirer. Elle procèdera en effet à une revue critique des résultats des forums antérieurs dans l’intention bien comprise de s’en servir comme tremplin pour une nouvelle tentative que nous espérons fructueuse.
Nous sommes conscients que la tâche ne sera pas aisée. Toute action qui s’applique au matériau humain est difficile à réaliser, parce que l’être humain est un matériau mouvant qu’il faut considérer avec patience, délicatesse et opiniâtreté. Si désireux que nous soyons de clore rapidement l’épisode douloureux de notre vie commune, nous devrons nous armer de patience pour atteindre notre objectif. C’est la raison pour laquelle nous prendrons le temps de réunir les conditions de faisabilité de l’œuvre que nous allons entreprendre. La Côte d’Ivoire est encore sous le choc des atteintes inouïes à l’intégrité des personnes. Nous devons donc, avant toute autre démarche, apaiser les esprits, conformément à nos traditions culturelles.
La quête de la vérité et la réconciliation ne pourront être effectives que si, telle une plaie qu’on débarrasse de ses impuretés avant de la soigner, les communautés nationales sont soumises au préalable à tous les rites qui ont le pouvoir psychologique d’apaiser les tensions.
Il se trouve que toutes les cultures ivoiriennes ont en commun l’attachement particulier à la vie. Nous nous inspirerons de ces valeurs de civilisation de notre peuple. En effet, l’effusion de sang et la mort d’hommes qui s’ensuit, sont considérées chez nous comme une immense catastrophe parce qu’elles entraînent la rupture de trois liens sacrés : la relation à la terre qui a été forcée d’absorber le sang humain versé, le respect envers les esprits tutélaires ainsi profanés et le lien de la personne avec l’univers dont elle est partie intégrante. L’infraction majeure que constitue tout meurtre de sang exige, dès lors, un rituel de purification.
À cette occasion, la société ivoirienne s’interrogera sur les raisons de la tragédie vécue et s’efforcera de s’appliquer une thérapie qui, sans exonérer les criminels, ramène la paix. En effet, toute mort violente est considérée comme une atteinte grave à l’équilibre du monde et doit faire l’objet d’un traitement spécifique. Cet exercice est censé apaiser à la fois l’esprit de la victime, celui des ancêtres, la colère de Dieu et la perturbation sociale qui s’en est suivie.
Face au désastre dans lequel est engluée la Côte d’Ivoire, devant les monceaux de corps abattus par la crise meurtrière qui l’a secouée, il est impératif de rechercher toutes les voies susceptibles d’aider à la restauration de la vie en commun.
Tout en créant les conditions de l’apaisement, la commission mettra en œuvre un dispositif de consultation dont la finalité est d’amener les Ivoiriens à s’approprier le processus. La connaissance de ce que souhaitent les Ivoiriens nous permettra d’élaborer une démarche appropriée. Nous devons nous persuader que les techniques les plus savantes ne seront d’aucun secours si les populations qui doivent être réconciliées ne se sentent pas concernées par l’opération. Un citoyen convaincu de la pertinence du processus sera désireux d’y prendre part, car il aura été mis en confiance.
Je voudrais dire, à présent, un mot à tous ceux qu’inquièterait l’éventuel règne de l’impunité. La CDVR n’est en aucun cas une instance dotée du pouvoir d’amnistie et d’absolution.
Ni vengeance, ni impunité, mais repentance, réparation, restauration, pardon et paix pour la reconstruction ; voilà le programme qui t’est proposé chère Côte d’Ivoire.
Mesdames et Messieurs, je vais conclure. Nous voulons accomplir au mieux la lourde tâche qui nous incombe. C’est pourquoi nous attachons un prix particulier aux approches humaines qui viennent d’être exposées. La justice “restaurative“, qui se trouve au cœur de notre mission, ne pourra que profiter de cette entrée en matière qui permettra d’amener tous les Ivoiriens autour de la table de la Vérité et de la Réconciliation.
Nous voulons réussir ! Y parviendrons-nous ? Seul Dieu le sait. Pour notre part, nous conduirons le processus de réconciliation sans exclure personne, sans interférence avec la justice qui continuera à suivre son cours. Nous conduirons le processus avec la foi et la volonté de personnes convaincues que la Côte d’Ivoire doit sortir de l’impasse. Nous sommes persuadés que la réconciliation est la seule issue à l’impasse dans laquelle nous nous sommes enfermés pendant des années. Cela seul suffit à rendre notre détermination inébranlable. Cela suffit à nous rendre sourds aux présages des oiseaux de mauvais augure. Dieu, qui aime la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens, nous y aidera !
Je vous remercie.
Charles Konan Banny

Encadré 1

Le Président Ouattara a investi l’équipe de Charles Konan Banny

Le Président de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR) a été investi, conformément à l’ordonnance N° 2011-167 du 13 juillet 2011, portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la CDVR, le mercredi 28 septembre 2011, à la fondation Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix de Yamoussoukro en présence du chef de l’Etat. «Monsieur le président de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation, devant le peuple de Côte d’Ivoire, je vous remets officiellement les instruments de la mission qui vous est assignée», a déclaré SEM Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire. Il remettait ainsi officiellement la feuille de route du président de la CDVR, qui aura à conduire la Côte d’Ivoire à une réconciliation totale. S’il a lui-même reconnu que la tâche à lui confiée n’était pas facile, Charles Konan Banny s’est dit prêt à relever le défi avec pour seul soutien de taille, le peuple de Côte d’Ivoire. « Je vous donne l’assurance que nous voulons réussir. Y parviendrons-nous ? Seul Dieu le sait. Mais si le peuple de Côte d’Ivoire le veut, on y arrivera », a clamé le président de la CDVR. Qui entre autres moyens pour y parvenir, préconise la patience et surtout n’entend exclure qui que ce soit par la commission dont il a les commandes. La démarche qu’observera la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation qui est une démarche inclusive, reste la clef de voûte d’une nation en quête de réconciliation, en quête de paix. « La réconciliation est la seule issue à notre sortie de crise », a déclaré Charles Konan Banny. Le « Desmond Tutu ivoirien » est revenu sur les crises engendrées par le mépris, le rejet de l’autre dans une terre, autrefois havre de paix. C’est pourquoi, il a invité tous ses compatriotes Ivoiriens à cultiver la paix. « Les années à venir verront naître un citoyen nouveau, si nous nous mettons tous à l’œuvre ». Fidèle à son credo « ni vengeance, ni impunité », Charles Konan Banny est revenu sur la justice des vainqueurs qui doit être proscrite. « Aucune victoire par la force ne peut être tenue pour longtemps. Désarmons nos haines faute de quoi nous nous engageons vers une guerre de cent ans », a-t-il conseillé. A propos de l’impunité revendiquée par certaines formations politiques et groupement d’hommes, l’ex-Premier ministre a voulu être clair : « la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation n’est en aucun cas une instance dotée d’amnistie ». Toutefois, s’il avoue que l’être humain est un matériau mouvant qu’il faut considérer ainsi, Charles Konan Banny croit aux objectifs et en la mission de sa commission qui consistera à « user de la seule arme du dialogue pour accoucher de la paix ». Mais avant, il compte conjurer le sort par des rituels pour apaiser la colère de Dieu ainsi que les cœurs des humains, car on ne cessera jamais de le dire, la crise postélectorale a emporté trois mille (3000) Ivoiriens dans la tombe. Puis d’inviter tous les Ivoiriens à s’approprier la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR). C’était en présence du Premier ministre, ministre de la Défense, Soro Guillaume, des présidents des institutions de la République, de tout le gouvernement, de la haute hiérarchie de l’armée ivoirienne, des chefs religieux et chefs coutumiers.
A. Dedi, envoyé spécial

Encadré 2

Le onze de la CDVR à l’épreuve de la réconciliation et la paix

Le président de la CDVR a reçu sa feuille de route. Désormais, la réconciliation doit être une réalité tangible. Banny et son équipe s’y attèleront. Rien qu’à voir la composition de cette « équipe nationale», il n’y a, en principe, pas de doute de réussite. Un religieux chrétien et un religieux musulman. Cinq représentants des grandes régions du pays, une star interrégionale et internationale-Didier Drogba, sociétaire de l’équipe de Chelsea FC, vice-président de la commission. Et le grand capitaine, Charles Konan Banny. Ses coéquipiers pourront bien bénéficier de la somme des expériences qu’il a acquises sur le terrain (Premier ministre de la réconciliation de 2005 à 2007). Sans compter le buteur maison, Didier Drogba (annoncé incertain et qui fut finalement absent à la cérémonie) qui, à coup sûr, réussira des exploits individuels faute de faire des passes décisives à ses coéquipiers pour scorer en faveur de la réconciliation et la paix. Ce « tournoi » qui durera quand même deux années, est l’occasion jurée des Ivoiriens d’aller à la réconciliation. Mais, cela ne saurait se faire sans le 12ème éléphant (le peuple de Côte d’Ivoire), qui comme un seul homme, devra pousser à la victoire, le « onze national».
A D


Le Président Ouattara, hier à l’installation de la Commission Dialogue, vérité et réconciliation :
‘’La réconciliation doit être l’affaire de tous’’

Le Président Alassane Ouattara a présidé hier, à Yamoussoukro, la cérémonie d’installation de la Commission Dialogue, vérité et réconciliation. Le chef de l’Etat a saisi l’occasion pour inviter les Ivoiriens à se pardonner, surtout à créer les candidations d’une paix durable. Ci-dessous, son discours.

Monsieur le Premier Ministre, Guillaume Kigbafori SORO,
Monsieur Charles Konan BANNY, Président de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation,
Messieurs les Vice-Présidents,
Mesdames et Messieurs les Membres de la Commission,
Madame et Messieurs les Présidents d’Institutions,
Monsieur le Président John Kuffuor,
Messieurs les Représentants des Présidents Wade, Compaoré et Toumani Touré
Messieurs les Ministres d’Etat,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Représentants des Institutions Internationales,
Honorables Chefs Traditionnels et religieux,
Mesdames et Messieurs,
Chers compatriotes,
Quelque part en Côte d’Ivoire, une famille pleure.
Elle pleure la disparition d’un père, d’une mère, d’un enfant, d’un proche, arraché trop tôt à son affection, victime innocente des multiples crises qui ont ébranlé notre pays depuis 1999. Je voudrais, à nouveau, exprimer ma profonde compassion à toutes ces familles éplorées et aux victimes des événements tragiques que notre pays a connus. Comme dans tout pays qui a connu la guerre, les cœurs et les esprits sont remplis de questions. Des questions sur ce douloureux passé, mais aussi des questions sur le présent et sur l’avenir. Si nous sommes rassemblés aujourd’hui, c’est pour nous donner les moyens de trouver des réponses à ces questions. Nous le devons à nos concitoyens. Nous le devons à toutes les familles endeuillées, mais surtout aux générations futures.
Mes chers compatriotes,
Depuis quelques mois, la Côte d’Ivoire est au travail.
Mais notre plus grand chantier demeure celui de la reconstitution de la Nation ivoirienne. Nous devons travailler sans relâche au retour de la confiance entre toutes les filles et tous les fils de notre pays. C’est pourquoi, lors de la campagne électorale, j’ai indiqué que mon projet aussi ambitieux soit-il ne connaîtra un début d’exécution que si deux conditions sont réunies : la paix et l’unité nationale pour une réconciliation vraie. Aux premières heures de mon accession au pouvoir, j’ai donc souhaité qu’une Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation soit mise sur pied, afin de tirer des leçons de la crise et ne plus répéter les mêmes erreurs. Pour avancer sur la voie de la réconciliation, nous devons affronter notre Histoire. Notre histoire, c’est d’abord celle d’un pays qui s’est forgé dans la diversité, dans l’unité et dans la fraternité. C’est aussi celle d’un pays qui, contre toute attente, s’est détourné de ses valeurs et a connu une grave crise identitaire. Aujourd’hui, une immense tâche nous attend. Pour bâtir une société démocratique fondée sur l’Etat de droit et la justice, il nous faut semer ensemble la graine de la paix, dans le dialogue, la vérité et le pardon. Le DIALOGUE implique que nous réapprenions à nous parler et à nous faire confiance. La VERITE nécessite que nous nous exprimions à cœur ouvert, en ayant le courage d’aborder des questions sensibles telles que le foncier rural, l’immigration, les questions identitaires, les représailles et les violences perpétrées sur les populations. Quant au PARDON, il n’interviendra que si nous commençons nous-mêmes à demander pardon. Alors, demandons pardon autour de nous, demandons pardon à chaque Ivoirien, pour toutes ces souffrances et ces vies gâchées. La réconciliation doit être l’affaire de tous. Je lance donc un appel à tous mes compatriotes. Je demande à chaque ivoirienne et à chaque Ivoirien de participer à ce processus. Je compte tout particulièrement sur l’implication massive des partis politiques et de nos élites politiques et militaires, afin de renforcer le champ d’action de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation. Je compte également sur la participation de nos chefs traditionnels, des religieux et des représentants de la société civile. Vous qui êtes en contact permanent avec les populations, vous pouvez largement faciliter les relations entre les Ivoiriens et la commission. Nous ne saurions parler de Dialogue, de Vérité et de Réconciliation, sans parler des victimes. Pour la plupart d’entre vous, la Commission permettra de parler pour la première fois des épreuves que vous avez traversées. Sur la base de vos témoignages, nous allons établir la vérité et obtenir la reconnaissance des faits par leurs auteurs. La priorité sera donnée à la justice et au processus de guérison par le pardon. Vous retrouverez votre dignité et vous obtiendrez réparation pour les préjudices que vous avez subis. Je voudrais maintenant m’adresser aux média. Vous qui constituez un puissant vecteur d’information et d’influence, accompagnez-nous dans ce processus. Faites-le pour la Côte d’Ivoire. Face à vos choix personnels ou politiques, donnez la priorité à l’information fiable et impartiale, dans le respect des règles d’éthique et de déontologie. J’exigerai notamment des media d’Etat qu’ils se montrent irréprochables en la matière. A vous, honorables membres de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation, je veux dire que vous avez été choisis parce que vous êtes représentatifs de la Nation ivoirienne, à travers votre ethnie, votre région, votre origine ou votre religion. Les ivoiriens vous font confiance. Les habitants de Côte d’Ivoire aussi. Pendant les audiences, ils vous ouvriront leurs cœurs et vous confieront leurs souffrances. Je souhaite que votre intégrité et votre esprit critique vous orientent dans les décisions que vous aurez à prendre en toute indépendance. Monsieur le Président de la commission, mon frère Charles Konan Banny : tu es un homme d’expérience et d’équité, connu pour ton ouverture d’esprit et ta tolérance. Ta mission est difficile, mais pas impossible. Je suis convaincu que tu sauras conduire ce processus à terme avec des résultats probants.
Ivoiriennes, Ivoiriens, mes chers compatriotes,
Les tentatives de réconciliation, il y en a déjà eu en Côte d’Ivoire. Je pense notamment au Forum de réconciliation en 2001. Malheureusement, malgré notre bonne foi, nous n’avons pas réussi à chasser les démons de la haine et de la division. Je suis sur que beaucoup se demandent ce qui fera la différence aujourd’hui. Je crois pour ma part, que tout comme la Paix, la réconciliation n’est pas un vain mot, c’est une décision qui doit aller au-delà de nos ressentiments. C’est un processus qui se construira patiemment dans nos cœurs. Je crois également que nous Ivoiriens, quelles que soient nos différences, avons en partage, l’Amour pour notre pays. Considérons donc le processus de réconciliation, comme une thérapie nationale qui nous permettra d’identifier les véritables problèmes de notre pays. Donnons-nous une chance de réussir. Parlons-nous, dans nos familles, dans nos quartiers, dans nos entreprises, dans nos écoles, dans nos églises, nos temples et nos mosquées. Apprenons à accepter nos différences. Par notre engagement et notre implication totale, donnons des réponses et surtout des solutions à toutes ces familles qui malgré les souffrances vécues, ont raison de croire en l’avenir d’une Côte d’Ivoire nouvelle, une Côte d’Ivoire réconciliée et développée.
Vive la Côte d’Ivoire.
Je vous remercie.

 

Commentaires Facebook