Enquête Séguéla : Les zones diamantifères abandonnées Plus de 200 villages enclavés

Situés à plus de 592 km d’Abidjan, certains grands cantons de la sous-préfecture de Séguéla restent enclavés. Depuis la nuit des indépendances, la majorité des villages du chef-lieu de la région du Worodougou, au nord-ouest de la Côte d’Ivoire, reste sans voie d’accès, encore moins l’eau potable ou l’électricité.

Pour atteindre les différents villages de la sous-préfecture de Séguéla, il faut avoir les reins solides et un véhicule bien adapté. Le dernier passage de graders sur la piste villageoise allant du chef-lieu de département, Séguéla, à la sous-préfecture de Massala, date de l’arrivée du sous-préfet Touré Pénakpéfan dans cette région, en 2010. Plus d’un an plus tard, le parcours de cette piste villageoise reliant les trente trois villages de cette circonscription donne du fil à retordre. Une piste envahie par la broussaille, coupée par de gros ravins et des chutes. Ce qui rend impraticable cette voie qui n’est empruntée que par les motos, vélos et quelques pisteurs. Il nous a fallu environ 2 heures de temps pour parcourir la piste allant de Séguéla au village de Fimana en passant par la sous-préfecture de Massala. « Je fais la majorité de mes déplacements dans la circonscription à moto ou avec les véhicules de l’Onuci », explique Touré Pénakpéfan, sous-préfet de Massala. Une région dont le développement repose essentiellement sur l’agriculture, l’anacarde, le cacao, l’huile de palme etc. et l’extraction industrielle de pierres précieuses, dont le diamant et le granite ornemental de Djakala.

Une zone au sous-sol très riche abandonnée

Le maire de Massala, Dosso N’Va Karamoko, a même révélé que « le marbre ornemental de couleur noir-rose qui est au hall de la Fondation Félix Houphouët Boigny de Yamoussoukro vient de Djakala ». Bien que l’extraction de ces pierres précieuses soit arrêtée en Côte d’Ivoire, parce que sous embargo de l’Onu depuis 2009, du fait de la guerre, les résultats de l’exploitation artisanale sont évalués au chiffre record de 300 000 carats et le revenu annuel du trafic lié à cette activité estimé à plus de 40 milliards FCFA. M. Karamoko ajoute par ailleurs que ce sont plus de 264 villages du département de Séguéla qui sont coupés du reste de la ville du fait de l’état impraticable des pistes.

Une région productrice d’anacarde, de cacao, de maïs, de riz…

Dans le seul village de Gbogolo, sous-préfecture de Massala, selon les producteurs, ce sont près de 200 tonnes d’anacarde et de cacao qui sortent de la région chaque année. Idem à Fimana et Djirouhoulé où le même tonnage a été évacué sur le marché, selon le président de la jeunesse, Dilamane Dosso. Seulement, les acheteurs et pisteurs ne respectent pas les prix homologués, du fait des pistes non praticables qui empêchent tout contrôle. « On nous achète l’anacarde à 250 FCFA. Ce n’est qu’à la fin de la traite qu’on se retrouve avec, comme plafond, 500 FCFA le kilo », explique le président des jeunes de Fimana. Par ailleurs, le village de Djirouhoulé situé à plus de 42 km du chef-lieu de département, Séguéla, est le plus grand producteur de cacao, « avec plus de 1000 tonnes par an », soutient le chef de mission de la jeunesse dudit village, Dahouet Losseni.

Les structures sanitaires, les écoles, l’eau, l’électricité…très rares

Dans le village de Fimana fort de plus de 2000 âmes, il n’y a qu’une école de trois classes dont les enseignants bénévoles sont payés par les soins des parents d’élèves à 500 FCFA par enfant, par mois. Le centre de santé le plus proche est situé à 6 km du village. Ici, il n’y a pas d’électricité, encore moins d’eau courante. Par ailleurs, si Djirouhoulé, village de plus de 7000 âmes, situé à 14 km de Massala, bénéficie de l’électricité, il n’y existe que 6 classes. Ainsi, aux difficultés liés aux pistes villageoises s’ajoute un manque criard d’écoles, de structures sanitaires, d’eau potable et d’électricité dans l’ensemble du département de Séguéla. Dans la sous-préfecture de Massala, par exemple, c’est un fils du village qui a décidé, avec la médiation du sous-préfet, Touré Pénakpéfan, de céder son étage en fin de construction pour en faire un collège. Il s’agit de Traoré Karamoko, plus connu sous le pseudonyme de Yéyé Massa. « C’est ma part de sacrifice pour le bonheur de nos enfants qui ont besoin d’éducation», a soutenu le donateur.

Manque d’organisation et de cohésion entre les cadres et élus et pourtant…

A la différence de plusieurs régions de la Côte d’Ivoire où certains cadres et élus sont réunis au sein des mutuelles et associations, vous n’en entendrez pas parler dans le Worodougou. Cela se ressent directement sur les populations villageoises, dans leur organisation sociale, les productions agricoles etc. Il n’existe pas de coopératives de production villageoise. L’état a certes une grande part de responsabilité dans l’abandon de la région mais, les cadres, élus et toutes les autres couches socioprofessionnelles manquent d’union et de cohésion. Ne dit-on pas que c’est unis qu’on devient fort ? Des personnalités de cette région, de la Bceao, du Lbtp, des professeurs d’université etc. regardent sans réagir leur région abandonnée, alors qu’ils se rendent très souvent dans leur village. Le manque de politique de développement doublé d’une bataille de leadership fait que le département de Séguéla, région du Worodougou, prend un sérieux retard. Vivement que les nouvelles autorités de la Côte d’Ivoire jettent un regard sur les huit sous-préfectures de cette région.
Sériba Koné

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