Gbamnan Djidan (Maire FPI de Yopougon) à ses camarades FPI: « Que vous le voulez ou pas, ADO est le président de la République »

Source: Le Patriote

Gbamnan Guidan Jean-Félicien fait partie des Ivoiriens pro-Gbagbo en exil au Ghana voisin. Il a pris part à la rencontre que le président Ouattara a eue avec les Ivoiriens lors de sa visite d’amitié et de travail dans ce pays. Dans cette interview, il plaide ‘’non coupable’’ des accusations portées contre lui et émet son souhait de regagner la Côte d’Ivoire pour se mettre à la disposition de son pays.

Le Patriote: On vous a vu à la rencontre que le chef de l’Etat a eue avec la communauté ivoirienne. Vous étiez quasiment la seule haute personnalité Fpi à cette rencontre. Qu’est-ce qui a motivé votre présence?

Gbamnan Djidan: J’étais présent parce que d’abord, c’est le chef de l’Etat de Côte d’Ivoire qui arrive dans un pays étranger où par la force des choses, je me trouve. C’était normal en tant que fils de la Côte d’Ivoire, que je vienne à l’accueil de mon chef de l’Etat. C’est ça la première raison.

LP: Quelles sont les autres?

GD: La deuxième raison, c’est que nous avons des préoccupations, nous qui sommes en exil. Et nous voulons être rassurés par le message du chef de l’Etat. Beaucoup qui sont ici pour des raisons diverses, veulent retourner. Mais il y a quelquefois la peur, on attend le premier qui fera le pas pour voir s’il n’y a pas de conséquences. Tout cela fait que beaucoup hésitent. Le chef de l’Etat est venu, il parlé aux Ivoiriens. Il a montré sa bonne disposition à accueillir tous les Ivoiriens pour qu’ils rentrent chez eux. Donc, je suis venu, j’ai écouté. Et j’avoue que je suis un peu rassuré par le message du chef de l’Etat. Voilà les deux messages qui m’ont amenés à venir à cette réunion.

LP: Y a-t-il des ressortissants de Yopougon au nombre des refugiés ici au Ghana ?
GD: C’est d’ailleurs la troisième raison de ma présence à la rencontre avec le chef de l’Etat. Beaucoup de gens qui sont en exil ici, viennent de Yopougon. Et vous savez que ma commune a été meurtrie. Moi je suis en exil depuis le 29 mars, c’est-à-dire bien avant les graves évènements qui se sont passés. Je pense avoir fait ma part en faisant de la sensibilisation. Malheureusement, ma commune a vécu un drame et beaucoup des populations de Yopougon sont en exil. Si le maire ne vient pas au devant de ces difficultés pour essayer de rassurer sa population, c’est sûr que le retour sera difficile, la réconciliation qu’on veut, sera difficile. C’est pour quoi je suis venu pour me mettre à la disposition de mon pays, de ma commune pour que les gens qui me voient à une manifestation où le chef de l’Etat de Côte d’Ivoire est là, soient rassurés et pensent au retour. Bien sûr, il y a des conditions à réunir, mais il faut déjà se préparer pour le retour, parce qu’on est toujours mieux chez soi.

LP: Vous dites que vous êtes un peu rassurés après la rencontre avec le président de la République. Qu’est ce qu’il faut pour que vos soyez complètement rassuré ?

GD: Vous voyez, je prends mon cas. Je vous dis que je suis là depuis le 29 mars. J’ai donné toutes les preuves que je n’ai pas été impliqué dans ce conflit. J’ai fait des interviews, des déclarations, j’ai parlé à Rfi. J’ai simplement été directeur de campagne du président Gbagbo à Yopougon, ce n’est pas caché, tout le monde le sait. Mais, il y a eu beaucoup d’accusations, beaucoup de délations, beaucoup de méchanceté. Et aujourd’hui, ma maison est occupée. Il y a eu onze délégations différentes des Frci qui ont été dans la maison. Ma maison est complètement saccagée. J’avais un hôtel avec lequel je vivais, qui est complètement saccagé. Deux cent personnes, agents des Forces républicaines y habitent. J’ai mon compte qui est bloqué depuis des mois. J’ai travaillé depuis des années dans les institutions, j’avais un minimum avant de venir dans la politique. Je ne suis pas fondamentalement politicien. Mais, je me retrouve dans une situation où je suis l’objet d’accusations complètement fantaisistes. Des gens, même de mon propre camp, ne veulent pas que j’arrive. Tout cela n’est tout de même pas rassurant.

LP: Et pourtant, vous faites partie des premiers à avoir reconnu le régime du président Ouattara. Comment se fait-il alors que vous soyez encore dans cette situation ?

GD: J’ai fait toutes les démarches qu’il faut. J’ai donné la preuve des réunions que j’ai tenues à Yopougon avec des jeunes. Moi-même, j’ai été agressé à des barrages dressés par des jeunes quand j’ai demandé qu’on lève ces barrages. J’ai la preuve de tout. J’ai des enregistrements des réunions que j’ai faites pour appeler les jeunes à la paix. J’ai été dans les mosquées qui ont été attaquées pour apporter mon soutien aux victimes. Tous ces éléments sont disponibles, mais il se trouve aujourd’hui des gens qui sont contre mon retour. J’ai aussi des oreilles dans la commune. Beaucoup disent qu’ils attendent le maire, qu’il a armé des miliciens. Il y a des accusations mensongères. Ce n’est pas fait pour rassurer le maire que je suis, le citoyen que je suis. Il y a des problèmes de sécurité qu’il faut régler. Je ne sais même pas où je vais dormir. Donc, il y a un certain nombre de choses sur lesquelles je voudrais être rassuré. Moi, je ne parle pas en termes de discours politique. Je parle de citoyen libre qui veut retourner servir son pays. J’ai l’impression que ce message n’est pas compris de tout le monde. Peut-être que le chef de l’Etat est dans de très bonnes dispositions, mais je pense que tout le monde autour de lui ne marche pas dans cette même voie. C’est pour cela que nous avons encore des appréhensions. Et sa présence nous rassure un peu. Parce qu’il y a des gestes simples qu’on peut faire. Si on nous reproche quelque chose, il y a des enquêtes qui peuvent être conduites. On peut interroger les banques pour voir les mouvements sur les comptes. En une semaine, on peut régler ces problèmes. Mais comment pouvez-vous imaginer qu’un citoyen comme moi, pendant huit mois, je ne puisse pas avoir accès à mon compte. J’ai travaillé avant de faire la politique, je continue à travailler. Et me retrouver dans une telle situation où on m’accuse de tout, alors que je pense avoir fait mon travail, je pense avoir sensibilisé. Nous sommes donc dans l’attente. Mais après avoir analysé comme je vous l’ai dit, tout cela, je suis heureux de toutes les actions de développement qui ont été entreprises. Je m’inscris dans le développement. Je veux dire, même gérer une commune pour moi, en arrivant à la tête de Yopougon, ce n’était pas pour faire de la politique. Donc, je m’inscris dans les actions de développement. Et j’espère que les conditions seront créées pour que le maximum d’Ivoiriens retourne. Les gens vivent dans des conditions difficiles. Moi-même, si je vous quitte, j’irai faire la cuisine moi-même. Je prépare moi-même, je lave les assiettes, je lave mes habits, ce que je n’avais jamais fait. Je m’adapte, ce sont des leçons de vie.

LP: Que voulez-vous dire, votre famille est-elle dispersée?

GD: Oui, ma famille est éparpillée. Je vis seul ici. J’ai des enfants qui sont dispersés. Ce n’est pas évident cette situation. Il faut que vous-mêmes de la presse, vous aidiez à cela, parce que quand j’entends encore et je vois des écrits de certains journalistes, ce n’est pas facile. Quand on parle de guerre, ce n’est pas par les armes seulement. C’est par les paroles, les actes de chacun de nous. La Côte d’Ivoire a vécu des drames, il faut que ça s’arrête. Voyez au Ghana ici, on est en train de construire des routes, des Européens arrivent. Tout cela participe au développement du pays.

LP: Monsieur le maire, il y a que le discours que tiennent vos camarades exilés ici au Ghana, ne rassurent pas ceux qui sont au pays. Beaucoup continuent de poser des conditions pour leur retour, notamment la libération des incarcérés. Partagez-vous leur attitude ?

GD: Moi, je ne parle pas pour les représentants politiques. J’ai fait ma part. Je pense que dans cette élection, nous avons eu des résultats. Il y a la communauté internationale qui est venue arbitrer, qui nous a donnés des résultats. Moi personnellement, si ça ne tenait qu’à moi, à partir du 10 mars, cette crise était terminée. Elle a été gérée autrement. Ceux qui ont décidé de le faire ainsi, ont leurs raisons. Mais en ce qui me concerne, je dis, à partir du 10 mars, quand on a eu les résultats du panel, ce conflit pour moi, devrait s’arrêter, et nous devrions voir comment les Ivoiriens pouvaient se mettre ensemble pour travailler. Je regrette qu’on soit arrivé à cette situation où on a perdu des vies humaines, des biens. Si on aime vraiment son pays, on doit chacun faire des sacrifices.

LP: Quel type de rapport entretenez-vous aujourd’hui avec les extrémistes de votre parti?

GD: Je n’ai aucun rapport parce que je suis dans un pays étranger. Je suis dans mon coin. Je ne suis pas venu ici pour faire la politique. La politique se fait en Côte d’Ivoire. Quand je rentrerai, si j’ai encore envie de faire la politique, je la ferai. Mais, je ne peux pas venir à l’étranger pour parler. Si on veut parler, il faut être en Côte d’Ivoire. Alors, je ne vais à aucune réunion. Les gens pensent même que je suis à Abidjan. Certains me disent que je me suis rallié au pouvoir, que j’ai abandonné mes camarades du parti. J’ai été dans une grande surface, des gens ont été surpris de me voir. Ils ont dit : « ah, tu es ici? On nous a dit que tu es parti, que tu travailles avec le nouveau pouvoir ». C’est dire que je ne suis pas dans ces dispositions aujourd’hui. Il faut le dire, la Côte d’Ivoire n’a pas besoin de ces choses-là. La politique, on va continuer à la faire, mais aujourd’hui, il y a le président Alassane Ouattara qui est au pouvoir. Quand on le dit, ce n’est pas pour négocier quelque chose. Je le dis franchement, je ne négocie aucun poste. Je ne suis même pas candidat à quelque chose. Mais je dis, aujourd’hui, on doit avancer. On doit aller résolument vers la paix, avoir des discours apaisants de part et d’autre. Ce n’est pas dans ce camp seulement, mais dans tous les autres. Il y a des gens qui sont très agressifs. Quand je lis sur internet, tous les commentaires de certains écrits, des insultes, mais il faut qu’on sorte de ça. Si on y reste, ça n’arrange personne. C’est dans cette disposition d’esprit que je suis. Et je le dis, pour ceux qui ont des ambitions à Yopougon, ils peuvent y aller. Je ne suis candidat à quoi que ce soit. Je l’ai dit, ceux qui me connaissent savent comment je suis arrivé à la politique pour être maire. C’est Dieu qui a décidé. Moi, je suis ingénieur agronome. Je suis directeur de projet, et mon projet était en cours. J’étais bien payé et tout le monde le sait au ministère de l’Agriculture. Donc, je n’ai pas cette ambition là. A Youpougon, les gens peuvent aller. Mais de grâce, qu’on pense à la réconciliation. Il y a certains qui prennent le prétexte de faire des tournées de réconciliation, font des dénigrements pour se positionner politiquement. Mais moi, je veux que ça soit une réconciliation sincère pour qu’on sorte définitivement de là. C’est dans cette disposition que je suis.

LP: A quand votre retour au pays ?

GD: J’ai parlé au président de la République quand il passait devant moi. J’ai parlé à des gens qui me connaissent, des ministres que je connais pour la plupart, qui travaillent auprès du président Alassane Ouattara. J’ai parlé à l’ambassadeur. J’ai donné tous les éléments de preuve, j’attends la réaction des autorités. Si on me garantie que chez moi, ceux qui sont là, que je ne connais pas, n’y seront plus, que j’ai un minimum de sécurité – parce que les biens qu’on a perdus, on peut les retrouver, je suis partant. Je veux même aller en mission gratuitement pour l’Etat, revenir ici pour parler aux gens de Yopougon pour les rassurer que moi-même je suis retourné à Yopougon. Leur dire que le maire qu’ils ont élu est là, qu’ils peuvent donc rentrer. C’est cette mission que je veux faire de façon bénévole. Le président a dit qu’il est prêt à sanctionner les abus de pouvoir. Il faut qu’il regarde bien. Il y a des gens à qui on ne reproche rien, mais on va bloquer son compte. Mais, est-ce qu’ils pensent aux conséquences ? J’ai des enfants qui vont à l’école dont je paye la scolarité en Europe. Je n’ai pas demandé la bourse de l’Etat, ni d’un ami quelconque. Mais quand depuis huit mois, tu ne peux pas envoyer de l’argent à tes enfants, qu’on les sort de l’école, quelle est donc cette justice qu’on recherche ? On ne doit pas jouer avec la vie des Ivoiriens. Mais qui vous a dit qu’on veut faire la politique ? Moi personnellement, si c’est comme ça la politique, je ne fais pas la politique. Je veux m’amuser, je veux sortir, je veux être libre. On me dit toujours que je suis le maire le plus chaud. (…) Il y a des choses qui n’ont pas besoin de la politique. On est nombreux dans ce cas. Qu’on nous laisse en paix. On va retourner dans notre pays pour qu’il se développe. Je serai fier d’être Ivoirien avec le pont qui est en train d’être construit, les routes de ma commune qui sont faites, les projets qu’on annonce pour créer des emplois pour les jeunes. Qu’est-ce que je veux d’autre ? Si c’est Alassane Ouattara qui le fait, je rends grâce à Dieu.

LP: Etes-vous séduit par son projet ?

GD: Oui, les faits sont prometteurs, et il faut que tout le monde adhère. Que vous le voulez ou pas, il est le président de la Côte d’Ivoire. C’est lui qui nomme les ministres, nomme dans l’administration, dans l’armée. Le Conseil constitutionnel s’est dédit et a dit que c’est lui le président. Donc, tout est fini. Je ne vois pas de conditions à poser. On doit travailler avec le chef de l’Etat, un point un trait. Je suis, moi, dans cette disposition.

Kigbafory Inza
(Envoyé spécial à Accra)

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