Côte d’Ivoire: Le grand retour des caisses noires

Les experts commis par les nouvelles autorités ivoiriennes pour préparer la réforme de la filière café-cacao ont finalement rendu leur copie à leurs mandants qui eux, l’ont portée à la connaissance du grand public. C’était le 2 novembre dernier, à l’issue du conseil des ministres tenu ce même jour et qui a annoncé comme décision principale, le retour à la stabilisation des prix du binôme café-caco. Si on en croit Mamadou Sangafowa, le ministre de l’agriculture, qui dès le lendemain a animé une conférence de presse sur le sujet, il s’agit ni plus, ni moins de « sécuriser les gains des producteurs par la mise en place d’un prix minimum garanti. Autrement dit, le paysan ne pourra accepter de céder sa production en dessous du prix défini pour la campagne, le prix indicatif faisant place au prix garanti. A travers ce mécanisme, le producteur touchera au moins 60% du prix fixé à l’international.» Le plaidoyer de sophiste du ministre a-t-il convaincu ? Rien n’est moins sûr si on s’en tient aux éclats de voix qui fusent déjà du milieu paysan et qui demandent que les producteurs soient représentés au sein de cette nouvelle Caistab. Une revendication qui montre bien le degré de confiance qui existe entre les gouvernants et les paysans Ivoiriens. D’ailleurs, ces derniers ont de quoi nourrir leur méfiance envers les autorités. Avec notamment le prix du cacao bord champ, fixé récemment à 1000 Fcfa minimum par le gouvernement et piétiné sur le terrain par les acheteurs, qui négocient le kilogramme de fèves à moins de 500Fcfa. Une réalité qui a poussé, il y a quelques temps, les producteurs de la région du Bas-Sassandra, la nouvelle boucle du cacao, à bloquer la commercialisation de leur production, quand d’autres choisissaient purement et simplement de passer la frontière ghanéenne pour décrocher une meilleure rémunération. De plus, les coopératives financées sous le régime Gbagbo pour échapper au diktat des multinationales véreuses, ont été brutalement sevrées par les services du nouvel homme fort d’Abidjan, les condamnant ainsi à une mort certaine. Les mauvaises langues expliquent l’option gouvernementale par la volonté d’offrir plus de champ aux acheteurs occidentaux au rang desquels celui-ci compteraient des amis. Vrai ou faux, toujours est-il que les producteurs de la paire café-cacao, sont à nouveau en proie aux tourments et à la déprime qui étaient les leurs avant le règne de Laurent Gbagbo. Mais ces derniers ne sont pas les seuls à s’inquiéter de la résurrection de la caisse de stabilisation. Bien d’Ivoiriens y voient le retour des caisses noires qui ont marqué les régimes Houphouët et Bédié, deux personnalités qui totalisent à elles seules, environ 40 ans de pouvoir en Côte d’Ivoire. Le chef de l’Etat actuel ayant promis de ramener le pays aux temps d’Houphouët,- où la norme est de ne pas regarder dans la bouche du grilleur d’arachides-, ces derniers ont de quoi alimenter leur conviction.

Surtout avec la polémique sur l’inscription en ligne instaurée cette année au secondaire et qui ne cesse d’enfler. Une affaire sulfureuse portant sur plusieurs millions de nos francs dans laquelle les noms de Sanogo Mamadou, ministre de la construction et de l’urbanisme et patron de Celpaid, et de sa collègue Camara Kandia sont régulièrement cités par la presse. Des acteurs politiques bien connus de la place y sont allés de leur grain de sel pour dénoncer un financement déguisé en faveur du Rdr pendant que le financement des partis politiques sur fonds publics a été suspendu par le régime. Et malgré la montée d’adrénaline, le gouvernement se la joue toujours muet sur la question, se contentant au passage, de menacer de traduire en justice les journaux fouineurs. Déjà sur la production du pétrole qui a curieusement connu un gap de 10.000 barils/jour, le ministre Adama Toungara n’avait pas été plus bavard pour expliquer à ses concitoyens, le manque à gagner. Ce sont autant de zones d’ombre qui donnent bien du grain à moudre à ceux qui annoncent sans hésiter, le grand retour des caisses noires en Côte d’Ivoire.

Par Yves De Séry
Le Quotidien

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