Gbagbo devant la CPI: Premier pas dans l’enfer judiciaire

CPI

Hier à Ouagadougou autour de 13 heures, on a été surpris de voir de nombreuses personnes suivant attentivement la chaîne France 24. On pense qu’il en était de même à Abidjan et dans d’autres villes de la Côte d’Ivoire, puisque Laurent Gbagbo comparaissait pour la première fois devant la Cour pénale internationale. On se souvent qu’il a été arrêté le 11 avril 2011 en pleine crise postélectorale qui a fait 3 000 morts.

Soupçonné de crimes contre l’humanité, à savoir meurtre, viols, actes inhumains et persécutions commis entre le 16 décembre et le 12 avril, l’ex-président ivoirien a été transféré à la Haye au Pays-Bas le 29 novembre dernier. Au cours de la comparution initiale, les juges ont vérifié son identité, se sont assurés qu’il a été informé clairement des charges portées contre lui et des droits que lui reconnaît le statut de Rome, le traité fondateur de la CPI.

Habillé en costume bleue, chemise blanche et cravate bleue, l’enfant terrible de Mama n’a toujours pas digéré les conditions de son arrestation le 11 avril de cette année finissant. Il en a relaté les circonstances en s’appliquant, bien qu’il s’en soit défendu, à apitoyer ses auditeurs et s’est servi de cette tribune pour accabler à souhait son ennemi juré, la France de Sarkozy. Le contraire nous aurait étonné de lui qui a toujours puisé sa force dans un discours populiste et anticolonialiste. En un mot comme en mille, il soutient que si l’actuel pouvoir, avec à sa tête Alassane Dramane Ouattara, l’a « dépecé », c’est Paris qui l’a égorgé.

Tout en restant égal à lui-même avec son traditionnel humour décapant, celui qui passe aux yeux de nombreux observateurs pour être un grand politique bien que diminué physiquement par, dit-il, de difficiles conditions d’incarcération à Korogho, a décrit en détail les circonstances de son arrestation et de sa mise au frais. L’ex-président ivoirien aurait-il retrouvé une lueur d’espoir à travers son transfèrement à côté du procureur, Louis Moreno-Ocampo ?

En tout cas, à l’entendre, il se sentirerait mieux à l’Haye, où les conditions d’incarcération seraient très douces. Nous qui croyions que la belle villa de Korogho qu’il a fait réhabiliter au coût de plusieurs millions et où il aimait séjourner lors de ses visites dans la région était un havre de paix, le fondateur du FPI nous apprendra que seule la pluie lui faisait savoir le temps qu’il faisait dans cette ville du Nord.

En effet, il semblait être comme dans un cachot, puisqu’il affirme ne même pas avoir eu l’occasion de voir les lueurs du soleil pas plus qu’il ne lui était accordé des instants de liberté dans la cour. Comme dirait le général Lamizana lors de son procès devant l’un des tribunaux populaires de la révolution que le Burkina Faso a connus dans les années 80 : « Ce n’est pas parce qu’il neige sur le toît qu’il ne fait pas chaud à l’intérieur » ; en dépit de tout cela, c’est un Gbagbo décontracté qu’il nous a été donné de voir avec sa verve habituelle.

Mais pourrait-il convaincre la CPI de son innocence bien que son talent de « boulanger » soit bien connu ? Attendons de voir. Car nous ne sommes qu’au début d’un long processus qui peut durer des années ; la preuve, la prochaine audience, qui sera consacrée à la confirmation des charges, étape préalable à la tenue d’un éventuel procès, aura lieu dans quelque six mois, ce sont donc des premiers pas que Laurent Koudou Gbagbo vient d’effectuer dans l’enfer judiciaire.

Abdou Karim Sawadogo — L’Observateur Paalga

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