Législatives 2011 – Comment Ouattara a roulé Bédié dans la farine

Durant ces dernières semaines d’élections législatives en Côte-d’Ivoire, le nouveau découpage électoral avantageux pour le Rassemblement des Républicains [RDR] du président Alassane Ouattara, a fait l’objet de débats intenses. Connectionivoirienne.net a pu mettre la main sur un document confidentiel de travail d’une ONG internationale de premier plan en Côte-d’Ivoire. Ce document a été envoyé bien avant les élections du 11 décembre dernier, à la Commission Électorale Indépendante [CEI], à la mission Onusienne [ONUCI], à la Cour constitutionnelle, à plusieurs ambassades et au gouvernement ivoirien. Nous vous proposons dans son intégralité ce document, pour des raisons opaques, resté inexploité.

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ANALYSE DU CADRE JURIDIQUE DES ELECTIONS LEGISLATIVES EN COTE-D’IVOIRE (11 DECEMBRE 2011)

Avant la tenue des législatives du 11 décembre 2011, il est bon d’une part, d’analyser la conformité de ces élections avec le cadre constitutionnel et légal en vigueur et les principes de gouvernance démocratique universellement reconnus ; et d’autre part, de vérifier si à terme, les résultats du processus électoral reflètent la volonté de l’électorat ivoirien. Dans cette optique, nous faisons les observations suivantes relatives au nouveau découpage électoral.
Aux termes du décret n°2011-264 du 28 septembre 2011 portant dénomination des circonscriptions électorales pour les législatives 2011-2016, il existe désormais 255 sièges à pourvoir, répartis comme suit : 205 circonscriptions électorales avec 95 départements et 32 régions administratives. Initialement, il existait 174 circonscriptions avec 225 députés ; soit 30 sièges supplémentaires.

• Critères d’attribution de sièges

Pour l’attribution des sièges à l’hémicycle, il existe des critères scientifiques, internationalement reconnus, entre autres : la densité de la population, la superficie de la localité, l’accessibilité de la localité, sa situation économique.
En Côte d’Ivoire, avant l’année 2000, aucun critère n’était défini pour le calcul des sièges. Mais, à l’issue des travaux de la défunte Commission Consultative Constitutionnelle et Électorale (CCCE), sous la transition militaire, une formule de calcul des sièges a été définie. Elle prend en compte la superficie et la population de la localité concernée pondérées respectivement à 75 % et 25 %. Le nombre de sièges est alors obtenu en faisant d’une part, le rapport population locale par la population totale de Côte d’Ivoire, multiplié par 0,75. D’autre part, le rapport superficie locale par la superficie totale de la Côte d’Ivoire qui est multiplié par 0,25. Ces deux sous-résultats obtenus sont additionnés. Le chiffre obtenu est multiplié par le nombre total de sièges au niveau national.

Cette formule a-t-elle servi de base de calcul pour le découpage électoral issu du décret n°2011-264 du 28 septembre 2011?

Pour ce qui est du nouveau découpage, le gouvernement n’a pas indiqué les critères qui ont prévalu. Mais, à l’analyse, nous constatons que ce sont des critères subjectifs qui ont été retenus, notamment l’augmentation de l’électorat ; et donc, des critères politiques. Nous prendrons quelques exemples :

Au nord, nous sommes passés de 53 sièges dans l’ancien découpage, à 74 sièges, soit 21 sièges en plus. Et 09 sièges dans toutes les autres régions de la Côte d’Ivoire.
Ex : Dans la région du Bafing (nord de la Côte d’Ivoire, chef-lieu : Touba), pour une population électorale de 38 766, il est prévu 5 sièges de députés, soit 1 député pour 7 000 électeurs, contre 1 député pour 26 000 électeurs dans la région du Fromager (centre-ouest, chef-lieu Gagnoa), et 1 député pour 55 000 électeurs à Abidjan, pour une moyenne nationale de 1 député pour 22 453 électeurs. Autrement dit, 1 électeur du Bafing vaut presque 4 électeurs de la région du Fromager et presque 8 électeurs à Abidjan. Le principe démocratique selon lequel : 1 homme, une voix, devient : 4 hommes une voix dans l’ouest et 8 hommes une voix dans le sud. Le département de Korhogo (10 sièges) a presque 2 fois plus de sièges que les départements suivants de même importance ou souvent plus grands: Yopougon (6 sièges), San-Pedro (5 sièges), Gagnoa (5 sièges), Daloa (6 sièges), Man (4 sièges).

Le département d’Odienné (5 sièges) a plus de sièges que des départements plus importants comme Abengourou (3 sièges), Adzopé (3 sièges), Sassandra (2 sièges), District Autonome de Yamoussoukro (3 sièges).

Avec le nouveau découpage électoral, ces régions auront 74 sièges de députés, soit 30% des sièges du Parlement, au détriment du District Autonome d’Abidjan qui totalise 30% de l’électorat et qui se retrouve avec 12% des sièges.

Par ailleurs, au niveau des 13 nouvelles régions créées, 6 se retrouvent au nord.
En somme, le nouveau découpage électoral ne respecte pas les critères d’objectivité, d’équité, et à défaut, de consensus.

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