Nouvel élément sur l’origine du génocide rwandais

Reuters –

PARIS (Reuters) – Une expertise technique sur l’attentat à l’origine du génocide qui a fait 800.000 morts en 1994 au Rwanda affaiblit la thèse qui met en cause l’entourage de l’actuel président tutsi Paul Kagame, ont déclaré mardi plusieurs avocats.
Si le camp de Paul Kagame et ses défenseurs parlent d’une journée « historique » et le disent innocenté d’un des plus graves événements historiques du XXe siècle, ses adversaires hutus contestent que la preuve ait été apportée de leur propre culpabilité et soulignent qu’il n’y rien de catégorique.
Deux juges français ont présenté lors d’une audience à huis clos cette expertise sur les tirs de missiles contre un avion en avril 1994 à l’atterrissage à Kigali, qui avaient causé la mort du président hutu Juvénal Habyarimana et de 11 autres personnes.
Cet attentat avait marqué le début du génocide.

Les camps hutu et tutsi, qui respectaient alors une trêve, avaient des bases près de l’aéroport.
La justice française poursuivait depuis 2006 neuf proches de Paul Kagame, à la tête en 1994 d’une rébellion armée, le FPR, qui devait prendre le pouvoir après le génocide. La thèse était qu’il avait voulu ainsi forcer l’accès au pouvoir.
Le rapport, réalisé après un transport d’experts ainsi que des juges Marc Trévidic et Nathalie Poux sur place en 2010, conclut que les tirs ne peuvent techniquement venir des bases alors occupées autour de l’aéroport par les partisans de Kagame.
Mais ils ne désigneraient pas formellement pour autant les miliciens hutus.
Bernard Maingain, avocat des dignitaires du régime Kagame poursuivis par la justice française depuis 2006 parle de tournant « historique » et juge démontrée la thèse selon laquelle des extrémistes hutus auraient tué « leur » président pour fournir un prétexte au déclenchement d’un génocide déjà préparé.

BRUGUIÈRE MIS EN CAUSE

« C’est une journée historique et très importante, a dit Me Maingain. Cela signifie qu’on met un terme à plus de 16 ans de manipulations et de mensonges dans ce dossier. »

« Il faudra qu’au niveau de la justice française, on se mette à investiguer dans les directions que nous avions indiquées. En tout cas, c’est un jour d’allégresse pour les personnes qui avaient été prises en otages dans cette affaire », a-t-il ajouté.
Me Jean-Yves Dupeux, avocat des enfants Habyarimana, a contesté cette conclusion.

« L’expertise ne peut désigner le camp hutu. Ce que dit l’expertise, c’est que, en l’état de leurs constatations, les tirs ne peuvent provenir du camp de (Paul Kagame). Ça ne désigne pas pour autant le camp d’en face », a-t-il dit à Reuters.
Aucune source indépendante n’a pu dans l’immédiat commenter la présentation complète du document. Une conférence de presse doit se tenir à Paris mercredi. L’ambassade du Rwanda a dépêché un chargé de communication au tribunal et le gouvernement Kagame se dit blanchi.
La source du génocide et son déroulement font toujours l’objet de vifs débats diplomatiques et politiques. La délivrance de mandats d’arrêt par le juge Jean-Louis Bruguière en 2006 contre neuf proches de Paul Kagame avait provoqué la rupture des relations diplomatiques entre Paris et Kigali.
Six des suspects ont été mis en examen fin 2010 par les juges français, lors d’auditions en Afrique à l’issue desquelles les mandats d’arrêt avaient été levés, notamment ceux à l’encontre de James Kabarebe et Charles Kayonga, respectivement ministre de la Défense et chef d’état-major de Paul Kagame.

Ce dernier considérait en 2006, au début de la procédure, que Paris tentait de lui imputer la responsabilité du génocide, dont il juge la France coresponsable parce qu’elle avait envoyé des troupes sur place après le départ des soldats belges.
Les relations diplomatiques ont été rétablies depuis. En déplacement au Rwanda en février 2010, le président Nicolas Sarkozy a reconnu des « erreurs » de la France, qui soutenait le régime Habyarimana, dont sont issus les génocidaires.
Les conclusions affaiblissent aussi les conclusions du juge Bruguière, qui n’est jamais allé au Rwanda et avait fondé les poursuites de 2006 sur une expertise erronée de photos des lance-missiles et des témoignages ensuite rétractés.
Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse

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