Cote d’ivoire – Les germes et les signes annonciateurs d’une reprise du conflit

Non, je ne suis nullement partisan de cette éventualité et je ne ferai point de démagogie pour la considérer comme salutaire. D’ailleurs elle pourrait être sans lendemain, hasardeuse et dramatique. Mais, le regard que je fais du quotidien me condamne à tirer la sonnette d’alarme et m’autorise à évoquer cette éventualité comme probable. Dans ce cas, on ne pourra pas me taxer d’oiseau de mauvais augure d’autant plus que ce que je décris n’apparait comme une fatalité.

Le talon d’Achille de notre pays c’est bien l’illumination, le négationnisme et la haine viscérale développés par nos entités politiques, qui de plus ne peuvent s’accommoder entre elles.

Les ¾ de la population Frustrés

Le président Ouattara vient de reprendre la main à son poulain Soro et a frustré les ¾ de la population (et moi le non nordiste qui l’ai voté avec) lors de l’évocation du rattrapage ethnique, pour justifier l’outrancière présence des nordistes nommés à tous les postes de responsabilité. Conséquence, une partie des ivoiriens a désormais le sentiment que leurs enfants sont condamnés à ne plus pouvoir entrer dans l’administration publique et ont un sentiment de rejet instinct des nordistes, considérés comme les privilégiés de cette mesure. Leur rend-on vraiment service? Ouattara, qui aux yeux de l’ivoirien lambda se moque sinon se gausse de son opposition politique, ne semble faire aucun effort pour les remettre dans le jeu politique, sinon les taxer de radicaux pour leurs revendications et préalables jugés farfelus. Ouattara, qui fait des appels aux exilés puis en arrête certains, et pour les autres, des mandats d’arrêt sont lancés. En un mot, revenez, pour qu’on vous mette en prison.

Il y a Soro Guillaume, l’énigmatique, qui aime à être seul chef et qui ne s’encombre jamais d’entités qui peuvent lui faire de l’ombre et lui faire perdre son aura. Mis hors jeu avec le récent remaniement, il se targue néanmoins d’être la deuxième personnalité du pays. Certains pensent que la menace réelle de son éventuel transfèrement à la CPI pourrait lui faire renouer des contacts avec Blé Goudé pour qu’en cas de déflagration, il puisse s’appuyer sur une base solide, un peu à l’image de ce qu’a semblé faire IB qui, non rétribué pour les efforts faits dans la chute de Laurent Gbagbo, et acculé par le camp Ouattara avait semble t-il donné gîte et couvert à certains miliciens pro-Gbagbo. Certaines personnes voient en Soro et ses comzones, à juste titre ou non, une menace. Cet excès de susceptibilité et de méfiance du camp présidentiel vis à vis de Soro a pour conséquence d’en rajouter à l’atmosphère délétère qui prévaut déjà.

Il y a aussi les récents exilés dont certains sont des militaires, qui estiment qu’ils n’auront leur salut qu’à un retour triomphal. Certains d’entre eux sont tellement démunis que la tentation contre espèces sonnantes et trébuchantes de participer à un assaut sur Abidjan peut, être forte et décisive.

Et il y a enfin et le plus important, la communauté internationale, euphémisme, dans le cas du conflit ivoirien pour désigner la France. Disons le tout net, la France de Sarkozy est en perte de vitesse. Et il est presque certain qu’il ne sera pas reconduit. La conséquence immédiate est qu’à la tête de la France il y aura un président non pas anti Ouattara mais neutre vis à vis du conflit ivoirien. Les rapports sont différents quand c’est un ami qui dirige ou quand c’est un être neutre. Un nouveau président français pourra t-il s’accommoder des exactions commises ici et là par les FRCI, s’accommoder d’une condamnation de Gbagbo à La Haye sans contrepartie dans le camp adverse, s’accommoder d’une démocratie proche du parti unique? Cette arrivée de Hollande plus que probable a ragaillardi militants, dirigeants et extrémistes de l’opposition ivoirienne.

Conséquences des différents conflits

Mais le drame ivoirien viendra surtout du fait qu’on n’a nullement tiré les conséquences des différents conflits tant les antagonismes sont présents entre les différentes parties et le clivage pro et anti Ouattara prend des proportions abyssales. Les douleurs sont vivaces et les rancœurs tenaces. À écouter une partie des ivoiriens, la stabilité ne viendra qu’avec la chute du régime actuel. L’autre partie estime qu’elle ne fera jamais autant de mal que Gbagbo leur en a fait, à partir de ce moment tout leur est permis. Mais tout est-il utile? Tous ces mini conflits entre FRCI et populations ne sont que les aspects visibles de deux entités qui malheureusement ne peuvent et ne veulent plus vivre ensemble. Faut-il passer sous silence la frustration des corps habillés délestés d’une partie de leurs émoluments et aux ordres de leurs ennemis d’hier?, le désir de vengeance des pro-IB?, la frustration d’une partie de la population qui estime que justice ne leur a pas été faite?, l’accaparement et l’expropriation des terres à l’ouest par des inconnus au détriment des autochtones ? Faut-il vraiment passer sous silence ces signes évidents que des camps d’entraînement de miliciens et mercenaires pro-Gbagbo semblent selon la presse foisonner. Je suis d’avis avec ceux qui estiment que le fait d’empêcher le FPI de faire de la politique est une faute lourde qui met en péril nos vies en fragilisant de ce fait la cohésion. S’est-on posé la question de savoir: dans l’après Sarkozy quelle sera l’attitude des soldats français postés en Côte d’Ivoire vis à vis du conflit ivoirien eux qui restent tributaires des décisions de leur président, à venir Hollande?

Et malheureusement à voir les FRCI se mettre en état d’alerte, montre bien qu’une partie des ivoiriens est arrivée malheureusement à la conclusion que le conflit armé est la panacée, aventure que je ne partage nullement à cause de son corollaire mortuaire.

Dan roy Manleu depuis Kansas City le 19 mars 2012
roidan.manleu@yahoo.fr

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