« On ne gère pas un pays dans la vengeance » Drigoné Faya, ancien Fesciste prévient

Il a brillé de mille feux à la Fédération estudiantine et scolaire de Côte-d’Ivoire (Fesci). Lui, c’est Drigoné Faya, syndicaliste étudiant de la génération de Blé Goudé Charles et de Soro Guillaume, candidat malheureux au poste de Secrétaire Général au congrès de 1998, ancien membre du Bureau Exécutif National. Pour la toute première fois depuis la fin de la crise postélectorale en Côte-d’Ivoire, il a accepté d’accorder cette interview-vérité à connectionivoirienne.net

Faya photo DR.

INTERVIEW exclusive réalisée par Sériba Koné avec G.D.A. | Connectionivoirienne.net

Faya Drigoné, voici un nom qui se confond avec la Fesci. Que devient le Fesciste et où se cache-t-il. Pourquoi ?

Je voudrais d’abord vous remercier pour l’opportunité que vous m’offrez afin de me prononcer sur l’actualité de mon pays. L’ex-fesciste est là, il se porte bien. Non je ne me cache pas, je suis seulement peu bavard c’est tout. La preuve vous avez pu m’avoir pour l’interview. Frère, je voudrais dire aussi souvent lorsque tu n’as rien à dire aux Ivoiriens, il faut que l’on puisse se taire, c’est cela aussi être responsable. C’est ce que je fais souvent par rapport à certaines personnes qui passent leur temps à s’étaler dans la presse.

De la naissance de cette fédération estudiantine à ce dont il a été donné de voir ces dix dernières années, quelle commentaire et analyse faites-vous de cette organisation ?

Vous avez parfaitement raison car cette organisation est devenue mafieuse, juste après notre départ. Nous avons tenté de redresser les choses, mais le Fpi qui soutenait le secrétaire général, voyait dans notre attitude une manœuvre du Rdr pour les déstabiliser. C’est cette crise là qui a été qualifiée de guerre des « machettes ». Car en réalité, je voulais une Fesci au-dessus des clivages politiques. La suite nous la connaissons, lorsque nous sommes partis, les gens ayant les mains libres, s’en sont donnés cœur joie. Les tueries, la violence, la location des chambres d’étudiant à des non étudiants, des agressions sexuelles voire la formation de groupes de miliciens pour dit-on défendre la république. Les résidences des étudiants étaient devenues des camps militaires et des caches d’armes où des individus régnaient en maître absolu et ils avaient droit de vie ou de mort sur tous. C’est vraiment regrettable que cette organisation qui représentait beaucoup de choses aux yeux de la jeunesse ait pu se laisser manipuler par le politique, juste pour des intérêts égocentriques. La preuve certains sont devenus « quelqu’un grâce à cela » pour parler comme les Ivoiriens.

De l’avis de certains observateurs, « Le congrès raté de 1998 est à l’origine de la divergence et des problèmes entre Fescistes. » qui a conduit à la crise des machettes, au coup d’État puis à la rébellion. Partagez-vous cette assertion ?

C’est vrai, d’une part le congrès de 98 nous a vraiment divisé, car le Bureau national sortant [dirigé par Soro Guillaume, Ndlr.] voulait imposer un candidat peu charismatique à la tête de la Fesci [Yayoro Karamoko, Ndlr.] et, en plus ce bureau manœuvrait pour m’écarter de la course, chose que nous avons refusée. Le BEN d’alors a organisé un complot contre moi en allant jusqu’à saccager ma chambre en résidence universitaire. J’étais devenu un paria dans certaines résidences universitaires car c’était la chasse à moi et à mes partisans. Nous sommes allez jusqu’à la résidence de l’opposant Gbagbo pour régler ce conflit. Mais nous savions les manœuvres qui se tramaient. Finalement de part notre vigilance nous avons pu être candidat vraiment dans des conditions difficiles. Mais bon, tout cela est derrière moi aujourd’hui car je regarde devant. D’autre part, c’est la politique qui est à la base de la division entre nous, car les partis politiques tiraient les ficelles et cela s’est ressenti à travers le congrès de 98. Le FPI a surtout beaucoup manœuvré pour que la structure soit entre ses mains et il a réussi à le faire. Le RDR voulait aussi la structure à travers leur candidat qui se trouve aujourd’hui à la tête de leur jeunesse. De mon côté personne ne me maîtrisait et c’était mon gros pêché car je n’avais pas d’appui politique. Lorsque vous observez bien la scène politique, vous comprendrez bien pourquoi tel ou tel est militant d’un tel parti. Nous savons tous que le coup d’État est arrivé à cause du politique mais nos grèves ont contribué à affaiblir le pouvoir de Bédié. Parlant de la rébellion, elle a pu être possible parce que Gbagbo n’ayant pas tiré les leçons du coup d’état de 99, car il pensait que ce qui a fait partir Bédié était fini.

La réconciliation entre fescistes ne doit-elle pas bénéficier de plus d’attention de la commission Banny ?

Le problème de la Côte d’Ivoire n’est pas syndical mais il est plus politique. Car ce sont les politiciens qui, pour leurs intérêts égocentriques ont divisé les ivoiriens et les Fescistes. Comme ces derniers ne sont pas en dehors des Ivoiriens, par ricochet cela rejaillit sur eux. En somme chacun est obligé de défendre sa chapelle.

A qui pensez-vous ?

Je ne pense à personne car il faut réconcilier le politique et le reste de la société suivra, car c’est le politique qui manœuvre toujours. Dans ce pays la plus part des politiques utilisent leur ethnie comme bouclier.

Quels sont vos rapports avec le président de l’Assemblée nationale Soro Guillaume, le ministre Sidiki Konaté et les autres ex membres de la Fesci ?

Ce sont des anciens de la Fesci qui occupent des fonctions de l’État de Côte d’ivoire, donc à ce titre, tout ivoirien respectueux des institutions même s’il ne les aime pas en tant qu’individus, se doit de respecter la fonction qu’ils occupent. Ils sont militants du RDR, moi non. Quant aux autres, on s’appelle quand on peut ou bien on se dit bonjour sur le réseau facebook.

Quels étaient vos rapports avec feu IB et quelles sont vos propositions au moment où il est de plus en plus question de réconciliation ?

J’avais de très bons rapports avec le Général Ibrahim Coulibaly dit IB, qui a été assassiné de manière lâche et sauvage, car il n’était plus en état de combattre. Pour rappel, il avait demandé à ses hommes de déposer les armes et de se rendre parce-que pour lui, ce qui devait primer c’était l’ouverture des discussions pour l’intégration de ses hommes dans l’armée régulière. Bref, aujourd’hui il n’est plus là pour se défendre et j’espère que ceux qui l’ont tué l’ont fait pour que la paix vienne dans le pays, peut-être. Concernant mes propositions pour la réconciliation, elles sont simples. D’abord, il faut libérer immédiatement les soi-disant prisonniers pour crimes économiques, car si nous voulons être honnêtes et sincères avec nous-mêmes, le président Alassane Ouattara devrait commencer par arrêter aussi ceux qui ont gérer l’autre moitié du pays pendant dix ans sans rendre compte à personne. Dans le cas échéant, qu’il nous dise clairement que ces derniers lui faisaient le point quotidien. Si c’est le contraire, le peuple ivoirien veut savoir qui a cassé les différentes banques qui étaient sous le contrôle de la rébellion et aussi vers quelle destination sont parties les ressources du nord et de l’ouest du pays ? Je veux parler du cacao, de l’or, du diamant, du bois, etc. Donc pour moi quand on met des gens en prison pour crimes économiques alors que des gens qui ont commis les mêmes crimes se promènent librement et qui de surcroit sont nommés à des postes de responsabilité, il faut comprendre alors, ceux qui parlent de justice à deux vitesses. Secundo, je souhaite que l’on fasse la lumière sur l’assassinat de IB, car jusqu’ici on nous a parlé d’autopsie mais, pas de conclusion claire, et en plus le corps d’IB est jusque-là dans la morgue. Ce n’est pas juste tout cela. Vous avez fini de tuer quelqu’un donnez son corps à ses parents pour l’enterrement. Je pense aussi que ceux qui ont commis des crimes de sang soient arrêtés et jugés, je veux parler des deux camps. Sinon ce que nous observons en ce moment n’est vraiment pas équilibré. Il faut aussi indemniser les victimes de la guerre. Il faut que les ivoiriens se pardonnent car nous sommes pour le moment condamnés à vivre ensemble. Enfin, pour moi le président ADO doit mettre tout en œuvre pour ramener tous les exilé politiques et militaires car tout ce monde là dehors c’est un danger pour le pays car il doit savoir que son poste c’est juste pour cinq ans alors que la vie d’une nation dure plus que cela. Il faut également les rassurer à travers des actes concrets. Car, si tu demandes à quelqu’un de rentrer alors qu’il y a encore des prisonniers dit de crimes économiques et en plus en lançant des mandats d’arrêt, tout cela ne peut que compliquer la paix et la réconciliation. Lui ADO est mieux placé que quiconque pour savoir ce qu’est un mandat d’arrêt international. Jusque-là, ces mandats ont-ils eu l’effet escompté ? Quelles sont les premières victimes ? On ne gère pas un pays dans la vengeance car tôt ou tard même si tu t’appelles ADO tu partiras du pouvoir. Il faut aussi laisser la main libre à Banny, car nous remarquons tous qu’il a des difficultés à accomplir sa tâche à cause du politique qui a une trop grande emprise sur lui et les pas qu’il pose.

Bon nombre de vos amis de la Fesci d’hier sont devenus députés, qu’attendez-vous pour apporter votre pierre à la construction et au développement de la Côte d’Ivoire ?

J’arrive, je suis en train de faire mes valises pour rentrer, car ce n’est pas en restant ici que nous allons développer notre pays. Mais, il faut encourager tous ceux qui veulent rentrer car on est toujours mieux chez soit, ou bien ?

Faya Drigoné pensez-vous que la Côte d’Ivoire peut sortir des sentiers battus ?

Pour sortir des sentiers battus, il faut une cohésion au niveau du pays. Tu reconnais avec moi que le pays est très divisé même si le politique fait semblant pour rassurer les gens, mais personne n’est dupe frère. C’est dans la paix et la stabilité qu’on construit un pays car avec les rumeurs de coup d’État, personne n’est rassuré même ceux qu’on appelle investisseurs.

Quel commentaire faites-vous du nouveau gouvernement et de l’élection de Soro Guillaume à la présidence de l’Assemblée Nationale ?

C’est un gouvernement pléthorique, budgétivore et pas efficace, car je pense que c’est fait juste pour satisfaire ou récompenser des personnes au détriment du peuple qui souffre toujours. Concernant l’élection de Soro. Je prends acte que nous avons un nouveau président de notre assemblée nationale et je ne peux que respecter la volonté des urnes puisqu’il a été élu par ses pairs. Je ne peux que lui souhaiter bon vent !

Y-a-t-il une question qui vous tenait à cœur que nous n’avons pas pu aborder ?

Je pense que pour les enquêtes de la CPI en cours c’est une bonne chose pour la justice dans notre pays, car certains ont voulu biaiser les choses en les circonscrivant juste au niveau de la crise poste électorale. Cela n’était pas juste. Donc pour nous, c’est un juste « rattrapage « pour parler comme ADO. Cela va nous permettre de comprendre beaucoup de choses sur la crise ivoirienne et essayer de tirer les leçons pour que cela n’arrive plus au pays.

Connectionivoirienne.net

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