Dossier Foncier rural – Tout sur la Loi N° 98-750 du 23 décembre 1998

Amadé Ouérémi, chef des miliciens Burkinabés exploitants le Mont Péko, photo Fratmat

Dossier Foncier rural – Les propositions d’un cartographe du Bnetd

Réformes dans le Foncier rural
Un expert du Bnetd propose ses recettes

Suite à l’appel du Président de la République, Yatié Diomandé, Responsable du service Cartographie au Centre national de Télédétection et de cartographie du Bureau national d’étude technique et de développement (Bnetd), livre ici son avis sur le risque d’implosion que constitue la question du foncier rural dans notre pays.

INTRODUCTION

C’est une vérité de La Palisse que de dire que la terre constitue le point de départ de toute activité humaine. Cela est d’autant plus vrai que l’économie ivoirienne et celle de bien d’autres pays, reposent sur les recettes tirées de l’exploitation de la terre.
Aujourd’hui, avec la persistance de la crise économique, la proportion de la population ivoirienne vivant des activités liées directement ou indirectement à la terre est en nette augmentation. La pression sur la terre devient donc de plus en plus importante. Le binôme démographie et dégradation continue du couvert végétal contribue à une réduction substantielle de l’espace agricole disponible par habitant. Ce qui n’est pas sans inconvénient dans les rapports entre les populations rurales.

BREVE HISTORIQUE DE LA GESTION FONCIERE RURALE

Les premiers gouvernants de la Côte d’Ivoire indépendante ont très tôt inscrit dans les priorités de développement, l’élaboration ou l’adoption d’un code domanial et foncier pour réglementer la gestion du domaine rural en ayant en vue la préservation des intérêts étatiques et individuels. Ainsi, la commission interministérielle de réforme domaniale et foncière créée le 24 mars 1961 concluait à la suite de ses premiers travaux que «la réforme foncière doit obéir à un seul critère, celui de l’efficacité. Chaque fois que dans des circonstances actuelles de temps et de lieu il apparaît que l’Etat est le mieux placé pour tirer profit pleinement des richesses naturelles de la Côte d’Ivoire, la loi devra lui permettre d’agir dans l’intérêt général. Dans le cas contraire, c’est à l’initiative privée, soit individuelle, soit collective, qu’il devra faire appel, la loi garantissant alors aux producteurs la jouissance du fruit de leur travail» (…)

LA LOI N°98-750 DU 23 DECEMBRE 1998

L’Etat ivoirien, avec le soutien de certaines institutions financières internationales telles que la Banque Mondiale et la Caisse Française de Développement, a initié une opération pilote de Plan Foncier Rural pour mieux appréhender la situation foncière qui prévalait sur le terrain. Ces travaux se sont déroulés sur des espaces représentatifs de la diversité des situations foncières et de l’agriculture en Côte d’Ivoire de 1990 à 1999. Ils ont permis de rédiger le projet de loi sur le domaine foncier rural, lequel projet de loi est devenu la loi n°98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier rural, votée à l’unanimité à l’assemblée nationale. La réglementation de la gestion du domaine foncier rural, réclamée par tous, a trouvé solution avec le vote de la loi n°98-750 du 23 décembre 1998. Il est bon de rappeler qu’avant le vote de cette loi, le parlement a organisé une vaste tournée des députés sur l’ensemble du territoire national pour prendre en compte les desiderata du peuple. Il ne fait l’ombre d’aucun doute que cette loi traduit les préoccupations des populations ivoiriennes. C’est donc fort de l’onction populaire qu’elle a été promulguée le 13 octobre 1999.

Du 13 octobre 1999 au 04 septembre 2002, plusieurs textes d’application de cette loi ont été pris, à savoir 3 décrets présidentiels et 14 arrêtés ministériels. Ces textes d’application visent à accélérer la modernisation de la gestion de l’espace rural dans un délai de 10 ans.

L’IMPACT LIMITE ACTUEL DE LA LOI DE 1998

Malheureusement, cette loi qui ambitionne la paix sociale, la diminution des conflits fonciers et un accès équitable des populations rurales à la terre est loin d’atteindre ses objectifs au regard des réalités vécues actuellement sur le terrain. En effet, il nous plait de rappeler que l’une des causes supposées de la grave crise militaro civile qui a éclaté en Côte d’Ivoire le 19 septembre 2002, serait liée à l’ancien article 26 de la loi susmentionnée. C’est donc à dessein que, dans le cadre de la résolution de cette crise, les accords de Marcoussis ont proposé l’amendement, dans le sens d’une meilleure protection des droits acquis, les dispositions de l’article 26 de la loi relative aux héritiers des propriétaires de terre détenteurs de droits antérieurs à la promulgation de la loi mais ne remplissant pas les conditions d’accès à la propriété fixées en son article 1. Ainsi, l’article 26 nouveau dispose que «les droits de propriété acquis par des personnes physiques antérieurement à la présente loi sont transmissibles à leurs héritiers».
Au-delà de cet épisode douloureux de la vie ivoirienne, il faut souligner le pessimisme de plusieurs acteurs de la vie politique ivoirienne relative à l’instabilité sociale résultant de la gestion inappropriée de l’espace rural. En effet, l’une des graves menaces qui plane sur la paix sociale et la stabilité du pays est le conflit foncier. Le Président de la République a régulièrement relevé les questions foncières au cours de ces différentes interventions pendant sa dernière visite dans l’Ouest du pays.
Du Nord au Sud, d’Est en Ouest, ces conflits sont de plus en plus récurrents. Les autorités administratives (Préfets et Sous-préfets) de certaines régions du pays, consacrent plus de 90% de leurs temps à concilier les antagonismes nés des problèmes fonciers. Les zones du nord, qui naguère étaient supposées ne pas connaître ce fléau en dehors des problèmes de cohabitation entre agriculteurs et éleveurs, sont aujourd’hui submergées de la même façon que les zones forestières, notamment dans la Région du Bafing.

LE CAS DE LA RE- GION DU BAFING

La cohabitation difficile entre agriculteurs et éleveurs et l’occupation anarchique des terres du Bafing par des ressortissants burkinabé (dans une attitude de défiance des autorités administratives et coutumières) en flagrante violation des dispositions législatives et réglementaires en la matière, ont conduit les élus et les cadres à intervenir en février 2012 pour éviter de justesse un embrassement de cette Région. Mais, les effets de cette intervention se sont vite estompés et les populations autochtones sont livrées, aujourd’hui, à ce qui peut être considéré comme un envahissement programmé. La conséquence de cette situation, à très court terme, est la mise à mal de la cohésion sociale qui aurait un effet de domino sur tout le pays. Déjà en 1998, un rapport spécial du Sous-préfet de Guintéguéla sur l’installation de la communauté burkinabé dans la sous-préfecture de Guintéguéla, indiquait «qu‘avec l’arrivée massive des autres communautés et particulièrement les burkinabé,…le nombre d’habitants de la circonscription pourrait être multipliée par trois, voire quatre.».

LE CAS D’AUTRES REGIONS

Récemment, en fin 2011, à Aboisso, des allogènes se sont opposés de façon véhémente à l’exploitation de bas fonds par une compagnie agricole, sans que l’autorité de l’Etat, ni moins celle des autorités coutumières ait pu faire concilier les points de vue. A Buyo, les allogènes (Baoulé et Burkinabé) ont failli en découdre de façon dramatique, n’eut été la vigilance du Préfet de Soubré. En mars 2012, au cours d’une mission à Vavoua, j’ai pu entendre que des allogènes menaceraient des autochtones de leur faire vivre des moments cauchemardesques à la dimension des affrontements sanglants vécus à Duékoué au cours de la crise postélectorale. Le peu de temps passé à la Sous-préfecture de Vavoua le 19 mars 2012, m’a permis de me rendre compte de la délicatesse de la mission des Sous-préfets dans la gestion des conflits fonciers.

SUGGESTION DE PROPOSITIONS

Une loi aussi ambitieuse que celle sur le domaine foncier rural qui vient réglementer la gestion d’un espace rural soumis à d’innombrables pressions, exige une large explication pour créer les conditions d’une bonne application. La mission Banque Mondiale de supervision du PNGTER de juin 2002(1) notait que la loi pourrait ne pas avoir l’impact attendu en cas de méconnaissance ou de mauvaise interprétation de la loi. La Journée Nationale de la Terre organisée le 19 septembre 2008 a permis de présenter les avantages de la loi sur le foncier rural à l’ensemble des acteurs impliqués dans sa mise en œuvre et de lancer officiellement le Programme National de Sécurisation Foncière Rurale. Ainsi, plusieurs actions de formation, d’information et de sensibilisation ont été conduites de façon sporadique et avec des financements extérieurs ponctuels. Malheureusement, elles ont peu d’influence sur la vie quotidienne en milieu rural. En effet, les organes de gestion foncière rurale, notamment les Comités Villageois de Gestion Foncière Rurale (CVGFR) et les Comités de Gestion Foncière Rurale (CGFR) sont en nombre insuffisant (à peine 3000 CVGFR et 100 CGFR) et dans un immobilisme criard. Or, ceux-ci constituent les premiers maillons d’applicabilité de la loi sur le domaine foncier rural. Leur (inopérabilité) consacre l’anarchie dans la gestion de l’espace rurale. La nécessité d’appliquer la loi sur le domaine foncier rural n’est plus à démontrer . Il est à regretter cependant qu’à ce jour, toutes les actions réelles concernant l’application effective de cette loi, soient financées dans le cadre de projets ponctuels avec des financements essentiellement acquis auprès de bailleurs de fonds (Banque Mondiale et Union Européenne).
Aussi, serait-il souhaitable que pour prévenir tout risque de conflit foncier, la volonté de l’Etat s’exprime véritablement par la mise en œuvre effective du PNSFR avec des actions mieux programmées dans le temps avec un objectif national et cela, en application du programme vivre ensemble où le Président de la République mentionnait que; «Pendant les 5 ans du mandat, nous allons procéder à la délimitation des terroirs de tous les villages de Côte d’Ivoire.

CONCLUSION

Le Président de la République a tenu à souligner à la face de la nation qu’il tient toujours ses promesses. Et concernant le foncier rural, il a tenu à mentionner à Man le 21 avril dernier, « qu’il y a une question brûlante dans cette région, c’est la question du foncier rural qui n’a pas été réglée en réalité…Et je vais m’en occuper.». Le bourdonnement actuel dans le domaine rural, nécessite que les gouvernants actuels s’approprient totalement la loi sur le domaine foncier rural et que par conséquent, une déclaration politique de premier plan, vienne affirmer la volonté de l’Etat de ne tolérer aucune attitude favorisant la gestion anarchique du domaine rural. Cette déclaration doit s’accompagner de la mise en œuvre de mesures vigoureuses pour rendre opérationnels les organes de gestion foncière rurale et surtout pour doter le PNSFR de moyens adéquats pour son exécution sur l’ensemble du territoire. La stabilité politique et la cohésion sociale dans notre pays en dépendent.

Yatié Diomandé
Ingénieur Cartographe Expert en foncier rural
dyatie2005@yahoo.fr

…………………………..

 

CHAPITRE 5 :

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

ARTICLE 26 (NOUVEAU)
Loi n° 2004-412 du 14 août 2004

Les droits de propriété de terres du Domaine Foncier Rural acquis antérieurement à la présente loi par des personnes physiques ou morales ne remplissant pas les conditions d’accès à la propriété fixées par l’article 1 ci-dessus sont maintenus. Les propriétaires concernés par la présente dérogation figurent sur une liste établie par décret pris en Conseil des Ministres.

Les droits de propriété acquis par des personnes physiques antérieurement à la présente loi sont transmissibles à leurs héritiers.

Les personnes morales peuvent céder librement les droits de propriété acquis antérieurement à la présente loi.

Toutefois, si le cessionnaire ne remplit pas les conditions l’accès à la propriété fixées par l’article 1 ci-dessus, elles déclarent à l’autorité administrative le retour de ces terres au domaine de l’Etat, sous réserve de promesse de bail emphytéotique au cessionnaire.

Les détenteurs de certificats fonciers ruraux sur les périmètres mitoyens, individuellement et/ou collectivement, doivent être requis d’exercer avant toute transaction sur les terres appartenant aux personnes désignées par la présente loi, un droit de préemption sur les parcelles dont la cession est projetée.

Ce droit de préemption s’exerce dans un délai de six mois à compter de l’avis de vente ou de la manifestation de la décision de vendre

……………………

LA LOI SUR LE FONCIER RURAL

Loi N° 98 –750 du 23 Décembre 1998 relative au domaine foncier rural

CHAPITRE I
DEFINITION ET COMPOSITION DU DOMAINE FONCIER RURAL

Section I : Définition

Article Premier Le Domaine Foncier Rural est constitué par l’ensemble des terres
mises en valeur ou non et quelle que soit la nature de la mise en valeur.
Il constitue un patrimoine national auquel toute personne physique ou morale peut
accéder. Toutefois, seuls l’État, les collectivités publiques et les personnes physiques
ivoiriennes sont admis à en être propriétaires.

Section Il : Composition

Article 2 Le Domaine Foncier Rural est à la fois :
1. hors du domaine public
2. hors des périmètres urbains
3. hors des zones d’aménagement différé officiellement constituées
4. hors du domaine forestier classé.

Le Domaine Foncier Rural est composé :

à titre permanent :
• des terres propriété de l’État
• des terres propriété des collectivités publiques et des particuliers
• des terres sans maître

à titre transitoire :
• des terres du domaine coutumier
• des terres du domaine concédé par l’État à des collectivités publiques et à des
particuliers

Article 3 Le Domaine Foncier Rural coutumier est constitué par l’ensemble des terres
sur lesquelles s’exercent :
• des droits coutumiers conformes aux traditions
• des droits coutumiers cédés à des tiers

CHAPITRE II
PROPRIETE, CONCESSION ET TRANSMISSION DU DOMAINE FONCIER RURAL

Section I : La propriété du Domaine Foncier Rural

Article 4 La propriété d’une terre du Domaine Foncier Rural est établie à partir de
l’immatriculation de cette terre au Registre Foncier ouvert à cet effet par
l’Administration et en ce qui concerne les terres du domaine coutumier par le Certificat
Foncier.

Le détenteur du Certificat Foncier doit requérir l’immatriculation de la terre
correspondante dans un délai de trois ans à compter de la date d’acquisition du Certificat
Foncier.

Article 5 La propriété d’une terre du Domaine Foncier Rural se transmet par achat,
succession, donation entre vifs ou testamentaire ou par l’effet d’une obligation.

Article 6 Les terres qui n’ont pas de maître appartiennent à l’État et sont gérées suivant
les dispositions de l’article 21 ci-après. Ces terres sont immatriculées, aux frais du
locataire ou de l’acheteur.

Outre les terres objet d’une succession ouverte depuis plus de trois ans non réclamées,
sont considérées comme sans maître.
o les terres du domaine coutumier sur lesquelles des droits coutumiers exercés de
façon paisible et continue n’ont pas été constatés dix ans après la publication de
la présente loi
o les terres concédées sur lesquelles les droits du concessionnaire n’ont pu être
consolidés trois ans après le délai imparti pour réaliser la mise en valeur imposée
par l’acte de concession

Le défaut de maître est constaté par un acte administratif.

Article 7 Les droits coutumiers sont constatés au terme d’une enquête officielle réalisée
par les autorités administratives ou leurs délégués et les conseils des villages concernés,
soit en exécution d’un programme d’intervention, soit à la demande des personnes
intéressées.

Un décret pris en Conseil des Ministres détermine les modalités de l’enquête.

Article 8 Le constat d’existence continue et paisible de droits coutumiers donne lieu à la
délivrance par l’autorité administrative d’un Certificat Foncier collectif ou individuel
permettant d’ouvrir la procédure d’immatriculation aux clauses et conditions fixées par
décret.

Article 9 Les Certificats Fonciers collectifs sont établis au nom d’entités publiques ou
privées dotées de la personnalité morale ou de groupements informels d’ayants-droit
dûment identifiés.

Article 10 Les groupements prévus ci-dessus sont représentés par un gestionnaire
désigné par les membres et dont l’identité est mentionnée par le Certificat Foncier.

Ils constituent des entités exerçant des droits collectifs sur des terres communautaires.

L’obtention d’un Certificat Foncier confère au groupement la capacité juridique d’esteren
justice et d’entreprendre tous les actes de gestion foncière dès lors que le Certificat est
publié au Journal Officiel de la République.

Section II : La Concession du Domaine Foncier I Rural

Article 11 Le Domaine Foncier Rural concédé est constitué des terres concédées par
l’État à titre provisoire antérieurement à la date de publication de la présente loi.

Article 12 Tout concessionnaire d’une terre non immatriculée doit en requérir
l’immatriculation à ses frais.

La requête d’immatriculation est publiée au Journal Officiel de la République. Elle est
affichée à la préfecture, à la sous- préfecture, au village, à la communauté rurale, à la
région, à la commune et à la chambre d’agriculture, concerné où les contestations sont
reçues pendant un délai de trois mois.

A défaut de contestation et après finalisation des opérations cadastrales, il est procédé à
l’immatriculation de la terre qui se trouve ainsi purgée de tout droit d’usage.

En cas de contestation, celles-ci sont instruites par l’autorité compétente suivant les
procédures définies par décret pris en Conseil des Ministres.

Article 13 Sauf à l’autorité administrative en charge de la gestion du Domaine Foncier
Rural d’en décider autrement, l’immatriculation prévue à l’article 12 ci-dessus est faite
au nom de l ‘État.

Les terres ainsi nouvellement immatriculées au nom de l’État sont louées ou vendues à
l’ancien concessionnaire ainsi qu’il est dit à l’article 21 ci-après.

Article 14 Tout concessionnaire d’une terre immatriculée doit solliciter de
l’Administration l’application à son profit de l’article 21 ci-après.

Section III : La cession et la transmission du Domaine Foncier Rural

Article 15 Tout contrat de location d’une terre immatriculée au nom de l’État se
transfère par l’Administration sur demande expresse du cédant et sans que ce transfert
puisse constituer une violation des droits des tiers.

Les concessions provisoires ne peuvent être transférées.

La cession directe du contrat par le locataire et la sous- location sont interdites.

Article 16 Les propriétaires de terrains ruraux en disposent librement dans les
limites de l’article 1 ci-dessus.

Article 17 Le Certificat Foncier peut être cédé, en tout ou en partie, par acte authentifié
par l’autorité administrative, à un tiers ou, lorsqu’il est collectif, à un membre de la
collectivité ou du groupement dans les limites de l’article 1 ci-dessus.

CHAPITRE III
MISE EN VALEUR ET GESTION DU DOMAINE FONCIER RURAL

Section I : Mise en valeur du Domaine Foncier Rural

Article 18 La mise en valeur d’une terre du Domaine Foncier Rural résulte de la
réalisation soit d’une opération de développement agricole soit de toute autre opération
réalisée en préservant l’environnement et conformément à la législation et à la
réglementation en vigueur.

Les opérations de développement agricole concernent notamment et sans que cette liste
soit limitative:
o les cultures
o l’élevage des animaux domestiques ou sauvages
o le maintien, l’enrichissement ou la constitution de forêts, l’aquaculture
o les infrastructures et aménagements à vocation agricole
o les jardins botaniques et zoologiques
o les établissements de stockage, de transformation et de commercialisation des produits agricoles.

Article 19 L’autorité administrative, pour faciliter la réalisation des programmes de
développement ou d’intérêt général peut, nonobstant le droit de propriété des
collectivités et des personnes physiques, interdire certaines activités constituant des
nuisances auxdits programmes ou à l’environnement.

Article 20 Les propriétaires de terres du Domaine Foncier Rural autres que l’État ont
l’obligation de les mettre en valeur conformément à l’article 18 ci-dessus. Ils peuvent y
être contraints par l’Autorité dans les conditions déterminées par décret pris en Conseil
des Ministres.

Section Il : Gestion du Domaine Foncier Rural de l’État

Article 21 Aux conditions générales de la présente loi et des autres textes en vigueur et
à celles qui seront fixées par décret, l’Administration gère librement les terres du
Domaine Foncier Rural immatriculées au nom de l’État.

Article 22 Les actes de gestion pré\’Lis à l’article 21 ci-dessus sont des contrats conclus
directement entre l’Administration et les personnes concernées.

Les contrats de location sont à durée déterminée et comportent obligatoirement des
clauses de mise en valeur.

En cas de non respect de ces dernières, le contrat est purement et simplement résilié ou
ramené à la superficie effectivement mise en valeur.

Le non respect de toute autre clause du contrat peut également être sanctionné par la
résiliation.

Dans ce cas, les impenses faites par le locataire sont cédées par l’État à un nouveau
locataire sélectionné par vente des impenses aux enchères. Le produit de la vente est
remis au locataire défaillant après déduction des frais éventuels et apurement de son
compte vis-à-vis de l’État.

CHAPITRE IV
DISPOSITIONS FINANCIERES ET FISCALES

Article 23 La location des terres du Domaine Foncier Rural de l’État est consentie
moyennant paiement d’un loyer dont les bases d’estimation sont fixées par la loi de
Finances.

Article 24 Les collectivités et les particuliers propriétaires de terres rurales sont
passibles de l’impôt foncier rural tel que fixé par la loi.

Article 25 En cas de non paiement du loyer ou de l’impôt prévus aux articles 23 et 24
ci-dessus et outre les poursuites judiciaires prévues par les textes en vigueur, les
impenses réalisées par le locataire constituent le gage de l’État dont les créances sont
privilégiées même en cas d’hypothèque prise par des tiers.

CHAPITRE V
DlSPOSITIONS TRANSITOIRES

Article 26 Les droits de propriété de terres du Domaine Foncier Rural acquis
antérieurement à la présente loi par des personnes physiques ou morales ne remplissant
pas les conditions d’accès à la propriété fixées par l’article 1 ci-dessus sont maintenus à
titre personnel.

Les héritiers de ces propriétaires qui ne rempliraient pas les conditions d’accès à la
propriété fixées par l’article 1 ci- dessus disposent d’un délai de trois ans pour céder les
terres dans les conditions fixées à l’article 16 ci-dessus ou déclarer à l’autorité
administrative le retour de ces terres au domaine de l’État sous réserve d’en obtenir la
location sous forme de bail emphytéotique cessible.

Les sociétés maintenues dans leur droit de propriété en application des dispositions ci-
dessus et qui souhaiteraient céder leurs terres à un cessionnaire ne remplissant pas les
conditions d’accès à la propriété fixées par l’article 1 ci-dessus déclarent à l’autorité
administrative le retour de ces terres au domaine de l’État sous réserve de promesse de
bail emphytéotique au cessionnaire désigné.

CHAPITRE VI
DISPOSITIONS FINALES

Article 27 La loi N° 71- 338 du 12 Juillet 1971 relative à l’exploitation rationnelle des
terrains ruraux détenus en pleine propriété et toutes dispositions contraires à la présente
loi sont abrogées.

Article 28 Des décrets fixent les modalités d’application de la présente loi.

Article 29 La présente loi sera publiée au Journal Officiel de la République de Côte
d’Ivoire et exécutée comme loi de l’État.

Fait et adopté en séance publique
Abidjan, le 18 décembre 1998

Un Secrétaire Le Président
de l’Assemblée Nationale de l’Assemblée Nationale
Oulieu GUEU Antoine Émile BROU

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