SGBCI – Le faux scoop de « Jeune Afrique » sur Gbagbo !

Marwane Ben Yahmed du groupe Jeune Afrique.

Lire aussi – Gbagbo continue de recevoir de l’argent selon l’ONU par Connectionivoirienne.net mis en ligne le dimanche 13 mei 2012.

Le site de Jeune Afrique réchauffe mal des données disponibles depuis plus d’un mois sur les revenus officiels et tout à fait légitimes pour finir par prouver le contraire de son postulat de départ, c’est à dire la prétendue non indigence du plus célèbre prisonnier d’Afrique

De l’art de créer du buzz à partir de rien du tout. Mardi après-midi, le site Internet de l’hebdomadaire Jeune Afrique, édité à Paris et spécialisé sur l’Afrique, notoirement pro-Ouattara, publie un article au titre choc. «Côte d’Ivoire : plus de 700 millions de FCFA sur un compte bancaire de Laurent Gbagbo». Le chapeau du papier est du même acabit. «L’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo n’est pas aussi indigent que cela. De source judiciaire, 741 071 364 francs CFA (soit environ 1,13 million d’euros) ont été découverts sur un compte bancaire ouvert à son nom à Abidjan», fait mine de révéler André Silvère Konan, ancien du «Nouveau Réveil». Gbagbo avait donc réussi à dissimuler un compte que le régime Ouattara n’avait pas pu débusquer lors de son séjour au Golf alors qu’il contrôlait la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) !

Un compte qui a échappé à la vigilance de ses spécialistes du gel des avoirs pendant plus d’un an !

En réalité, pas du tout. Le compte dont il est question dans l’article de Jeune Afrique n’a pas été «découvert». Et pour cause : c’est le très officiel compte sur lequel les services de la Présidence de la République versaient mensuellement le salaire du chef de l’Etat. D’ailleurs, Jeune Afrique le dit. «Selon nos sources, il a été ouvert fin octobre 2000 par les services de la direction administrative et financière de la présidence ivoirienne, juste après la prestation de serment de Laurent Gbagbo à la présidence de la République. Ce compte a été régulièrement approvisionné à partir de juillet 2002, quand Gbagbo a signé un décret déterminant les conditions matérielles et financières d’exercice des fonctions de président de la République. Ce décret, daté du 17 juillet, fixait le salaire du président de la République à 9 584 580 FCA (14 632 euros). Une somme qui a été dès lors régulièrement versée sur le compte de la SGBCI. Le compte devrait contenir plus d’un milliard de francs CFA si des transferts de fonds vers d’autres comptes n’ont pas été effectués entre-temps».

En clair, il ne s’agit que d’un compte normal et connu, alimenté par des fonds tout à fait légitimes, et non par des détournements. Si c’est uniquement de ce type de revenus dont il s’agit, c’est qu’il faut bien admettre que contrairement à beaucoup de chefs d’Etat africains présents ou passés, Laurent Gbagbo n’a pas fait de son poste un lieu d’enrichissement personnel éhonté !

Les imprécisions de l’hebdomadaire parisien

L’article de Jeune Afrique veut se fonder sur l’existence de ce compte pour affirmer que Gbagbo n’est pas «aussi indigent que cela». Mais son auteur se ridiculise dans la mesure où il est de notoriété publique que ce compte est gelé. Si le propriétaire de ces fonds n’est pas en mesure de les utiliser et qu’ils sont ses seules ressources, cela signifie naturellement qu’il est devenu, par la force des choses… indigent !

Plus profondément, le papier de Jeune Afrique n’a rien d’un scoop. Il est d’ailleurs quelque peu inexact, parce que la somme qu’il évoque représente le total du contenu des quatre comptes du président Gbagbo à la SGBCI. Il n’y a donc pas un compte riche d’une somme de 741 071 364 francs CFA et «trois autres comptes privés dont le solde n’a pas été révélé» comme le prétend JA. En effet, l’information avait déjà été rendue publique le 12 avril – c’est-à-dire il y a plus d’un mois – par un rapport du Comité des experts de l’ONU chargés de veiller à l’application de l’embargo sur les armes et les diamants en Côte d’Ivoire. «Le Groupe a recensé quatre comptes établis au nom de M. Gbagbo à la Société générale de banques en Côte d’Ivoire (SGBCI), qui représentent au total 741 071 364 francs CFA (soit environ 1,48 million de dollars des États-Unis). La SGBCI a indiqué que ces avoirs été gelés», pouvait- on lire dans ce texte.

Un texte parfois ridicule quand il prétend que du fond de sa cellule, Gbagbo «continue de recevoir des fonds de Côte d’Ivoire par l’intermédiaire d’une société écran et d’un réseau financier» et que «des fonds lui ont été remis par une société multinationale». Alors que de telles opérations sont bien entendu logistiquement impossibles quand on connaît le règlement intérieur de la Cour pénale internationale (CPI) et les moyens mis à le faire respecter. De plus, le Comité des experts, qui cite une multitude d’entreprises accusées d’avoir violé ou de violer l’embargo, garde un silence pudique sur l’identité de la multinationale qui acheminerait de l’argent à Gbagbo dans sa prison.

Le rapport des experts onusiens est en tout cas accablant pour le régime Ouattara, qui décrit les différents trafics auxquels se livrent les comzones et qui détruisent l’économie nationale. Un rapport qui raconte aussi comment des armes burkinabè sont retrouvées dans des mains de civils pro-Ouattara à Attécoubé et à Abobo. Mais bien entendu, de tels «détails» n’intéressent pas Jeune Afrique.

Benjamin Silué
Le Nouveau Courrier

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