En Côte d’Ivoire le terrain glissant du « rattrapage ethnique »

Grincements de dents, coups de sang et de gueule, critiques ouvertes et attaques frontales. Dans la grande famille des houphouëtistes, du nom de Félix Houphouët-Boigny, père de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, l’entente cordiale a fait place depuis quelque temps à la cacophonie. Sans que l’on ne sache véritablement jusqu’où iront ces notes discordantes entre le Rassemblement des républicains (RDR) et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire/Rassemblement démocratique africain (PDCI/RDA), les deux poids lourds des héritiers politiques du père de la nation.

Sans détour ni précautions langagières, sans cette pudeur politique dont se drapent nombre d’observateurs de la scène nationale ivoirienne, les membres du bureau politique du PDCI/RDA s’en sont ouvertement pris à la logique de gestion du pouvoir par leur allié, le RDR.

Sans vraiment porter de gants, ils pointent du doigt cette politique discriminatoire, constatée dans la nomination des grands commis de l’Etat. « Le développement national et le programme commun de gouvernement ne peuvent être une œuvre réservée à des personnes de même profil ethnique, confessionnel, régional ou politique », a estimé Henri Konan Bédié, président du PDCI/RDA.

Qui sait lire entre les lignes comprendra qu’ici l’homme court de Daoukro fait sans doute allusion à cette interview parue dans les colonnes de « L’Express », un hebdomadaire français, dans lequel le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, parlait de « rattrapage ethnique », expression qui rappelle fâcheusement « nettoyage ethnique ».

En un mot comme en mille, l’ancien parti au pouvoir dénonce ce qu’il considère comme une forme de confiscation du pouvoir par des « Dioulas musulmans originaires du Nord ». Une sorte de Dioula Empowerment à l’instar du Black Empowement, une politique mise en place depuis 1994 en Afrique du Sud, qui visait à promouvoir une meilleure représentation des Noirs dans les secteurs du pays.

Avéré ou supposé, l’objet de la colère du PDCI, parce qu’il est lié à une question identitaire, est d’une certaine sensibilité et d’une gravité certaine.

Passent encore les conséquences de cette mésentente sur l’avenir politique de cette alliance de l’entre-deux tour qui a, sinon imposé, du moins favorisé la victoire d’ADO.

Mais en Côte d’Ivoire, comme dans bien d’autres pays africains, où les symboles identitaires occupent une place très importante dans la vie nationale, les nouvelles autorités doivent travailler à ne pas laisser planer le moindre doute sur leur volonté de faire de leur pays un Etat véritablement gouverné en fonction des lois et principes qui ont toujours fondé la république.

Quitte à prendre le risque de mécontenter certains caciques de son propre parti, de son ethnie, de sa religion ou de sa région, ADO ne doit, en aucun cas, écouter le chant des sirènes. Il doit tourner le dos à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, le poussent vers la voie aventureuse de la préférence ethnique, religieuse ou régionaliste.

Instruit sans doute par ce qui fut son propre calvaire, ADO devrait pouvoir éviter le piège du communautarisme.

Alain Saint Robespierre

L’Observateur Paalga

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