PDCI-RDR: chronique d’un divorce annoncé

Le Pays

En politique, les défaites sont dures à digérer. Et comme partout ailleurs en Afrique, en Côte d’Ivoire également, la susceptibilité aidant, les rancœurs sont tenaces. Pour la première fois, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) a officiellement dénoncé le découpage électoral effectué quelques mois avant les législatives du 11 décembre 2011, comme étant favorable au Rassemblement des républicains (RDR) d’Alassane Dramane Ouattara (ADO).

Le parti du président ivoirien avait obtenu la majorité absolue à l’Assemblée nationale, alors même que les législatives avaient été boycottées par le Front populaire ivoirien (FPI), le parti de l’ex-président, Laurent Gbagbo. Réunis samedi dernier à Abidjan, 600 membres du bureau politique ont fait l’autocritique de leur échec aux élections législatives et présidentielle.

Mais ils ont surtout exprimé la colère des militants. Ils estiment que dans la gestion du pouvoir, le parti de l’ancien président Henri Konan Bédié est floué. L’aigreur semble même s’amplifier. En fait, les houphouëtistes du RDR s’étaient bien préparés et l’aura du nouveau chef de l’Etat avait permis de ratisser large.

Le tort ne vient-il pas du parti hérité du « Vieux » (Feu Félix Houphouët Boigny, premier président de la République) ? Ses dirigeants n’auraient-ils pas trop cru en la grande capacité de mobilisation du parti ? Avaient-ils compris que les temps ont changé, et la Côte d’Ivoire avec ? Apparemment, ils n’ont pas vu venir les choses. Certes, le « vieux » Henri Konan Bédié (HKB) avait vu son aura se raffermir à la faveur de ses initiatives en faveur de la paix et de la réconciliation. Mais, cela n’aura pas suffi à glaner les sièges convoités. Le PDCI semble bien souffrir de problèmes de gestion interne. Le parachutage de candidats aurait-il fait des siennes ?

Des militants parmi les plus fidèles, avaient-ils cru pouvoir dormir sur leurs lauriers ? Toujours est-il que la surprise qui les attendait était de taille. Comme fatigués de voir les mêmes hommes prononcer les mêmes discours depuis des lustres, les électeurs ivoiriens ont donc préféré donner leurs voix aux hommes et femmes du nouveau président ADO. Dans tout rassemblement, surtout de circonstances, la loi du chacun pour soi, donc de l’intérêt partisan, finit toujours par triompher. Les alliances de circonstances sont ainsi faites. On n’est jamais à l’abri des surprises.

Les militants du PDCI semblent oublier que le pouvoir actuel, c’est bien celui du RHDP et pas seulement du RDR. En plus de l’actuel chef du gouvernement ivoirien, des ministres et de hautes personnalités sont bien des leurs. Pour qui travaillent donc ceux qui attaquent ? Le PDCI avait-il vraiment bien préparé les législatives ? Sinon, qu’en sera-t-il donc des prochaines municipales ? A moins que l’on ne craigne le naufrage ! Car, on le pressentait déjà : après sa victoire au scrutin présidentiel, le RDR a sérieusement préparé les législatives.

Il lui fallait démontrer que son occupation du territoire était bien une réalité et que toutes les intrigues brodées autour du parti et de son chef, n’avaient en fait pour but que d’empêcher les Ivoiriens de faire ouvertement leur choix, et de confondre certains individus qui embouchaient un peu trop vite la trompette du triomphalisme et de l’exclusion. Après plus d’une décennie d’errance et de souffrance au plan de la gouvernance, les Ivoiriens ont hâte qu’enfin on s’occupe d’eux.

Le PDCI qui se trompe assurément d’adversaire, gagnerait à serrer le coude avec le RDR afin de ne pas donner aux anti-démocrates et aux démagogues des espoirs de retour. Il est inutile de se jeter dans des querelles de chiffonniers, surtout que les plaies sont encore présentes dans les esprits et les cœurs. Cette querelle de clochers témoigne cependant d’une certaine vitalité démocratique. Il faut se féliciter de l’existence aujourd’hui de vrais débats démocratiques en Côte d’Ivoire.

C’est une réalité que nul ne saurait nier. Toute la classe politique doit admettre cet acquis et s’efforcer de le préserver à tout prix. La Côte d’Ivoire revient de loin. Ceux qui ont bien tiré leçon d’un passé récent doivent comprendre que la situation est toujours fragile. Il serait par conséquent périlleux de se lancer dans des diatribes qui n’apporteraient que de l’eau au moulin des va-t-en guerre. Encore une fois, le PDCI ne doit pas se tromper de combat et de cible. Chercher des boucs émissaires à son propre échec est une perte de temps.

Au lieu de ruer continuellement dans les brancards, le PDCI ne devrait-il pas plutôt chercher à se réorganiser, à donner leurs chances aux plus jeunes ? Il vaut mieux tirer les leçons des dernières législatives, réorganiser le parti et surtout oser changer de leadership. La sortie du PDCI ressemble à un cri de désespoir. A la veille des municipales, ce parti craindrait-il un autre raz-de-marée de son allié au risque de subir une absorption partielle ou même intégrale du PDCI par le RDR ? Cela justifie-t-il pour autant cette levée de boucliers ? A croire que l’issue pourrait être fatale pour le doyen des partis politiques ivoiriens !

Cette querelle inutile entre les deux partis de l’éléphant bicéphal présagerait-elle d’une implosion du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) ? Reste à savoir si l’électeur ivoirien se laissera émouvoir par les derniers barrissements de l’éléphant en danger. Si le PDCI échoue au prochain scrutin, le RDR ou d’autres groupes politiques danseront le « Mapouka », le Zouglou et autres couper-décaler sur le dos du PDCI.

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