Un an après la crise post-électorale Ce que Odienné attend de Ouattara

L’Inter

‘’Quel gâchis!’’ Ce sont ces mots qui frappent à l’esprit quand on découvre le lycée professionnel et le CAFOP d’Odienné. Une ville située à environ 850km d’Abidjan, la capitale administrative ivoirienne. Quand ce dimanche 20 avril, derrière une moto-taxi, nous arpentons les sentiers du quartier ‘’Bromakotè’’ de la capitale du Kabadougou qui abrite ces deux établissements, nous ne savions pas ce qui nous attendait. Notre guide, Moktar Kamaté, à qui nous avons expliqué nos intentions, a poussé un soupir, avant de déclarer : « ce que tu vas voir ne te laissera pas indifférent ». Il n’a pas eu tort. Partis de la mairie d’Odienné, une dizaine de minutes plus tard, nous voici devant le lycée professionnel, un établissement dont la renommée avait dépassé les frontières ivoiriennes. Aujourd’hui, il n’en reste que des bâtiments décoiffés et avalés par la broussaille. Pillé de fond en comble, le lycée ne tient que par la peinture rouge bordeaux qui a tout de même gardé sa fraicheur. Nous n’avons franchi que le portail, parce qu’il était impossible d’aller plus loin. Idem pour le CAFOP qui est contigu au lycée. Lui non plus n’a pas résisté à la furia des pilleurs. Devant notre désolation, notre interlocuteur nous indique que cet établissement qui formait les enseignants sert actuellement de logis aux bœufs et aux animaux sauvages. Nous quittons les lieux, le cœur meurtri par une image aussi révoltante. Et pendant qu’on croyait avoir tout vu, nous débouchons sur la résidence du chef de l’État à Odienné. Elle n’existe également que de nom. Tout a été emporté par la crise militaro-politique de septembre 2002. C’était comme après le passage d’une bande de criquets pèlerins dans une plantation. Il ne restait que les murs que les pilleurs ont sans doute jugés non rentables. Tout ce qui pouvait être vendu l’a été. Nous continuons notre inspection jusqu’à la voie principale qui traverse la ville. Pour ceux qui l’ont connue, cette voie était également un motif de satisfaction pour les Odiennékas. Houphouët Boigny, du nom du premier président ivoirien, l’avait construite en s’inspirant du modèle des voies de Yamoussoukro, capitale politique de la Côte d’Ivoire. Même si la voie d’Odienné n’a pas les mêmes dimensions que celles de la ville natale du vieux, la ressemblance, cependant, est frappante. Longue d’à peu près deux kilomètres, cette voie est divisée, sur toute sa longueur, par une bande de terre et des lampadaires. 20 ans en arrière, elle avait fait rêver nombre d’Odiennékas. Mais aujourd’hui, mal entretenue, il n’en reste qu’une sorte de piste défoncée, délimitée par une canalisation qui laisse à désirer. Le rond point, qui jadis donnait à la ville une allure majestueuse, est aujourd’hui mangé par la broussaille. Un chasseur pourrait y débusquer des agoutis ou tout autre rongeur. L’une des rares voies à avoir du bitume à Odienné est celle qui relie la préfecture au rond point. A notre passage, nous avons constaté que les caniveaux ont été curés pour faciliter le passage des eaux usées. Comme les déchets de curetage n’ont pas été ramassés, ils sont redescendus dans les canalisations après la grande pluie qui a arrosé la ville le samedi dans la soirée. Nous continuons notre inspection jusque tard dans la nuit. Au coucher du soleil à Odienné, tout le monde regagne son domicile. Les Odiennekas sont des couche-tôt.

Pont de résidence pour les fonctionnaires

Seul les fonctionnaires déployés dans la ville font vibrer les rares maquis et la seule boîte de nuit des lieux. La nuit, la capitale du Denguélé est encore plus triste. L’éclairage public ne couvre que 40% de la ville. Le voie principale est à moitié éclairée. La parcourir à pied, du rond point jusqu’au quartier résidentiel, est un risque. Au quartier résidentiel où nous nous sommes rendus, quelques résidences ont été bâties, mais c’est largement insuffisant aujourd’hui au regard du nombre de fonctionnaires redéployés. Le redéploiement est donc en voie d’achèvement. Pour en savoir davantage, nous nous sommes personnellement rendu, le lundi 21 mai, sous un soleil de plomb, à la préfecture de la ville. Le secrétaire général de la préfecture, Chérif Brahima, qui nous a reçu, est satisfait du taux du redéploiement des fonctionnaires. Selon lui, toutes les structures de l’État sont en place. Directeurs régionaux, centraux, chef de service, tous ont regagné leurs postes, selon lui. La seule difficulté qu’il a relevée, c’est l’absence du petit personnel. Ce qui fait que des directeurs régionaux et les chefs de services se retrouvent seuls dans leurs bureaux. Il a également souhaité une réhabilitation rapide des locaux de certaines structures de l’État pour permettre à l’administration de jouer pleinement son rôle. Après avoir pris congé de notre hôte, nous avons entrepris une visite des bâtiments administratifs pour nous rendre compte de l’effectivité de la présence de l’administration. Au quartier résidentiel, nous avons pu découvrir des locaux de la direction régionale de la Douane et des Impôts totalement refaits et équipés. Des personnes trouvées sur les lieux nous ont assuré de la reprise des activités douanières et fiscales dans la région. Les enseignants ont été déployés et les élèves vont au cours comme partout en Côte d’Ivoire. La mairie, qui n’a pas arrêté de travailler depuis la crise de septembre 2002, continue ses activités. Elle s’attèle à fournir des extraits de naissance aux enfants nées pendant la crise post-électorale et non déclarés à l’état-civil, conformément à un décret du président de la République, Alassane Ouattara. Quand nous y avions mis les pieds, déjà plus de 5000 enfants ont été sortis de l’anonymat. La poste, la Direction de l’inspection primaire et plusieurs autres démembrements de l’administration sont fonctionnels. Ce sont ces présences qui donnent de l’espoir aux populations du Kabadougou. Habitués à traiter avec une administration parallèle pendant 10 ans, elles commencent à avoir le réflexe de la citoyenneté. Les produits de contrebande qui, autrefois, inondaient le marché, ont presque disparu. Ce qui a quelque peu renchéri le coût de la vie, puisqu’à Odienné, les bouteilles de gaz de 12 kg et 6kg coûtent respectivement de 8675FCFA et 3000FCFA. Un prix arraché au forceps par la direction régionale du commerce puisque les fournisseurs voulaient les vendre un peu plus cher, soit 12000 FCFA la bouteille de 12kg. Qu’à cela ne tienne, les populations du Denguélé sont heureuses d’être enfin dans la République. Odienné tente donc de renaitre de ses cendres et elle fonde beaucoup d’espoir à la matérialisation du programme présidentiel de  »leur fils », Alassane Ouattara.

Y.DOUMBIA (Envoyé spécial à Odienné)

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