Proches de Gbagbo accusés de genocide – La surenchère politico-judiciaire ?

Le Pays

Comme des clients d’un coiffeur, les anciens caciques du régime Gbagbo passent à tour de rôle devant la justice ivoirienne pour se voir signifier les crimes à eux reprochés. Le 25 juin dernier, c’était le tour du dernier et effacé Premier ministre de Gbagbo, Gilbert Marie Aké N’Gbo ; son ministre des Affaires étrangères, Alcide Djédjé, et celui de l’Economie et des finances, Désiré Dallo, d’être informés officiellement des charges pesant contre eux et pour lesquelles ils sont détenus depuis la fin de la crise en avril 2011 avec la chute de leur mentor.

Ainsi, ils sont accusés de crimes de sang, de meurtres, d’assassinats, d’incendies volontaires d’immeubles et de génocide sans oublier les crimes de guerre et crimes contre l’humanité, les crimes économiques, l’atteinte à la sûreté de l’Etat, etc. De toutes ces charges, il y a une qui retient particulièrement l’attention : celle de génocide. Selon le dictionnaire Le Petit Robert, le génocide est « la destruction méthodique d’un groupe ethnique » ou encore « l’extermination d’un groupe important de personnes en peu de temps ».

Concernant le crime de génocide, ce même dictionnaire le définit comme un « acte commis dans l’intention de détruire, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ». Avant l’ex-Premier ministre et éminent professeur d’université et deux de ses ministres, Simone Gbagbo et Affi N’Guessan avaient été eux aussi inculpés de génocide. Et la liste est loin d’être exhaustive. Laurent Gbagbo, bien que présenté comme le principal responsable de la tragédie, est finalement le seul à avoir échappé à cette inculpation de la part de la justice ivoirienne.

Sa « chance » est peut-être qu’il a été extradé à la Cour pénale internationale où on parle beaucoup plus de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, pour qualifier les horreurs commises lors des conflits de façon générale. La justice ivoirienne semble avoir sa propre définition du mot génocide. C’est le moins que l’on puisse dire vu qu’elle n’a pas tenu compte du manque de consensus sur ce mot à l’issue de débats qualifiés d’intenses, menés au sein de la commission d’enquête internationale sur les violations des droits de l’homme en Côte d’Ivoire.

Si fait que l’expression « crimes contre l’humanité » a été préférée au mot génocide pour qualifier les actes les plus graves, les crimes les plus abominables commis durant la crise postélectorale. Cette absence de consensus est la preuve que le mot génocide est à manier avec précaution, qu’il ne peut pas être utilisé à tort et à travers même devant le crime le plus révoltant. Sa définition est tellement encadrée que son usage doit être strict pour éviter que ce mot ne serve de fourre-tout à l’image du terrorisme surtout après les attentats du 11-septembre.

La justice ivoirienne est peut-être sûre des preuves, des faits sur lesquels elle se base pour faire ces inculpations de génocide. Mais, tabler sur le mot génocide, l’utiliser pratiquement à tout va, fait penser à une surenchère dans les inculpations. Tout se passe comme s’il faut forcément coller cela à certains pro-Gbagbo au stade de l’instruction, quitte à ce que ces charges soient abandonnées au procès.

Séni DABO

Le Pays

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