Un huissier de justice jeté en prison Ses collègues menacent de tout paralyser

L’Inter

Les huissiers de justice ne sont pas contents. Alors là, pas du tout. Et pour cause, l’un des leurs, en l’occurrence Maître Lucien Séka Monney, est victime, selon eux, d’injustice. Ce dernier a été jeté à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) depuis le 15 juin 2012, pour avoir exécuté une décision de justice. Pour exiger la libération de leur camarade, une trentaine d’entre eux qui nous ont rencontré, menacent de mener des actions d’envergure. De quoi s’agit-il ? Suivant jugement social N°43 / 2009 rendu le 19 février 2009, le tribunal de Première instance de Yopougon a condamné une société de pièces de rechange automobile de la place et son gérant, un certain Youssef, à payer à Jean Kipré (employé), victime de licenciement abusif, des droits de rupture. Une décision qui a été confirmée par la Cour d’appel par Arrêt social contradictoire N°42 / 11 rendu le 28 janvier 2011. Et c’est là que commencent véritablement les malheurs de Maître Lucien Séka Monney. Dès lors que son ministère a été requis par l’employé licencié en vue de signifier les décisions à l’employeur. Ainsi, suivant un exploit en date du 17 octobre 2011, Maître Séka fait pratiquer une saisie-vente sur les biens meubles appartenant à ladite société et à M. Youssef, aux fins d’avoir paiement de la somme de 2 millions 500 mille fcfa.  »Au terme du délai légal en la matière, lesdits biens ont été enlevés et placés sous la garde d’un commissaire-priseur qui, après les formalités, a procédé à la vente des biens saisis. Le procès-verbal de la vente a été régulièrement signifié aux débiteurs saisis, mais le produit de la vente n’ayant pu éteindre la dette, Jean Kipré a fait pratiquer une saisie complémentaire suivant exploit du 10 janvier 2012 », a indiqué Maitre Séka que nous avons rencontré dans le pénitencier d’Abidjan, non sans préciser que les enlèvements des biens pour les deux saisies ont été effectués après avoir sollicité et obtenu, à chaque fois, l’autorisation du procureur général près la Cour d’appel d’Abidjan. Poursuivant, notre interlocuteur fait remarquer que suite à la première saisie-vente du 17 octobre 2011, le nommé Youssef a initié une procédure dilatoire qu’il n’a pas fait enrôler. De cette façon, il a mis en scène une dame au nom de Eddinne pour faire servir une assignation en distraction de biens qu’elle n’a, également, pas fait enrôler.  »J’ai sollicité et obtenu un certificat de non-enrôlement de ladite assignation, et j’ai procédé à l’enlèvement des biens saisis pour les remettre au commissaire-priseur comme le veut la procédure. Mais bien curieusement, dame Eddinne que je n’ai jamais vu à un procès, a saisi à nouveau la juridiction présidentielle de Yopougon, aux fins d’obtenir la distraction des biens saisis, au motif qu’elle en serait le propriétaire », a révélé Maître Séka. Ajoutant que, statuant sur cette action, la juridiction présidentielle saisie a, en dépit de la pertinence des moyens et arguments de l’employé déflaté, rendu l’Ordonnance de référé N° 285 du 18 avril 2012 faisant droit à la demande de dame Eddinne. Puis de déplorer que, bien qu’ayant été assigné, il n’a pas pu assister au déroulement des audiences de cette procédure parce que le juge des référés l’a non seulement interdit, mais aussi le commissaire-priseur n’a pas été assigné en sa qualité de gardien des biens. Ceci, selon Maître Séka, en violation des dispositions de l’article 141 alinéa 2 de l’Acte uniforme de l’OHADA relatif aux Procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. N’empêche ! Maître Lucien Séka Monney affirme qu’il a néanmoins averti par téléphone l’étude du commissaire-priseur de l’existence de la procédure en distraction en cours, en enjoignant son clerc qu’il a eu en ligne de surseoir à la vente des biens saisis. Malheureusement, faute d’acte écrit, l’huissier n’a pu obtenir du commissaire-priseur l’arrêt de la vente des biens saisis. Cela a suffi pour le jeter en prison depuis le 15 juin 2012.

La colère des huissiers de justice

Pour les huissiers de justice venus nous rencontrer, les biens saisis sont loin d’être la propriété de dame Eddinne, qui n’est autre que le fruit de l’imagination du débiteur. Au soutien de leur affirmation, ils déclarent que les deux factures produites en son nom comportent des doutes. A les en croire, Jean Kipré, l’employé licencié, a sollicité et obtenu de la Juridiction présidentielle, l’autorisation de compulser les documents comptables de la société ayant émis les reçus, en vue de vérifier leur authenticité. Ainsi, conformément à l’ordonnance de compulsoire et sur interpellation de l’huissier instrumentaire, cette société a soutenu que les supposés reçus brandis par dame Eddinne étaient faux.  »Il s’induit des déclarations de la société en question, supposée avoir délivré les factures produites par dame Eddinne, que celle-ci a abusé de la Juridiction présidentielle. Il s’agit, à l’évidence, de manoeuvres grotesques d’un débiteur peu digne de foi, visant à faire échec à la mesure d’exécution entreprise », ont fustigé ces huissiers, qui soutiennent que dame Eddinne n’a jamais existé et que le contrat de bail produit devant le juge par cette dame (!) a été établi faussement pour les besoins de la cause. Tirant les conséquences d’une telle situation, les huissiers ont conclu que leur collègue Lucien Séka a été victime d’une injustice qu’il convient de réparer.  »Le président de la République a affirmé que la nouvelle Justice devra répondre aux attentes des justiciables, qui sont de plus en plus nombreux et de plus en plus exigeants quant au respect aux droits et aux libertés. C’est pourquoi nous exigeons la relaxe pure et simple de notre confrère avant les vacances judiciaires », ont-ils plaidé notamment. Faute de quoi, ont menacé les huissiers de justice, ils paralyseront le palais de justice dans les jours à venir, pour prendre l’opinion publique à témoin. Joint par téléphone, hier jeudi pour en savoir davantage sur ce dossier, le président de la Chambre des huissiers de justice de Côte d’Ivoire, Maître Kattié, s’est voulu rassurant.  »Il s’agit d’une incompréhension entre les parties, le problème est en train d’être réglé… », a-t-il réagi notamment.

G. DE GNAMIEN

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