Soro « à Duékoué il y avait des hors-la-loi, CPI, je suis d’une sérénité imperturbable »



Soro Guillaume (Pdt de l’Assemblée nationale) : « La Cpi a émis des mandats contre Gbagbo, Blé Goudé et Dogbo Blé »

Sylla A.source: Soir info

C’est à un véritable combat…oratoire que Soro Kigbafori Guilaume, l’actuel président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire et Alain Foka, journaliste à Radio France internationale (Rfi), se sont livrés, dimanche 8 juillet 2012. Nous vous proposons des extraits de cette interview réalisée dans le cadre « du débat africain » de la « radio mondiale ».
Lorsque l’Assemblée nationale est tenue par un ancien chef rebelle, on se dit que l’envie peut venir aujourd’hui de dire maintenant, je prends les affaires et de recommencer comme en 2002 ?

Soro Kigbafori Guillaume : Vous savez les choses sont très simples. J’avais l’opportunité quand M. Gbagbo s’était arc-bouté au pouvoir de profiter de la situation. Je ne l’ai pas fait par loyauté, mais aussi par devoir, mais aussi parce que profondément, je suis démocrate et je crois en l’Etat de droit.

Lorsque vous dites à quelqu’un que vous êtes démocrate, on sait quand même, qu’en 2002, une armée allait renverser un gouvernement qui était en place et vous étiez le chef de cette armée, vous étiez à la tête des Forces nouvelles !

S.K.G : Est-ce que ATT (Amadou Toumani Touré, l’ancien chef de l’Etat malien, Ndlr), pour vous, est un démocrate ?

Vous vous comparez à ATT comme si on était dans les mêmes circonstances que celles d’ATT ?

S.K.G : Est-ce que ATT, pour vous, est un démocrate ? Est-ce que De Gaulle a été un grand homme politique en France ?

Vous vous mettez dans la classe de De Gaulle, vous estimez que, comme en juin 1940, il fallait intervenir en Côte d’Ivoire en 2002 ?

S.K.G : Je dis dans la vie des Nations, il arrive, par le concours de péripéties diverses, que la vie de la Nation s’en trouve perturbée. Evidemment en 2002, j’ai été à la tête d’une rébellion qui a revendiqué clairement la démocratie et l’Etat de droit dans mon pays.

Alors cette rébellion, monsieur Guillaume Soro, comment vous en devenez le chef ? C’était un complot préparé de longue date ou bien c’est par hasard que vous vous retrouvez à la tête ?

S.K.G : Ce n’est pas une question de hasard, mais la Côte d’Ivoire, depuis quelques années déjà, était frappée par une dérive grave, « ivoiritaire ». Une partie de la communauté nationale était exclue de la vie politique, marginalisée. Il y avait le délit de faciès, de patronyme dans mon pays. Et, quand justement les rouages et les mécanismes de l’Etat ne permettent pas au citoyen de s’exprimer par les canaux réglementaires, la révolte peut devenir de droit. Et c’est ce qui s’est passé dans mon pays.

Vous revendiquez cette rébellion de 2002, vous trouvez qu’elle était justifiée ?

S.K.G : Absolument ! Je considère qu’elle était justifiée. Et c’est Victor Hugo qui le disait que face évidemment à la dictature, la révolte est de droit.

(…).

Vous n’avez pas manigancé pour installer Alassane Dramane Ouattara aux affaires ?

S.K.G : Comment l’aurais-pu quand il y avait les Nations unies, l’Union africaine, la Cedeao, l’Union européenne, quand il y a avait autant d’observateurs et quand il y a avait surtout autant de mécanismes de validation du processus électoral. Je vous signale que très peu de pays, en Afrique et dans le monde, peuvent se targuer d’avoir eu un processus électoral aussi surveillé.

Comment comprendre que l’on conteste les résultats qui sont sortis des urnes et que d’autres affichent d’autres procès verbaux qui ne sont pas ceux qu’on a présentés ?

S.K.G : Voilà justement entre les Nations unies, que vous monsieur Alain vous ne pouvez accuser de complaisance ou de partialité, l’Union européenne, la Cedeao, l’Union africaine et la Commission électorale indépendante, il y a bien une minorité qui a tort de produire et de falsifier des procès verbaux, c’est bien le camp de Monsieur Laurent Gbagbo. Cette élection a été démocratique, transparente. Elle est frappée par le sceau de la certification des Nations unies.

Pour vous, il n’y a pas de contestation possible ?

S.K.G : Il n’y a pas de contestation possible !

(…).

Il y a une bonne partie qui n’était pas les Forces républicaines de Côte d’Ivoire qui étaient ceux qu’on appelé les Fds qui appartenaient à l’autre camp et qui se disaient loyalistes aussi?

S.K.G : Je dis que j’étais ministre de la défense, premier ministre, je dirigeais les Forces républicaines de Côte d’Ivoire.

Qui étaient dans le nord ?

S.K.G : Bien sûr !

Et qui étaient composés de qui exactement ?

S.K.G : Ces Forces républicaines étaient aussi dans le nord que dans le sud, qu’à l’est, qu’à l’ouest. Donc, il n’y a pas eu une progression unilatérale. Il y a eu plusieurs fronts qui ont été ouverts dans une stratégie, une tactique bien concertée, huilée. Ce que je veux dire, c’est que les Forces républicaines de Côte d’Ivoire ont lancé une offensive le 27 mars 2011 pour arrêter et stopper les tueries qui avaient cours à Abidjan. Et aujourd’hui, je considère que ces Forces républicaines ont joué un rôle important dans le rétablissement de la démocratie et la paix dans mon pays.

Il y a eu beaucoup de morts dans cette bataille d’Abidjan, il y a eu beaucoup de morts, d’un côté comme de l’autre…

S.K.G : Ce que je peux vous dire, les morts on eu lieu du 28 novembre (2010) au 27 mars (2011). C’est parce qu’il avait autant de morts et les décomptes des Nations unies sont là. C’est parce qu’il avait des milliers de morts que nous n’avons pas eu d’autres choix pour arrêter la continuation et la commission des crimes et des meurtres à Abidjan de déclencher l’offensive.

Monsieur le président de l’Assemblée nationale, aujourd’hui seule une personne se trouve à la Cour pénale internationale, le président Laurent Gbagbo. Est-ce que cela veut dire que c’est le seul qui ait commis des crimes en Côte d’Ivoire, est-ce qu’il n’y a pas eu d’autres personnes qui ont commis des crimes dans l’autre camp. On a l’impression qu’il y a une justice des vainqueurs finalement en Côte d’Ivoire?

S.K.G : C’est une propagande du Fpi qui ne rime à rien. Pour ne pas justement être accusé d’avoir une justice des vainqueurs, nous avons fait appel à la Cour pénale internationale. La justice internationale est insoupçonnable. On ne peut pas soupçonner la Cpi d’être complaisante ou de choisir un camp…

Mais, il y a 146 personnes qui sont officiellement mises en examen et qui sont soupçonnées de crimes, de génocides etc etc… qui sont tous d’un seul camp, dans le camp de Laurent Gbagbo ?

S.K.G : Non ! Non ! Vous ne pouvez pas me dire…Je parle de la Justice internationale, de la Cpi. Jusqu’à présent, la Cpi a été appelée à venir faire des investigations en Côte d’Ivoire. La Cpi n’a, à ma connaissance, émis que quatre mandats. Evidemment, les mandats ont été émis contre Monsieur Laurent Gbagbo, Simone Gbagbo, Blé Goudé et le général Dogbo Blé. Vous me direz que la Cpi a décidé sur la base d’enquêtes. Ce n’est au gouvernement ivoirien, c’est la justice internationale…

Mais Monsieur Soro, vous n’allez pas dire que dans votre armée aussi, on n’a pas commis de crimes ?

S.K.G : Alors je vais vous dire : les Forces républicaines de Côte d’Ivoire ont agi en légitime défense. Quand les policiers poursuivent et traquent le hors-la loi et que le hors-la-loi tire sur la police et que la police riposte, peut-on les mettre sur la même balance ? Le hors-la-loi là depuis le 28 novembre, c’était Gbagbo.

Mais, il existe des méthodes pour interpeller le hors-la-loi !

S.K.G : Si Gbagbo avait cédé le pouvoir pacifiquement comme Wade l’a fait au Sénégal, il n’y aurait pas avoir 3000 morts. Et, vous n’allez pas me dire que Gbagbo n’a pas commis ces crimes en Côte d’Ivoire du 28 novembre au 27 mars. Voilà !

Ce n’est pas dans le camp Gbagbo qu’on a commis des crimes. On vous accuse par exemple, vous M. Soro…

S.K.G : Qui m’accuse ?

…d’être responsable par exemple de la mort d’IB, Ibrahim Coulibaly (de son vrai nom) qui était dans le camp du pouvoir que c’étaient les rivalités entre vous qui ont poussé les militaires à opérer, c’est-à-dire à l’abattre froidement ?

S.K.G : M. Alain Foka, nous avons l’habitude de vous savoir sérieux, journaliste d’investigation sérieux, dites-moi qui m’accuse ?

Ça se dit partout, M. Guillaume Soro ?

S.K.G : Vous n’allez pas faire le relais de ragots de presse.

Vous n’avez donné aucun ordre pour ce qui était de IB ?

S.K.G : (Il hausse le ton, Ndlr) Je vous demande, qui m’accuse ? Répondez ?

La presse, beaucoup de gens…, également ceux du camp Gbagbo et les pro-IB !

S.K.G : Ecoutez, pour répondre sérieusement à la préoccupation (…). Vous savez, en politique, il y a tellement de calomnies que si je devais passer mon temps à répondre aux calomnies, je n’en n’aurais pas assez pour consacrer à ma mission. Moi, ce que je dis, c’est que j’ai été Premier ministre, ministre de la Défense. En ma qualité de ministre de la Défense, j’ai dû donner des instructions aux Forces républicaines de Côte d’Ivoire pour stopper les tueries à Abidjan. Elles sont venues. Les 3000 morts en Côte d’Ivoire, c’était avant l’offensive. Après l’offensive, il n’y a pas eu autant de morts. Donc, ces Forces sont venues pour stopper les tueries. Et, il faut saluer les Forces républicaines de Côte d’Ivoire.

Et IB faisait partie de ceux qu’il fallait stopper ?

S.K.G : IB n’était pas notre adversaire dans ce combat.

Il n’était pas votre rival par hasard?

S.K.G : Si je n’ai pas donné d’instructions aux Forces républicaines de tuer Gbagbo, pourquoi le ferai-je pour IB, franchement !

Qui sont ceux qui ont tués à Duékoué ?

S.K.G : Ecoutez à Duékoué, il y a eu des batailles, c’était la guerre. Nous étions confrontés à des miliciens et mercenaires libériens à la limite du cannibalisme. Si vous considérez que les Forces républicaines avaient une revanche à prendre, pourquoi n’ont-elles pas exterminé toute la population de Mama, de Gagnoa d’où vient Gbagbo ? Qu’est ce qui justifie que ce soit à Duékoué qu’il y ait eu autant de morts ? Justement parce qu’il y avait des miliciens, des mercenaires qui étaient des hors-la-loi et qui ne respectaient pas les règles de la guerre. Voilà ce qui s’est passé à Duékoué.

Vous n’avez pas à être inquiété par qui que ce soit ?

S.K.G : Je suis d’une sérénité imperturbable. Je considère simplement que de ma responsabilité de ministre (de la Défense) et de Premier ministre de la République de Côte d’Ivoire, il était devenu insupportable, à la limite de l’irresponsabilité, de laisser M. Gbagbo continuer de tuer les Ivoiriens. Et, nous sommes venus à Abidjan pour stopper ces tueries.

(…).

Très sérieusement, au temps de la rébellion, il n’était pas concerné ? Vous n’aviez pas le Président Alassane Dramane Ouattara derrière vous lorsque vous étiez dans la rébellion. C’était sa rébellion ou pas ?

S.K.G : Je pense que cette question, posez-la au Président de la République !

Mais je vous ai en face, vous étiez le chef de guerre ?

Bien sur ! En ce qui me concerne, je dis et je répète : j’étais Secrétaire général des Force nouvelles.

Et qui était votre patron ?

S.K.G : J’étais mon patron.

Les gens se posent souvent la question de savoir qui finançait cette rébellion, qui finançait les Forces nouvelles ? Alors, je vous ai en face qui vous finançait ?

S.K.G : Si vous avez bien suivi mon cursus, vous savez M. Alain que je ne suis pas un homme à se laisser manipuler. J’ai été Secrétaire général de la Fesci, le même Alassane Ouattara était premier ministre, et nous lui disions, quand nous étions étudiants, toutes nos vérités.

(…).

Et donc, il vous a financé pour cette campagne de 2002 ou pas ? Je parle de cette campagne militaire ?

S.K.G : Je ne crois pas que ce soit dans la nature de M. Alassane Dramane Ouattara de financer des rébellions. Il avait un parti politique. C’est un homme politique. Il a plus à faire à financer son parti que de financer une campagne militaire.

Alors, M. Soro, récemment, le fils de Laurent Gbagbo, Michel Gbagbo a porté plainte contre vous, pas contre l’Etat de Côte d’Ivoire, contre vous pour enlèvements, séquestration, traitements inhumains et dégradants. Pourquoi l’a-t-on arrêté ?

S.K.G : Deux choses. La première, je considère que tout citoyen est libre de porter plainte. C’est un Etat de droit. Je suis démocrate. Je fais confiance à la justice. Donc, si quelqu’un en Côte d’Ivoire, qui qu’il soit, a envie de porter plainte, c’est son droit. Et, j’ai salué cette initiative. Maintenant pourquoi Michel Gbagbo a été arrêté ? Michel Gbagbo, ceux qui le connaissent, l’ivoirien Michel Gbagbo, ceux qui le connaissent, a été extrémiste. Il était avec son père dans le bunker au moment où on les a arrêtés.

Il voulait peut-être protéger son père, très certainement, il était solidaire de son père.

S.K.G : Il était peut être solidaire de son père et c’est louable, à la limite. Mais, l’activité politique qu’il a menée, l’extrémisme dont il a fait preuve, pour tuer les Ivoiriens, ce n’est pas justement acceptable. Et, il répondra devant la justice. Si, aucune charge n’est retenue contre lui, il sera mis en liberté.

Il a dit qu’il était Français et ce n’était pas normal qu’il soit retenu comme ça !

S.K.G : Ah bon, parce que les Français sont au dessus des lois ? Parce que les Français peuvent se permettre de tuer ? Ce n’est pas ma conception de la justice et de la démocratie.

(…).

Guillaume Soro de quel parti êtes vous ?

S.K.G : Je suis candidat Rdr à Ferkéssédougou. Je suis de ce parti qui m’a non seulement parrainé mais m’a soutenu et a permis mon élection à l’Assemblée Nationale.

(…).

Recueillis par SYLLA Arouna

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