Côte d’Ivoire: Quel est le montant exact de notre dette ?

Un commentaire s’impose à nous après la publication de l’Interview du Ministre Albert Mabri Toikeuse qui affirmait que la dette ivoirienne s’élevait à 12.000 milliards de Francs CFA, et cet article de l’Expansion qui affirme que cette dette est de 16 milliards de dollars, soit près de 8000 milliards de Francs CFA: QUEL EST LE MONTANT EXACT DE NOTRE DETTE? ET QUEL EST LE VRAI POURCENTAGE DE CELLE QUI A ETE ANNULEE PAR L’INITIATIVE PPTE? Car si l’Expansion et l’ensemble de la presse spécialisée parle de 4.4Mds de dollars correspondants a près de 25% de la dette ivoirienne, soit un peu plus de 16-17Mds de dollars, le ministre du plan parle de 12 000 Mds de FCFA, soit 24-25Mds de dollars. En réalité, la dette ivoirienne s’élève a 16Mds $ dont le 1/4 a été annulé. Il reste par conséquent au pays près de 12Mds $ à payer, soit 6000 Mds FCFA.

Le fond séquestre ouvert à la Bceao pour permettre à la Cote d’Ivoire effectivement de mobiliser les 2000 Mds sur les 4 ans ne sont donc pas un argent supplémentaire mais une économie d’échelle sur les remboursements dus aux bailleurs de fonds. En d’autres termes, la communauté de Brettons Woods entend conduire le pays à mobiliser ce montant au travers du même programme structurel mais cette fois-ci, à ne pas leur donner cet argent mais à l’investir dans des infrastructures diverses.

Devant une telle manne, les fonctionnaires levent déjà les couteaux pour réclamer leur part du gâteau parce qu’ils ont fait trop de sacrifices. Ils ont raison. Cependant, il importe au pays de ne pas tomber dans les erreurs du passé qui consiste à ne concevoir le développement qu’en termes de bénéfice immédiat et non en investissement à long terme. Les grandes priorités du pays sont fondamentalement les secteurs de la santé, de l’éducation et de l’infrastructure de transport, précisément les autoroutes de l’ouest, le prolongement de celui du nord et la côtière tout en faisant un clin d’œil à l’Est. Justement, en dehors de la route, il importe aujourd’hui que le pays fasse un choix pour le futur notamment le développement du ferroviaire.

Pour ce qui concerne l’éducation, la Cote d’Ivoire, au rythme actuel de la progression des candidats au baccalauréat, s’impose l’accélération de la création des universités des grandes régions. Non seulement, il importe de faire en sorte que les trois universités existantes deviennent entièrement fonctionnelles. Mais il est crucial d’anticiper la mise en chantier de celles de Korhogo et de Daloa pour que, dans les cinq prochaines années, le pays ait une capacité d’accueil de la population estudiantine à plus de 100 000. Cela suppose entre autres la formation des formateurs et la construction de nouveaux édifices. Le passage au système LMD devrait permettre au pays de gagner en efficacité et en ampleur avec une formation qualifiante conçue dans le cadre nouveau du marché monde. En d’autres termes, l’université devra devenir une des premières valeurs ajoutées du pays en termes de capacité des étudiants à non seulement accroitre la compétitivité de l’économie, mais aussi à nous donner une représentation internationale. C’est le gage de faire de notre pays le prochain espace de délocalisation des firmes du tertiaire et de la technologie par notre capacité de répondre aux critères de l’entreprise globale actuelle. Si nous ajoutons à cela un secteur de la santé performant avec des plateformes chirurgicales de qualité internationales, notamment par la mise en place des partenariats Public-Privé qui tiennent compte des intérêts bien compris de notre pays et de nos partenaires privés, nous ne pourrons que voir une Nation émergente.

Car l’économie globale s’accommode très mal d’une école sous-performante, puisque les cadres de l’économie globale entendent faire former leurs enfants dans un environnement hyper-performant. En plus, leur besoin de couverture médicale et de transport moderne sont de plus en plus uniformises. L’ambition de la Cote d’Ivoire, au travers de cette étape importante, ne devra donc pas consister à distribuer des salaires aux fonctionnaires mais de clairement mettre en place une stratégie de développement des infrastructures développantes que sont celles de la santé, de l’éducation et des transports. Ces investissements réduiront à coup sur le cout de la vie tout en mettant en place une dynamique qui devrait booster l’emploi et à terme, relever le niveau des salaires.

Il restera alors deux obstacles importants à éviter. D’une part, les erreurs du passé notamment la politique de l’endettement qui favorise le brigandage des dirigeants au travers des mécanismes opaques de la gestion de l’aide ou de la coopération. Il y a ensuite la difficile question de la paix sociale interne importante pour rassurer les investisseurs.

En effet, la crise que notre pays vient de vivre devrait nous amener à ne plus refaire les mêmes erreurs des projets pharaoniques qui engloutissent les fonds extérieures, nous endettant ainsi, sans pour autant nous donner satisfaction au plan des gain à court, moyen et long terme. Cela suppose une scrupuleuse analyse des contrats et une lutte implacable contre les surfacturations. Un recadrage des projets « Privat-Public-Partership », notamment par l’implication de notre expert maison à dimension aujourd’hui internationale, le Bnetd, dans tous les projets, pour garantir une efficiente évaluation et un impact certain.

Cette dernière analyse suppose le retour à la paix sociale et la mise en place effective d’un état de droit. Dans un système ou la critique n’est pas possible en raison de la volatilité des conditions sécuritaires, il est exclu de voir émerger une critique sociale et politique objective. Or sans cela, il n’est pas possible de permettre à l’Etat et ses gestionnaires de devenir réactifs en tenant compte de l’impact de leur gestion scabreuse. Des lors, nous entrons dans la dynamique structurelle et systémique du renforcement des attitudes contradictoires à la bonne gouvernance, puisque l’absence de droit ne peut jamais favoriser la rationalité et la transparence.

Au total donc, pour permettre au pays de connaitre un nouveau départ, le système politique et le nouveau régime se doivent de comprendre qu’il ne sert à rien de louvoyer avec la question de la paix sociale. Certes, il importe aux tenants de l’ancien régime d’opter pour la politique et non la guerre. Mais il importe principalement à tous de comprendre que la démocratie des épithètes a conduit le pays dans la crise postélectorale. Il importe des lors à tous d’opter pour le débat direct et ouvert entre toutes les forces vives de la nation, sur les causes de la guerre civile et les moyens de parvenir à la paix, dans la vérité et la franchise.

La Cote d’Ivoire ne peut pas innover en la matière. Nous avons sous les yeux des exemples historiques. Nous devons nous en inspirer. Mandela avait toutes les raisons de détester les blancs et de demander à ses militants de les foutre dehors pour que l’Afrique du Sud soit enfin aux Noirs.

Entre la paix sociale et le désir de vengeance-ou le refus du pardon mutuel-, il a bien choisi: Son pays Eternel! Il a ainsi évité le piège de Buthelezi qui devrait ouvrir le pays à la confrontation interethnique bien orchestrée par les services de renseignements du pays. Il a gagné son pari contre les racistes.

Que gagnerons-nous alors?

Joseph Martial Ahipeau
Enseignant-chercheur à l’Université de Bouaké
PhD in history

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