Procès café – cacao: Les péripéties d’une affaire

Hermance K.N Source: Soir info

Des ex-dirigeants des structures de gestion de la filière café-cacao
Le procès café – cacao est suspendu jusqu’au 8 octobre 2012. En attendant cette date, un point de cette affaire n’est pas à l’avantage des prévenus.

Tout a commencé en 2007 par une correspondance du 11 octobre 2007 adressée par l’ex-chef d’Etat Laurent Gbagbo à l’ancien procureur de la République, près le Tribunal de première instance d’Abidjan, Tchimou Raymond Féhou, l’instruisant de diligenter, d’une part, une enquête sur le rachat des différentes sociétés acquises par les structures de la filière café-cacao depuis sa libéralisation en 2002, et d’autre part, sur la circulation des ressources et le flux financier de chacune des structures en question.

Il s’agit notamment du Fonds de régulation du café-cacao (Frc), du Fonds de développement et de promotion des activités des producteurs de café et de cacao (Fdpcc), du Fonds de garantie des coopératives de café et cacao (Fgccc), de la Bourse du café et du cacao (Bcc), de l’Autorité de régulation du café et du cacao (Arcc) et d’autres sociétés. Les enquêteurs supervisés par le procureur de la République de l’époque ont visité à Abidjan, du 4 au 11 décembre 2007, 15 sociétés de la filière et deux banques : la Banque nationale d’investissement (Bni) et la Banque pour le financement de l’agriculture (Bfa). Les sociétés visitées sont l’Arcc, la Bcc, le Frc, le Fdpcc, Daafci, le Rougier-Farma Afrique, Sarem, Coco Service, Forexci, Ace, Fgccc, Cori-sa, Ciciv, Sifca-coop et Simatp. Ce sont les conclusions de l’enquête menée en Côte d’Ivoire ainsi qu’aux États-Unis d’Amérique qui ont abouti à l’arrestation d’une trentaine de personnes ayant plus ou moins géré, à une période entre 2002 et 2008, les affaires de la filière café-cacao.

A partir du 18 juin 2008, Henri Kassi Amouzou, Angeline Kili (ex- présidente du Fonds de régulation et de contrôle café – cacao / Frc), Okaigni Okaigni (ex-vice-président du Frc et ex-responsable de l’usine de Fulton aux États Unis), Théophile Kouassi (ex-secrétaire exécutif du Fdpcc), Tapé Do Lucien (ex-président de la Bourse du Café et du Cacao / Bcc) et d’autres anciens barons de la filière café-cacao sont incarcérés à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan. Tous sont poursuivis pour « détournements de fonds, abus de confiance, abus de biens sociaux, escroquerie, faux et usage de faux en écriture privée de banque ». Détenus préventifs depuis juin 2008 pour certains et plus tard pour d’autres à la Maca, c’est seulement en janvier 2011 que leurs demandes de remise en liberté provisoire, refusées maintes fois, ont pu prospérer.

Des preuves accablantes

Temps mort jusqu’en septembre 2010 pour un procès annoncé et renvoyé en novembre 2010. La crise politique a aussi fait suspendre le fameux procès durant des semaines. Sortis de prison en janvier 2011, les ex-dirigeants de la filière hument l’air de la liberté mais sont tenus d’être discrets. En mars 2012 lorsque le procès reprend sérieusement, on aura connu plusieurs présidents de tribunal avec de nombreux procureurs. D’Alain Pohan à Ahmed Coulibaly en en passant par Messoum Dominique, beaucoup de choses ont changé à la présidence du tribunal.

Lorsqu’il prend le dossier en mains en avril 2012, le président du tribunal Coulibaly Ahmed Souleymane apprend qu’ « une ordonnance judiciaire a été prise pour reconstituer la chambre correctionnelle chargée du procès, et qu’à ce titre, tout ce qui a été fait et dit avant, est à recommencer, le principe du procès pénal étant fondé sur l’oralité ». Selon lui dès lors qu’une nouvelle chambre spéciale a été commise, il s’agira de « commencer véritablement ce procès » dont le dossier fait 800 000 pages. Il prévoit, pour ce faire, un chronogramme précis en fixant les jours d’audience à lundi, mardi et mercredi.

Avec le ministère public, tout ne change pas véritablement vu que le procureur Fernand Oulaye qui connait bien le dossier café – cacao est demeuré à son poste. Ainsi, de octobre 2007 à ce jour, il a pu se renseigner sur les différentes connections des manipulations qui ont eu cours dans la gestion de la filière.

En tout cas, depuis mars 2012, les prévenus ont pu s’en rendre compte. Il a fait noter, avec des documents cotés et paraphés enregistrés au cours de la procédure d’instruction qu’a supervisée le doyen des juges Gnakadé Ladji Joachim, que des malversations ont été commises. Dans ce cadre, il a donné des preuves que les anciens dirigeants de la filière percevaient des salaires élevés (entre 3 et 10 millions de francs Cfa par mois) et des jetons de présence exorbitants (entre 1,5 et 3 millions par réunion). Sans oublier les conclaves extraordinaires dont les cachets sont parfois plus élevés que ceux de la réunion.

Avec son adjoint Yao, ils ont encore donné des preuves que, pour la plupart, les anciens dirigeants des structures de gestion de la filière café – cacao ont utilisé l’argent des producteurs à des fins personnelles. On aura appris grâce à eux que dans la filière, les délégués des régions étaient des actionnaires privés dans Anaproci Sa. Cela, alors que jusqu’à ce débat de fond, les producteurs étaient convaincus que les coopératives étaient parties prenantes dans cette société.

Avec eux, le Tribunal a révélé une fraude de 900 milliards de francs Cfa relatifs à des produits déclarés hors normes pourtant de bonne qualité. Il y a les biens et autres manipulations financières révélées et qui n’ont pu, être expliquées par les prévenus. Qui, souvent, n’ont pas présenter des preuves pour leur défense. Même si d’autres accusent l’ancien pouvoir de les avoir obligés à faire des décaissements de sommes faramineuses, ils n’ont pas encore donné les preuves de leurs affirmations.

Acte fondamental, selon le président Ahmed Coulibaly. Qui, au cours de ce procès, aura marqué son étonnement quant à la non inculpation des ex- ministres en charge de l’Agriculture et de l’Économie et des Finances. Dans tous les cas, pour l’égalité des parties et la transparence dans les décisions que va arrêter le tribunal pour la suite du procès, les avocats de la Défense ont appelé à la comparution des ces ministres dont un est décédé hors du pays.

Environ 100 témoins (à charge et à décharge) ont été entendus pendant ce procès correctionnel. A partir du 8 octobre 2012, reprennent les audiences de la trentaine de prévenus de la filière cacao-café. Pour la reprise, le président Ahmed Coulibaly a indiqué, le mercredi 25 juillet 2012, que les audiences seront maintenues les lundi, mardi et mercredi.

Hermance K-N

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