Terrain miné pour Ouattara

Au plan sécuritaire, les choses ne sont décidément pas au beau fixe en Côte d’Ivoire. L’attaque à l’arme lourde qui vient d’être perpétrée à Abidjan avec son lot de victimes, en dit long sur l’insécurité qui prévaut encore dans le pays. Et sans être alarmiste, on est fondé à penser que le niveau d’insécurité reste préoccupant en Côte d’Ivoire. Que le territoire ne soit pas encore bien sécurisé dans ses moindres recoins, cela peut se comprendre. Mais que des armes lourdes soient encore aux mains de miliciens à même d’en faire usage et ce jusqu’à Abidjan, c’est assez grave. Et il faut s’en convaincre. Face à ces attaques, on ne peut s’empêcher de se demander si ce sont les derniers soubresauts des pro-Gbagbo ou les prémices d’une nouvelle crise d’ampleur. Bien entendu, il faut souhaiter que ce soit un épiphénomène et que la sécurité s’installe vraiment dans ce pays. Mais, c’est suffisamment inquiétant que cela se soit passé dans la capitale économique considérée comme le siège réel de l’économie et du pouvoir en Eburnie. Ajouté aux attaques meurtrières déjà déplorées à l’intérieur du pays, cet incident achève de convaincre même les plus optimistes qu’il y a eu des failles ou de la négligence, ne serait-ce qu’en matière de renseignements et que de sérieux efforts restent, pour ainsi dire, à faire en matière de restauration de la sécurité. En tout cas, cette situation prouve à bien des égards que le désarmement tant claironné n’a pas été suivi d’effets, que toutes les dispositions n’ont pas été prises pour un retour effectif de la sécurité, même à quelques encablures du siège du pouvoir. Il est vrai que la sécurisation de la Côte d’Ivoire n’est pas une partie de plaisir après la crise que le pays a vécue. Cette crise, on le sait, a été d’une violence inouïe et a, par voie de conséquence, laissé des traces profondes de rupture dans les cœurs des Ivoiriens. Les rancœurs sont énormes et cela ne facilite pas la tâche au régime Ouattara. Aussi, la multiplicité des groupuscules armés, couplée à leurs desseins qui n’ont rien de recommandables, participe à complexifier la tâche de désarmement et partant, de sécurisation du pays. Pourtant, la paix véritable ne saurait revenir au pays de Houphouët-Boigny tant que des armes seront en libre circulation et entre des mains indélicates. Et le désarmement réel des milices ne sera pas tâche aisée tant que certains partisans du régime déchu de Laurent Gbagbo, qui ont visiblement conservé une grande capacité de nuisance et peinent toujours à jeter la rancune à la rivière, ne renonceront pas à l’idée de déstabiliser militairement le régime en place. En tout état de cause, la réconciliation et la paix en Côte d’Ivoire restent une arlésienne. Certes, le pouvoir ivoirien s’est efforcé depuis la prestation de serment de Alassane Ouattara, de relever de nombreux défis. La relance du secteur économique par exemple est en bonne voie avec, entre autres acquis, un certain regain de confiance des investisseurs étrangers vis-à-vis du pays. Mais, ce défi de la sécurité reste le tendon d’Achille de Alassane Ouattara à qui ses ennemis ne feront pas de cadeau. Or, on connait l’importance de la sécurité des personnes et des biens dans un pays non seulement pour les populations, mais aussi pour les investissements extérieurs. Il y a donc fort à craindre que ce climat délétère, s’il n’est pas dissipé dans les meilleurs délais, soit un facteur qui repousse les personnes physiques ou morales désireuses de s’établir dans le pays en vue d’y faire des affaires. Celles qui y sont déjà établies ne se feront pas prier pour déposer leurs valises ailleurs, là où elles auront plus de garantie de sécurité, ou bien minimiser leurs investissements. Il faut hélas croire que cela participe du travail de sape des anti-Ouattara purs et durs. Inutile de dire qu’une telle situation serait fort préjudiciable pour la Côte d’Ivoire qui s’est pourtant donné beaucoup de mal pour faire revenir ces partenaires. Il y a par conséquent nécessité et urgence à sécuriser au maximum possible le pays, à prendre toute disposition utile pour que la logique de la peur ne soit plus qu’un souvenir. Le président Ouattara avance en terrain miné mais l’importance de l’enjeu mérite qu’il se donne tous les moyens de réussir. Et il ne pourrait y arriver assez facilement que si ses compatriotes, toutes tendances confondues, y contribuent de façon positive. En tout état de cause, les Ivoiriens doivent tous se convaincre que le retour effectif de la paix et la réconciliation sont une condition sine qua non pour atteindre l’objectif tant recherché d’une Côte d’Ivoire debout, prospère, respectable et respectée dans le concert des nations. Mais encore faut-il que cet objectif soit vraiment partagé par tous !

« Le Pays »

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