Rapport de la CNE – Des zones d’ombres subsistent

Amadé Ouérémi

Copie du Rapport de la Commission nationale d’enquête (CNE) sur la crise postélectorale a été envoyée via e-mail à notre rédaction, le samedi 11 août 2012, par les services de la présidence de la République. La lecture de ce document de 33 pages précédé d’un préambule de deux pages (en fait le Résumé du Rapport), fait ressortir qu’il s’agit en fait de la synthèse du Rapport et non de l’intégralité des résultats des investigations menées pendant une année par la CNE. En effet, le document à nous parvenu n’est pas accompagné des annexes et autres notes de bas de pages, comme cela est de coutume dans ce genre d’exercice. Ce document donne donc des informations générales sur ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire durant la crise postélectorale. Il ne fournit aucune indication sur l’identité des présumés auteurs de crimes, ne contient pas une liste nominative des personnes décédées, etc. Ce Rapport comporte quelques faiblesses, et nous nous bornerons à ne relever que les plus apparentes. La première insuffisance du travail effectué par la CNE porte sur le nombre des victimes tuées durant la crise postélectorale. Tout porte à croire que la Commission nationale d’enquête s’est laissée brider par les chiffres officiels déjà annoncés, notamment par l’Organisation des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONCI), et faisant état d’environ 3.000 morts. La CNE n’a pas souhaité aller très largement au-delà de ce chiffre, ne dénombrant que 3.248 personnes décédées du fait de la guerre postélectorale. Mais ce qui frappe le plus dans ces statistiques, c’est le cas de la région du Guémon (chef-lieu : Duékoué). La CNE dit avoir dénombré 385 morts, et se démarque par ce chiffre de ceux jusque-là avancés par les agences humanitaires dont la Croix-Rouge, et les organisations internationales de défense des droits d’Homme, qui ont recensé plus de 800 victimes tuées lors des seuls massacres perpétrés au «quartier Carrefour», à Duékoué entre le 25 et le 28 mars 2011. Était-ce par souci de ne pas trop «gonfler» les chiffres, qui auraient dans ce cas avoisiné les 4.000 morts ? Une autre lacune relevée porte sur la répartition des victimes selon le critère du genre. Par exemple, la CNE déclare que «Dans le cadre de l’enquête, la Commission a relevé 3248 cas d’atteinte au droit à la vie. Parmi les victimes on dénombre des femmes et des enfants». Sans plus. Il n’y a aucune précision sur le nombre de personnes de sexe masculin et féminin tuées, ni même sur le nombre exact d’enfants tués. Ce sont pourtant des données statistiques importantes dans ce genre d’enquête, et qui montrent que les enquêteurs ne se sont pas limités à des lieux communs ou à des généralités, mais qu’ils ont fait un véritable travail d’investigation. Une autre observation, et non des moindres, est relative aux auteurs présumés de crimes, spécifiquement la catégorie des mercenaires, qui ont été quasiment tous attribués à l’ancien président Laurent Gbagbo. La CNE écrit en effet ceci : «Les auditions font état des violations perpétrées par des combattants étrangers dits mercenaires, notamment libériens et angolais. Il ressort que ces professionnels du maniement des armes ont été recrutés essentiellement par le camp Gbagbo et entretenus dans différents camps et casernes de l’armée officielle des FDS d’alors. Leur présence, notamment en ce qui concerne les Libériens, au sein du dispositif des forces pro-Gbagbo est attestée et on peut suivre leur mouvement à partir des témoignages de violations les impliquant à Abidjan et dans les villes qu’ils ont traversées jusqu’à la frontière ouest pour retourner dans leur pays d’origine». La Commission passe sous silence la présence de mercenaires dans le camp Ouattara, également signalée dans plusieurs rapports d’organismes internationaux. Notamment le groupe des combattants d’Amadé Ouérémi (un chef de guerre d’origine burkinabé) qui a combattu aux côtés des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI). Des rapports d’ONG indiquent que ce Ouérémi a été formellement identifié par les populations de Duékoué lors des massacres du «quartier Carrefour». Ce sont là quelques zones d’ombre relevées dans le Rapport de la CNE et qui donnent lieu à quelques interrogations.

ANASSE ANASSE
L’Inter

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