La tension remonte au sein de l’armée en Côte d’Ivoire

Le gouvernement accuse des supporteurs de l’ex-président Laurent Gbagbo d’en être à l’origine.

Ces attaques montrent l’incapacité des autorités à réformer le secteur de la sécurité, plus d’un an après la fin de la crise.

Depuis quinze jours, Abidjan a deux visages. Animée, embouteillée et pleine de vie la journée. En quasi-état de siège, militaires à tous les coins de rues et contrôles incessants dès que la nuit tombe. De quoi rappeler de mauvais souvenirs aux habitants de la capitale économique ivoirienne, encore traumatisés par la crise post-électorale qui s’était soldée l’an passé par deux semaines de guerre en pleine ville.

Attaques en série

Le renforcement des mesures de sécurité à Abidjan s’explique. L’armée ivoirienne a été récemment la cible de plusieurs attaques d’hommes armés durant lesquelles dix soldats ont trouvé la mort. Dimanche 5 août d’abord : en pleine nuit, un groupe de six hommes armés habillés en treillis militaire, à bord d’un taxi, ouvre le feu sur un commissariat de la commune de Yopougon. Ils attaquent dans la foulée un point de contrôle de l’armée situé dans le même quartier. Bilan : cinq soldats tués lors des deux assauts.

Le lendemain, c’est le camp militaire d’Akouedo, une des plus importantes bases de l’armée dans la ville, qui est attaqué par une trentaine d’hommes, de nouveau dans la nuit. Cinq autres soldats et un assaillant sont tués lors des combats qui durent trois heures. Deux jours après, dans la nuit du 7 au 8 août, une quatrième attaque cible un check-point de l’armée près d’Agboville (80 km au nord d’Abidjan), blessant plusieurs soldats.

Et le lundi 13 août, un poste frontière est attaqué à Toulepleu, à la frontière libérienne faisant un blessé ivoirien. Six Ivoiriens ont été arrêtés au Liberia mercredi 15 août. Ils sont soupçonnés d’être impliqués dans l’attaque de lundi et sont détenus dans une zone frontalière, a annoncé le ministre libérien de la Défense, Brownie Samukai.

Des partisans de Gbagbo impliqués

Le gouvernement accuse des partisans de l’ex-président Laurent Gbagbo d’être derrière ces attaques survenues au moment où la Côte d’Ivoire célébrait ses 52 ans d’indépendance. Hamed Bakayoko, le ministre de l’intérieur, a accusé les pro-Gbagbo en exil au Ghana voisin d’avoir planifié ces attaques afin de créer une «situation de paranoïa dans le pays» alors que Laurent Gbagbo, incarcéré à La Haye, devait être entendu par la Cour pénale internationale le 13 août – une audience reportée quelques jours avant, pour des raisons médicales.

Le gouvernement a annoncé l’arrestation de 11 personnes, dont des soldats de la base militaire visée. «Il ne fait aucun doute que ces attaques ont été menées grâce à des complicités au sein du camp», estime Paul Koffi Koffi, ministre délégué à la défense. Les éléments qui assuraient la garde de l’armurerie ont été incarcérés, et plusieurs responsables du camp ont été démis de leurs fonctions.

Incapacité à réformer l’armée

Ces attaques montrent surtout l’incapacité du gouvernement à réformer l’armée et résoudre les problèmes liés au secteur de la sécurité et de la défense. «C’est incroyable qu’une base militaire de 3 000 soldats se fasse attaquer aussi facilement par une trentaine d’hommes qui rentrent dans un camp, tuent des soldats et prennent des armes» , estime un connaisseur des questions militaires.

Grand chantier promis par le président Ouattara, la réforme du secteur de sécurité est en effet au point mort. L’idée était, en théorie, de refonder une armée en mêlant d’ex-rebelles (9 000 sur 32 000) qui se sont battus pour Ouattara, des ex-Forces de défense et de sécurité – police et armée régulière loyales à Gbagbo – et d’une petite partie de volontaires qui avaient pris part à la bataille d’Abidjan. Non seulement les programmes de réinsertion ont peu avancé – aussi bien du côté des ex-rebelles que des volontaires – mais l’unité fait cruellement défaut au sein des forces armées.

Le gouvernement s’appuie essentiellement sur les ex-rebelles pour assurer la sécurité du pays et des institutions. Le nord du pays est lui toujours sous l’autorité des anciens chefs de guerre dont l’influence reste importante. «Le pouvoir continue à ne pas faire confiance aux ex-FDS qui restent sous-équipés, sans mission et donc frustrés , estime cet expert. Le nombre de militaires susceptibles d’être à l’origine de ces attaques est donc considérable, et va des pro-Gbagbo aux soldats méprisés et aux ex-combattants non réinsérés.»

OLIVIER MONNIER (à Abidjan)

Source: la-croix.com

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